AGRICULTURES
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un levier pour faire face à ces choix<br />
de libéralisation et au maintien d’une<br />
collecte laitière, mais faut-il encore<br />
le rappeler ? seuls 30 % du lait produit<br />
en zone de montagne est valorisé<br />
sous appellations. Ajoutons que,<br />
à l’exception de quelques AOP en<br />
pointe dans la structuration de leur<br />
filière, l’immense majorité des exploitations<br />
laitières de montagne ne livre<br />
pas exclusivement du lait valorisé<br />
sous signe de qualité et/ou d’origine.<br />
Contrairement aux idées reçues, l’économie<br />
laitière de montagne est donc<br />
loin d’être à l’abri des choix libéraux.<br />
Elle peut en être, au contraire, une<br />
des premières victimes.<br />
ET LA VIANDE?<br />
Le secteur de la viande a, quant à lui,<br />
une véritable épée de Damoclès audessus<br />
de la tête du fait de la multiplication<br />
des accords de libre-échange<br />
négociés par les commissaires européens.<br />
Nous faisons référence, bien<br />
entendu, au projet d’accord transatlantique<br />
(TIPP, ou TAFTA), mais<br />
aussi aux accords ou projets d’accords,<br />
moins connus, avec le Canada<br />
et le Mercosur (Argentine, Brésil,<br />
Paraguay, Uruguay, Venezuela).<br />
Clairement, la viande bovine du<br />
Massif central est mise en concurrence<br />
directe avec les productions<br />
canadiennes, sud-américaines et<br />
bientôt états-uniennes, alors que<br />
tout sépare l’élevage intensif de ces<br />
pays des conditions de production<br />
de nos zones de montagne.<br />
Nous parlons ici de plusieurs dizaines,<br />
voire centaines de milliers de tonnes<br />
de viande bovine qui entreront demain<br />
en Europe, sans droits de douane, et<br />
exerceront de puissants effets de dé -<br />
structuration des marchés et de baisse<br />
des prix d’achat. À l’instar de l’effondrement<br />
de la production ovine française<br />
et de montagne ces trente dernières<br />
années, tout porte à penser<br />
que le même cocktail, fait d’ouverture<br />
des marchés et de mise en concurrence<br />
de systèmes de production<br />
très différents, produira les mêmes<br />
effets sur l’élevage bovin allaitant<br />
de montagne.<br />
L’AVENIR, C’EST LA MALBOUFFE?<br />
Le fait est que, derrière le miroir du<br />
« verdissement » de sa politique agricole<br />
et du soutien spécifique aux<br />
zones défavorisées, l’UE poursuit à<br />
marche forcée la libéralisation de<br />
son secteur agricole. Les effets des<br />
grandes orientations politiques de<br />
la nouvelle PAC sont bien plus puissants<br />
sur les agricultures de montagne<br />
et de piémont que l’évolution<br />
des mesures compensatrices ciblées<br />
sur ces territoires.<br />
Quand on connaît la fragilité des<br />
structures concernées de ces zones<br />
“<br />
Plusieurs dizaines, voire centaines de<br />
milliers de tonnes de viande bovine qui entreront<br />
demain en Europe, sans droits de douane, et<br />
exerceront de puissants effets de déstructuration<br />
des marchés et de baisse des prix d’achat.<br />
La viande<br />
produite dans<br />
nos montagnes<br />
sera désormais<br />
en concurrence<br />
directe avec celles<br />
du monde entier.<br />
“<br />
et le rôle indispensable de politiques<br />
publiques protectrices pour y maintenir<br />
les exploitations présentes, on<br />
ne peut qu’être consterné par l’absence<br />
de volonté politique de contrecarrer<br />
cet abandon programmé des<br />
agricultures de montagne. D’autant<br />
plus que, dans le même temps, le<br />
discours politique porté en France<br />
ne cesse d’afficher les vertus de<br />
l’agroécologie et du besoin de changer<br />
de modèle agricole en favorisant<br />
la relocalisation et la qualité des productions.<br />
Comment ne pas y voir<br />
une contradiction politique évidente<br />
quand on s’accorde pour transporter<br />
sur des milliers de kilomètres des<br />
dizaines de milliers de tonnes de<br />
bœuf, produites dans des parcs d’engraissement<br />
industriels, au détriment<br />
direct de productions sur des<br />
surfaces herbagères, issues de races<br />
à viande de très grande qualité, de<br />
fermes familiales, garantes du maintien<br />
d’une économie rurale sur des<br />
territoires fragiles ?<br />
Quant au maintien de « lignes rouges »<br />
à ne pas dépasser concernant la protection<br />
des appellations d’origine et<br />
indications géographiques, il est bien<br />
loin d’être garanti. Et il ne suffira pas,<br />
de toute façon, à protéger la majorité<br />
des structures agricoles concernées<br />
en zones défavorisées.<br />
LES DÉFIS D’UN NOUVEAU MODÈLE<br />
AGRICOLE ET ALIMENTAIRE<br />
Un tel suivisme des dogmes libéraux<br />
appliqués au secteur agricole n’est<br />
pas seulement dangereux pour l’avenir<br />
de l’élevage de montagne; il prouve<br />
aussi combien le défi est grand pour<br />
parvenir à une réorientation de notre<br />
modèle agricole et alimentaire. La<br />
réponse aux besoins exprimés par<br />
500 millions d’Européens passe par<br />
une alimentation relocalisée, saine,<br />
de qualité, répondant aux exigences<br />
environnementales et permettant<br />
aux producteurs de vivre de leur activité<br />
sur leur territoire avec des prix<br />
d’achat garantis.<br />
En somme, nous venons d’énoncer<br />
les atouts sociaux, économiques et<br />
environnementaux que porte encore<br />
l’agriculture de montagne, véritable<br />
modèle en actes, mais qui ne semble<br />
pas intéresser les tenants de l’agrobusiness<br />
et de la financiarisation de<br />
l’agriculture. n<br />
*JULIEN BRUGEROLLES est assistant<br />
parlementaire.<br />
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