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AGRICULTURES

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18<br />

DOSSIER <strong>AGRICULTURES</strong><br />

s<br />

La découverte britannique de lasagnes<br />

Findus, puis Picard, à la viande de<br />

cheval – moins chère que le bœuf<br />

annoncé sur l’emballage – a focalisé<br />

l’attention en 2013 sur de longs circuits<br />

commerciaux intra-européens<br />

ignorés du public, ponctués de traders<br />

pressés de vendre, de sous-traitants<br />

et de parcours embrouillés mais<br />

très rémunérateurs. La révélation<br />

d’approvisionnements en lots de<br />

« minerai » de viande (chutes de<br />

découpes jamais utilisées avant 1970),<br />

conditionnés sous forme de briques<br />

surgelées, retrouvées partout en<br />

Europe – et jusqu’à Hong Kong – chez<br />

les plus grands distributeurs a découdu<br />

principe général de l’intensification<br />

écologique (agriculture durable,<br />

agriculture biologique, agroécologie),<br />

autant d’options auxquelles<br />

les agrifirmes et autres exploitants<br />

productivistes se refusent communément<br />

à envisager. Il leur faut par<br />

conséquent, au-delà du déni, trouver<br />

des parades, ou des alternatives,<br />

dont trois exemples, français, sont<br />

décrits ci-dessous.<br />

DES DÉMARCHES ALTERNATIVES?<br />

Une première démarche consiste,<br />

sous l’étiquette agriculture écologiquement<br />

intensive, à réduire le contenu<br />

d’une approche globale touchant<br />

tous les compartiments de l’acte productif<br />

à un nombre restreint de bonnes<br />

pratiques agricoles, utiles mais isolées<br />

de l’ensemble. C’est, par exemple,<br />

ce que la firme coopérative Terrena<br />

propose à ses adhérents, qui croient<br />

pouvoir ainsi s’affirmer vertueux tout<br />

en conservant l’essentiel d’une<br />

approche productiviste.<br />

Une deuxième démarche consiste à<br />

reconnaître la réalité des problèmes<br />

et à leur appliquer des réponses innovantes<br />

: confrontée aux excédents<br />

d’effluents d’élevage, la ferme des<br />

1 000 vaches a mis en place un gros<br />

programme de méthanisation, aux<br />

conséquences discutables : effets<br />

encore mal évalués de la réduction<br />

des retours organiques au sol, pression<br />

accrue sur le prix du lait, légitimation<br />

de la fuite en avant dans la<br />

taille des élevages.<br />

Une troisième démarche consiste à<br />

allumer des contre-feux, parfois très<br />

élaborés, répondant à certaines critiques<br />

mais en ignorant d’autres. La<br />

diffusion du non-labour et semis<br />

direct sous couvert en grande culture<br />

motorisée qu’analysent, en termes<br />

très mesurés, Ève Fouilleux et Frédéric<br />

Goulet (2012) est un cas d’école. Cette<br />

incontestable bonne pratique, a priori<br />

respectueuse des sols, s’est diffusée<br />

à partir des États-Unis parmi les agrifirmes<br />

brésiliennes ou argentines<br />

spécialisées dans la monoculture du<br />

soja ou du maïs : outils de travail du<br />

sol et de semis adaptés, semences<br />

transgéniques Roundup Ready, épandage<br />

généralisé de glyphosate. Un<br />

label environnemental « Soja responsable<br />

» lui a même été attribué.<br />

Sous des appellations variées (techniques<br />

culturales simplifiées, agriculture<br />

de conservation), ce nouveau<br />

modèle, présenté comme vertueux,<br />

est promu en France par<br />

diverses associations d’agriculteurs,<br />

dont le réseau BASE (Biodiversité,<br />

Agriculture, Sols, Environnement).<br />

Notre pays, il est vrai, rejette pour<br />

l’instant la généralisation des semences<br />

génétiquement modifiées. L’Institut<br />

de l’agriculture durable, cofondé par<br />

Luc Guyau, s’emploie à préparer les<br />

esprits et les agriculteurs – de firme<br />

ou familiaux – à l’étape suivante.<br />

Après avoir enterré la directive « sols »,<br />

pas à pas et pays par pays, l’Union<br />

européenne y travaille.<br />

GAGNER LA BATAILLE DES IDÉES<br />

L’argument suprême de cette nouvelle<br />

figure du capitalisme mondialisé<br />

serait son aptitude à nourrir le<br />

monde, encore faudrait-il que la<br />

demande soit solvable. Et ce serait<br />

PAR ANNE RIVIÈRE*,<br />

aussi, on croit l’avoir montré, au<br />

détriment de l’emploi et de l’environnement.<br />

Au productivisme décomplexé,<br />

il nous faut donc résolument<br />

opposer des systèmes de production<br />

tendant à la satisfaction des<br />

besoins humains, en respectant la<br />

terre et le travailleur, par la valorisation<br />

de toutes les ressources des<br />

agro-éco-systèmes. Cette intervention,<br />

éminemment politique, passe<br />

par la participation aux luttes, nombreuses<br />

et variées : Journée anti-<br />

Monsanto, défense des terres agricoles<br />

et des élevages à taille humaine,<br />

soutien aux exploitations qui refusent<br />

les logiques d’agrandissement.<br />

Avec l’objectif de gagner aussi, avant<br />

qu’il ne soit trop tard, la bataille des<br />

idées.n<br />

*PIERRE LENORMAND est géographe<br />

ruraliste<br />

UNION EUROPÉENNE ET VIANDES<br />

TRANSFORMÉES : UN SCANDALE PEUT<br />

EN CACHER D’AUTRES<br />

La libre circulation des marchandises dans l’UE a conduit à de nouvelles répartitions<br />

de productions complémentaires. Le pays « naisseur » est parfois à des<br />

centaines de kilomètres du pays « d’embouche », et peut ainsi tirer profit de<br />

réglementations différentes et de contrôles moins serrés pour obtenir, à la<br />

vente, sinon une viande de qualité du moins un poids et un profit supérieurs.<br />

ragé un temps la consommation de<br />

plats tout préparés, faute d’étiquetage,<br />

non obligatoire sur la viande<br />

dite « transformée ».<br />

UNE CONCURRENCE VACHE<br />

Les éleveurs de bovins français, déjà<br />

fragilisés, en font les frais malgré<br />

leurs efforts de qualité et de respect<br />

de règles sévères de traçabilité, moins<br />

évidents ailleurs. Le patrimoine bovin<br />

de l’Hexagone, digne d’intérêt pour<br />

sa qualité gustative, est menacé de<br />

disparition (500 suicides d’éleveurs<br />

entre 2010 et 2013), et s’installe une<br />

« lutte de classe » parmi les vaches,<br />

entre les laitières en fin de carrière,<br />

enfermées, et les blondes en liberté,<br />

nourries à la graine de lin. La poro-<br />

Progressistes AVRIL-MAI-JUIN 2015

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