09.11.2015 Views

AGRICULTURES

revue-progressiste-nc2b081

revue-progressiste-nc2b081

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

27<br />

un levier pour faire face à ces choix<br />

de libéralisation et au maintien d’une<br />

collecte laitière, mais faut-il encore<br />

le rappeler ? seuls 30 % du lait produit<br />

en zone de montagne est valorisé<br />

sous appellations. Ajoutons que,<br />

à l’exception de quelques AOP en<br />

pointe dans la structuration de leur<br />

filière, l’immense majorité des exploitations<br />

laitières de montagne ne livre<br />

pas exclusivement du lait valorisé<br />

sous signe de qualité et/ou d’origine.<br />

Contrairement aux idées reçues, l’économie<br />

laitière de montagne est donc<br />

loin d’être à l’abri des choix libéraux.<br />

Elle peut en être, au contraire, une<br />

des premières victimes.<br />

ET LA VIANDE?<br />

Le secteur de la viande a, quant à lui,<br />

une véritable épée de Damoclès audessus<br />

de la tête du fait de la multiplication<br />

des accords de libre-échange<br />

négociés par les commissaires européens.<br />

Nous faisons référence, bien<br />

entendu, au projet d’accord transatlantique<br />

(TIPP, ou TAFTA), mais<br />

aussi aux accords ou projets d’accords,<br />

moins connus, avec le Canada<br />

et le Mercosur (Argentine, Brésil,<br />

Paraguay, Uruguay, Venezuela).<br />

Clairement, la viande bovine du<br />

Massif central est mise en concurrence<br />

directe avec les productions<br />

canadiennes, sud-américaines et<br />

bientôt états-uniennes, alors que<br />

tout sépare l’élevage intensif de ces<br />

pays des conditions de production<br />

de nos zones de montagne.<br />

Nous parlons ici de plusieurs dizaines,<br />

voire centaines de milliers de tonnes<br />

de viande bovine qui entreront demain<br />

en Europe, sans droits de douane, et<br />

exerceront de puissants effets de dé -<br />

structuration des marchés et de baisse<br />

des prix d’achat. À l’instar de l’effondrement<br />

de la production ovine française<br />

et de montagne ces trente dernières<br />

années, tout porte à penser<br />

que le même cocktail, fait d’ouverture<br />

des marchés et de mise en concurrence<br />

de systèmes de production<br />

très différents, produira les mêmes<br />

effets sur l’élevage bovin allaitant<br />

de montagne.<br />

L’AVENIR, C’EST LA MALBOUFFE?<br />

Le fait est que, derrière le miroir du<br />

« verdissement » de sa politique agricole<br />

et du soutien spécifique aux<br />

zones défavorisées, l’UE poursuit à<br />

marche forcée la libéralisation de<br />

son secteur agricole. Les effets des<br />

grandes orientations politiques de<br />

la nouvelle PAC sont bien plus puissants<br />

sur les agricultures de montagne<br />

et de piémont que l’évolution<br />

des mesures compensatrices ciblées<br />

sur ces territoires.<br />

Quand on connaît la fragilité des<br />

structures concernées de ces zones<br />

“<br />

Plusieurs dizaines, voire centaines de<br />

milliers de tonnes de viande bovine qui entreront<br />

demain en Europe, sans droits de douane, et<br />

exerceront de puissants effets de déstructuration<br />

des marchés et de baisse des prix d’achat.<br />

La viande<br />

produite dans<br />

nos montagnes<br />

sera désormais<br />

en concurrence<br />

directe avec celles<br />

du monde entier.<br />

“<br />

et le rôle indispensable de politiques<br />

publiques protectrices pour y maintenir<br />

les exploitations présentes, on<br />

ne peut qu’être consterné par l’absence<br />

de volonté politique de contrecarrer<br />

cet abandon programmé des<br />

agricultures de montagne. D’autant<br />

plus que, dans le même temps, le<br />

discours politique porté en France<br />

ne cesse d’afficher les vertus de<br />

l’agroécologie et du besoin de changer<br />

de modèle agricole en favorisant<br />

la relocalisation et la qualité des productions.<br />

Comment ne pas y voir<br />

une contradiction politique évidente<br />

quand on s’accorde pour transporter<br />

sur des milliers de kilomètres des<br />

dizaines de milliers de tonnes de<br />

bœuf, produites dans des parcs d’engraissement<br />

industriels, au détriment<br />

direct de productions sur des<br />

surfaces herbagères, issues de races<br />

à viande de très grande qualité, de<br />

fermes familiales, garantes du maintien<br />

d’une économie rurale sur des<br />

territoires fragiles ?<br />

Quant au maintien de « lignes rouges »<br />

à ne pas dépasser concernant la protection<br />

des appellations d’origine et<br />

indications géographiques, il est bien<br />

loin d’être garanti. Et il ne suffira pas,<br />

de toute façon, à protéger la majorité<br />

des structures agricoles concernées<br />

en zones défavorisées.<br />

LES DÉFIS D’UN NOUVEAU MODÈLE<br />

AGRICOLE ET ALIMENTAIRE<br />

Un tel suivisme des dogmes libéraux<br />

appliqués au secteur agricole n’est<br />

pas seulement dangereux pour l’avenir<br />

de l’élevage de montagne; il prouve<br />

aussi combien le défi est grand pour<br />

parvenir à une réorientation de notre<br />

modèle agricole et alimentaire. La<br />

réponse aux besoins exprimés par<br />

500 millions d’Européens passe par<br />

une alimentation relocalisée, saine,<br />

de qualité, répondant aux exigences<br />

environnementales et permettant<br />

aux producteurs de vivre de leur activité<br />

sur leur territoire avec des prix<br />

d’achat garantis.<br />

En somme, nous venons d’énoncer<br />

les atouts sociaux, économiques et<br />

environnementaux que porte encore<br />

l’agriculture de montagne, véritable<br />

modèle en actes, mais qui ne semble<br />

pas intéresser les tenants de l’agrobusiness<br />

et de la financiarisation de<br />

l’agriculture. n<br />

*JULIEN BRUGEROLLES est assistant<br />

parlementaire.<br />

ÉCRIVEZ-NOUS À<br />

progressistes@pcf.fr<br />

Votre revue est également<br />

téléchargeable gratuitement<br />

sur www.progressistes.pcf.fr<br />

AVRIL-MAI-JUIN 2015 Progressistes

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!