AGRICULTURES
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DOSSIER <strong>AGRICULTURES</strong><br />
s<br />
non OGM, mais également annihiler<br />
les progrès réalisés en la matière dans<br />
une trentaine d’États américains.<br />
La volaille désinfectée avec des solutions<br />
chlorées fait également partie<br />
des quelques sujets majeurs de préoccupation<br />
dans une étude réalisée par<br />
le Parlement européen. Les États-<br />
Unis tentent en effet depuis longtemps<br />
d’obtenir la possibilité d’en<br />
exporter vers l’Union : tandis que<br />
celle-ci n’accepte que l’eau pour laver<br />
les carcasses de volailles pour des<br />
raisons sanitaires, les États-Unis autorisent<br />
différents produits de traitement<br />
contre les pathogènes. Les<br />
États-Unis ont déjà contesté cette<br />
interdiction d’exportation, qui leur<br />
a coûté des centaines de millions de<br />
“<br />
dollars de manque à gagner. Ils comptent<br />
sur l’accord en cours pour faire<br />
avancer le sujet.<br />
De nombreux autres exemples pourraient<br />
être développés. Mais qu’on<br />
ne s’y trompe pas, les multinationales<br />
européennes ont elles aussi<br />
des intérêts dans cet accord. Le TAFTA<br />
n’est pas l’histoire de gentils Européens<br />
qui se feraient dominer par de<br />
méchants États-Uniens. Il s’agit bien<br />
plus d’une offensive conjointe des<br />
multinationales des deux côtés de<br />
l’Atlantique pour faire valoir leurs<br />
intérêts.<br />
DES DÉCISIONS POLITIQUES<br />
SUR LESQUELLES ON PEUT PESER<br />
L’accord transatlantique sera voté<br />
in fine à la fois par le Conseil et le<br />
Parlement européen, ainsi que par<br />
les Parlements nationaux si certains<br />
champs des négociations échappent<br />
aux compétences exclusives de<br />
l’Union. Au Parlement européen, les<br />
lignes bougent grâce aux mobilisations<br />
citoyennes: peu à peu, de nombreux<br />
mouvements écologistes, paysans,<br />
syndicaux, de consommateurs,<br />
de la santé ou encore de lutte contre<br />
la financiarisation s’organisent, en<br />
France, dans les autres pays européens<br />
et aux États-Unis, pour contrer<br />
l’accord et son contenu. Ils ont réussi<br />
à dévoiler auprès d’une partie de la<br />
population le contenu de l’accord<br />
qui est sur la table et tentent d’en<br />
faire un débat de société. Ils ont<br />
obtenu de premières victoires, partielles<br />
mais concrètes, en termes de<br />
transparence des informations ou<br />
de remise en cause de certains aspects.<br />
Les mouvements citoyens font le pari<br />
que, comme l’accord anti-contrefaçon<br />
(ACTA) il y a quelques années<br />
ou l’Accord multilatéral sur l’investissement<br />
(AMI) à la fin des années<br />
1990, il est possible de faire basculer<br />
le rapport de forces au détriment<br />
du libre-échange et en faveur d’un<br />
commerce plus régulé, fondé sur la<br />
coopération et le progrès social et<br />
écologique.<br />
“<br />
Mais qu’on ne s’y trompe pas, […] le TAFTA n’est pas l’histoire<br />
de gentils Européens qui se feraient dominer par de méchants États-<br />
Uniens. Il s’agit bien plus d’une offensive conjointe des multinationales<br />
des deux côtés de l’Atlantique pour faire valoir leurs intérêts.<br />
La mainmise de marchés n’est pas<br />
une fatalité. Retours aux circuits<br />
courts et au bio, signes de qualité,<br />
luttes contre les expropriations des<br />
paysans et pour la réappropriation<br />
collective des terres, contre la brevetabilité<br />
des semences et contre les<br />
OGM, forums pour la souveraineté<br />
alimentaire : les luttes et pratiques<br />
locales se multiplient, au Sud comme<br />
au Nord, comme autant d’alternatives<br />
concrètes à la mainmise des<br />
marchés. Pour qu’elles puissent servir<br />
à transformer l’ensemble de nos<br />
façons de produire, de consommer<br />
et d’échanger, il faut qu’elles s’accompagnent<br />
de politiques en leur<br />
faveur et que cesse la libéralisation<br />
des échanges.<br />
*AURÉLIE TROUVÉ est ingénieur<br />
agronome et maître de conférence<br />
en économie..<br />
Dernière publication : Le business est dans le<br />
pré. Les dérives de l’agro-industrie,<br />
éditions Fayard<br />
1. Hubert Cochet et Michel Merlet, « Land<br />
grabbing and share of the value added in<br />
agricultural processes. A new look at the<br />
distribution of land revenues »,<br />
communication à la conference internationale<br />
Global Land Grabbing, Brighton, Royaume-<br />
Uni, 6-8 avril 2011.<br />
BREVETER LE VIVANT?<br />
Le 25 mars 2015, la Grande Chambre de<br />
recours de l’Office européen des brevets a<br />
confirmé que des plantes issues de procédés<br />
« essentiellement biologiques » peuvent être<br />
brevetées. Les conséquences de cette décision<br />
sont dramatiques.<br />
Les États-Unis<br />
font pression pour<br />
que les normes<br />
européennes<br />
d’étiquetage<br />
de l’utilisation<br />
d’OGM soient<br />
remises en cause.<br />
V<br />
PAR GUY KASTLER*,<br />
la directive européenne<br />
98/44 (juillet<br />
D’après<br />
1998), la simple découverte<br />
d’un lien entre une séquence<br />
génétique et un caractère d’intérêt<br />
est qualifiée d’«invention brevetable<br />
» ; ce faisant, elle permet de<br />
revendiquer un titre de propriété sur<br />
toutes les plantes qui expriment ce<br />
caractère et contiennent la séquence<br />
génétique associée, y compris si elles<br />
préexistent à l’état naturel. Certes, en<br />
1998 la transgénèse était le seul outil<br />
auquel on pensait, parce qu’il était<br />
alors le plus utilisé. Mais seul<br />
Polichinelle pouvait croire que les<br />
marqueurs génétiques ne permettraient<br />
pas rapidement d’identifier<br />
puis de breveter directement les<br />
traits « natifs » des plantes en application<br />
de cette directive.<br />
Quelques jours plus tard, Monsanto<br />
dévoilait son ambition d’acquérir le<br />
Syngenta afin de réunir dans ses<br />
seules mains la majorité des brevets<br />
et le contrôle de plus du tiers du marché<br />
mondial des semences et des<br />
pesticides associés. De 1997 à 2013,<br />
on est passé de 7 000 entreprises<br />
semencières, dont aucune ne détenait<br />
plus de 1 % du marché, à 10 qui<br />
en contrôlent 75 %. Où est la souveraineté<br />
d’un pays si une seule entre-<br />
Progressistes AVRIL-MAI-JUIN 2015