AGRICULTURES
revue-progressiste-nc2b081
revue-progressiste-nc2b081
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
23<br />
Les pays en développement, notamment asiatiques et africains, sont les cibles des multinationales<br />
pour exporter leurs productions, telles que le lait en poudre breton.<br />
interprofessionnel de l’économie laitière<br />
(CNIEL) estime que les industriels<br />
et coopératives français ont investi<br />
près de 1 milliard d’euros pour conquérir<br />
de nouveaux marchés.<br />
NOUVELLE CONCURRENCE<br />
MONDIALE<br />
Le truc, c’est qu’ils ne sont pas les<br />
seuls. La Nouvelle-Zélande, première<br />
productrice laitière mondiale, dont<br />
les volumes ont augmenté de 8,4 %<br />
en 2014 (avant de stagner sous le<br />
coup d’aléas climatiques), lorgne les<br />
mêmes plates-bandes, ainsi que<br />
l’Australie. « La Tasmanie a investi<br />
un demi-milliard de dollars pour<br />
convertir ses champs secs en production<br />
laitière et compte sur une demande<br />
asiatique forte », relevait ainsi Helger<br />
Meinke, de l’université de Tasmanie,<br />
lors d’un colloque en mars 2015 ;<br />
l’État, en outre, vient de s’engager<br />
dans un accord de libre-échange<br />
avec la Chine, accord plus favorable<br />
encore à l’écoulement de son lait<br />
qu’à celui de son charbon, pour<br />
lequel la Chine est pourtant son principal<br />
débouché.<br />
LES PRODUCTEURS FRANÇAIS S’EN<br />
SORTIRONT-ILS DANS CE PÉTRIN?<br />
Quand certains veulent y croire, d’autres<br />
alertent. Les producteurs sont<br />
pris entre recherche de laits de qualité<br />
et de valeur, d’une part, et course<br />
à l’industrialisation pour des prix<br />
compétitifs, d’autre part. « Envoyer<br />
les éleveurs européens à la guerre des<br />
prix sur le marché mondial sans se<br />
soucier des pertes humaines : voilà le<br />
véritable projet des industriels, soutenu<br />
par les gouvernements », note<br />
ainsi la Confédération paysanne.<br />
Sont à redouter la concentration géographique<br />
de la production sur<br />
quelques régions et l’industrialisation<br />
des élevages.<br />
“<br />
La désormais fameuse ferme des 1000<br />
vaches, installée dans la Somme, laisse craindre,<br />
entre autres, une baisse de l’emploi agricole et<br />
une dénaturation du métier. Rien ne garantit, en<br />
outre, que l’export permette de stabiliser quoi que<br />
ce soit en termes de revenu agricole.<br />
Fondée sur un modèle déjà répandu<br />
en Allemagne et aux Pays-Bas, la<br />
désormais fameuse ferme des 1 000<br />
vaches, installée dans la Somme,<br />
laisse craindre, entre autres, une<br />
baisse de l’emploi agricole et une<br />
dénaturation du métier. Rien ne<br />
garantit, en outre, que l’export permette<br />
de stabiliser quoi que ce soit<br />
en termes de revenu agricole.<br />
Essentiellement constitué de produits<br />
résiduels, tels que le lait en<br />
poudre et le beurre, très mal rémunérés,<br />
le marché mondial « ne représente<br />
que 7 % de la production des<br />
pays exportateurs », reprend ainsi<br />
la Confédération paysanne. En<br />
2014, poursuit-elle, ces derniers<br />
« ont augmenté leurs productions<br />
de plus de 10 millions de tonnes,<br />
alors que la demande mondiale n’a<br />
augmenté que d’environ 2 millions<br />
de tonnes ». n<br />
*MARIE-NOËLLE BERTRAND est<br />
journaliste, chef de rubrique à l’Humanité.<br />
“<br />
AGRICULTURE<br />
FRANÇAISE : REPÈRES<br />
GRANDES DATES<br />
Une histoire séculaire. Luttes paysannes continues<br />
des petits propriétaires et métayers dont<br />
les gros propriétaires sont la cible. Au milieu<br />
du XX e siècle, la CGA (Confédération générale<br />
de l’agriculture) en est le creuset.<br />
1945. La paysannerie, encore nombreuse, a<br />
joué un rôle dans la Résistance. Des réformes<br />
s’imposent en faveur des petits paysans.<br />
1946-1947. Loi sur les coopératives : héritières<br />
des fruitières séculaires et de l’entraide<br />
paysanne, les coopératives sont consacrées<br />
par la loi de 1947. Elles peuvent se vouer à<br />
la production, à la commercialisation ou à<br />
l’achat de produits.<br />
Statut du fermage qui protège les exploitants<br />
non propriétaires.<br />
Loi sur les CUMA (coopératives d’utilisation<br />
du matériel agricole); qui prennent leur essor<br />
après 1965.<br />
1962. Parité enseignement agricole-éducation<br />
nationale.<br />
Codification dans la loi des GAEC (groupements<br />
agricoles d’exploitation en commun),<br />
qui regroupent principalement des exploitants<br />
familiaux.<br />
Les politiques agricoles sont ensuite inspirées<br />
par la démocratie chrétienne puis par des<br />
«gaullistes» : est favorisée une évolution technocratique<br />
au motif de «moderniser» l’agriculture,<br />
au profit des industries de la filière et<br />
des banques, en occultant l’hémorragie que<br />
subit le monde paysan. Edgar Pisani, ministre<br />
de l’Agriculture, promoteur de la LOF (loi<br />
d’orientation foncière) puis responsable de la<br />
PAC à Bruxelles incarne des années durant<br />
cette politique.<br />
ORGANISATIONS PAYSANNES<br />
La FNSEA (Fédération nationale des syndicats<br />
d’exploitants agricoles) hérite dès 1946 d’un<br />
souhait d’«unité paysanne» assez corporatif.<br />
Rejointe dès 1956 par le CNJA (Centre national<br />
des jeunes agriculteurs), elle établit sa prééminence<br />
sur le monde rural dans les années<br />
1960, avec le CAF (Conseil de l’agriculture<br />
française) où convergent mutualité, coopération<br />
et crédit.<br />
Dans le contexte difficile de l’effondrement du<br />
nombre d’exploitants par disparition des plus<br />
petits, les luttes de la paysannerie familiale<br />
sont portées par le Modef (Mouvement de<br />
défense de l’agriculture familiale) ou par une<br />
nouvelle organisation, la Confédération paysanne.<br />
L’AGRICULTURE FRANÇAISE EN 2010<br />
France : 1 er pays agricole de l’UE.<br />
27 millions d’hectares cultivés, soit 16% des<br />
terres agricoles de l’UE.<br />
Moins de 400000 exploitations agricoles répertoriées<br />
(mais près de la moitié, très petites, ne<br />
sont pas « professionnelles »). Ce sont des<br />
exploitations familiales (10 millions en 1918<br />
et 6 millions vers 1950).<br />
Surface moyenne des exploitations : 53 ha<br />
(supérieure à la moyenne de l’UE).<br />
750 000 emplois ruraux (comprenant chasse<br />
et sylviculture).<br />
Revenu agricole par actif non salarié : stagnation<br />
ou baisse selon les secteurs.<br />
AVRIL-MAI-JUIN 2015 Progressistes