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AGRICULTURES

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42<br />

TRAVAIL ENTREPRISE & INDUSTRIE<br />

n SANTÉ<br />

« Big pharma »<br />

et logiques financières<br />

L’industrie pharmaceutique, deuxième industrie mondiale par son chiffre d’affaires,<br />

est confrontée à des rendements d’innovation décroissants. Elle impose des choix<br />

drastiques de réduction de sa recherche mondiale pour maintenir une des profitabilités<br />

les plus élevées au monde : l’exemple de Sanofi.<br />

PAR MICHEL RÉGENT, SANDRINE.<br />

CARISTAN ET ANNE RIVIÈRE*.<br />

LE MÉDICAMENT:<br />

UN « MARCHÉ » À PART<br />

Des règles précises encadrent<br />

les activités des industriels du<br />

médicament. Ils doivent négocier<br />

le prix de leurs produits<br />

avec les pouvoirs publics et les<br />

tiers payants. Ce n’est pas un<br />

marché comme les autres: coûts<br />

de recherche très élevés, coût<br />

de production souvent très faible<br />

– ce que le développement<br />

des génériques a rendu criant<br />

–, mécanismes de fixation de<br />

prix opaques.<br />

La demande solvable se trouve<br />

dans les pays développés et les<br />

be soins de santé mondiaux<br />

sont immenses ; d’où la fortune<br />

des laboratoires, attirant<br />

des actionnaires, tel l’Oréal<br />

chez Sanofi. Un parfum de scandale<br />

aux États-Unis émane du<br />

secteur, avec des drames sanitaires<br />

répétés. En France, l’affaire<br />

du Mediator en est juste<br />

un exemple. Les causes sont<br />

systémiques: les essais cliniques<br />

sont longs, élaborés et financés<br />

par l’industrie pressée d’avoir<br />

des résultats positifs, prenant<br />

le moins de risque possible et<br />

taisant les échecs, non soumis<br />

à publication. Face à notre ignorance<br />

encore grande en biologie,<br />

ils freinent les possibilités<br />

de découvertes.<br />

On travaille plutôt sur ce qui est<br />

déjà connu, lançant de « nouveaux<br />

» médicaments à grand<br />

renfort de lobbying et de frais<br />

de communication plus importants<br />

que ceux de la recherche<br />

et développement (R&D). Des<br />

maladies graves restent sans<br />

traitement efficace, tandis que<br />

certains produits, reconditionnés,<br />

pompent les fonds des assurés<br />

sociaux. On élargit les<br />

domaines de prescription en<br />

créant des syndromes appropriés<br />

au développement des<br />

ventes, on invente des risques<br />

de santé publique…<br />

L’importance des fonds publics<br />

drainés et du droit à la santé,<br />

d’essence constitutionnelle et<br />

supérieure au droit commercial,<br />

autorise les citoyens et les<br />

salariés à promouvoir l’urgence<br />

d’autres critères pour l’exercice<br />

de cette activité au service de<br />

tous.<br />

UN MODÈLE OBSOLÈTE<br />

ET RUINEUX<br />

Cette industrie déploie des stratégies<br />

n’entamant pas les dividendes<br />

; elle réduit en revanche<br />

sans cesse les coûts de production,<br />

quitte à ne pas produire<br />

assez (100 ruptures de stock en<br />

2013). Elle soumet la recherche<br />

à ses propres critères, la restreignant<br />

et la mutilant en interne,<br />

tout en captant, en plus, la<br />

recherche publique. Le système<br />

des brevets lui a assuré des quasimonopoles<br />

pour ses blockbusters<br />

(médicament-vedettes synonymes<br />

de milliards de bénéfices),<br />

censés correspondre aux investissements<br />

réalisés.<br />

Les brevets se terminent et les<br />

génériques s’imposent, même<br />

si certains aspects de leur production<br />

posent problème<br />

(contrôle des matières premières,<br />

notamment). Le recours aux<br />

génériques n’est pas un but en<br />

soi. La question doit être celle<br />

de l’accès aux médicaments de<br />

qualité pour tous les patients,<br />

en France et dans le monde.<br />

Les facteurs temps et prix bloquent<br />

la création de valeur pour<br />

l’actionnaire. Le temps de l’actionnaire<br />

n’est pas celui du chercheur<br />

ni celui du malade.<br />

Le boom des biotechnologies,<br />

très rentables, vient à point : en<br />

intégrant ou en parrainant les<br />

start-up, des produits tout prêts<br />

pour nourrir les profits actionnariaux<br />

sont récupérés (et l’on<br />

songe à l’exemple du rachat par<br />

Sanofi de Genzyme: 20 milliards<br />

de dollars). La vente libre au<br />

public est également source de<br />

profits, alors que la distribution<br />

de médicaments est aussi un<br />

enjeu de santé publique.<br />

Les « Big Pharma » en sont<br />

venues à coopérer au sein de<br />

TransCelerate BioPharma Inc.<br />

– aux États-Unis – pour conjuguer<br />

leurs moyens, le temps de<br />

faire de réelles découvertes pour<br />

relancer leur profitabilité et se<br />

partager ensuite les parts de<br />

marché.<br />

PLANIFICATION D’UN GÂCHIS<br />

Sanofi est issu du pétrole (Elf)<br />

et de nombreuses fusions. Son<br />

palmarès fait tourner la tête :<br />

première entreprise pharmaceutique<br />

française (un tiers<br />

du potentiel national) et européenne,<br />

première mondiale<br />

pour les vaccins (Sanofi-<br />

Pasteur), 23 000 emplois en<br />

France, 47 sites intégrés.<br />

En 2008, le « pipeline » (molécules<br />

en développement) vide,<br />

les tombées de brevets et l’arrivée<br />

des génériques portent le<br />

financier germano-canadien<br />

Chris Viehbacher à la tête de<br />

Sanofi. Il déploie un premier<br />

plan de restructuration,<br />

Transforming 1 : 20 % des<br />

emplois détruits, retrait d’axes<br />

On travaille plutôt sur<br />

ce qui est déjà connu,<br />

lançant de «nouveaux»<br />

médicaments à grand<br />

renfort de lobbying<br />

frais de communication<br />

plus importants que<br />

ceux consacrés à la<br />

recherche et au<br />

développement (R&D) !<br />

de recherche thérapeutique –<br />

l’oncologie à Montpellier –, et<br />

économie de 2 milliards d’euros.<br />

5 000 emplois hautement<br />

qualifiés sont supprimés, s’appuyant<br />

sur la loi dite de « sécurisation<br />

de l’emploi ». Cela génère<br />

7 à 9 milliards de bénéfices par<br />

an pour les actionnaires. Depuis<br />

2008, les dividendes ont augmenté<br />

de 133 % et l’action est<br />

passée de 1,2 à 2,8 €. En plus du<br />

reste, 50 % des bénéfices sont<br />

reversés aux actionnaires.<br />

HARO SUR<br />

LA RECHERCHE INTERNE<br />

En juillet 2012, nouveau « plan<br />

de réorganisation et d’adaptation<br />

2012-2015 » :<br />

700 suppressions de postes ;<br />

1 500 mutations contraintes ;<br />

Progressistes AVRIL-MAI-JUIN 2015

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