Rolling Stone 09/2017

GUIDEMUSIC
Yan Wagner
This Never Happened
Her Majesty Ship / Pias
★★★
Confirmation réussie
pour le crooner électro
Il nous avait déjà séduits
avec son premier album
solo Forty Eight Hours,
en 2012, produit par
Arnaud Rebotini, petit
bijou de pop glaciale
et sophistiquée sous
influence new wave.
Le revoici avec sa manière
singulière de manipuler
l’électronique afin
de raconter “un recueil
d’histoires qui ne sont
jamais arrivées. Dix
pistes comme autant
de fausses pistes parlant
d’amours vaines,
d’équipées nocturnes,
de la vie et de la vérité
qui ne tiennent qu’à un fil.”
En effet, de l’instrumental
“This Never Happened”
à la délicatesse ténébreuse
de “A Place Nearby”, Yan
Wagner invente un univers
sombre qui rappelle
Dave Gahan comme Ian
Curtis. Point d’orgue ? Le
dandysme synthétique et
mélancolique de “No Love”.
S. R.
Jake Bugg
Hearts That Strain
Mercury/Universal
★★★½
Le “gamin” de
Nottingham se fait
stratège de l’utilisation
de ses dons
Cinq années ont passé
depuis la révélation d’un
premier album ébouriffant.
Sauf que quand on passe
de 18 à 23 ans, c’est bien
plus qu’un quinquennat !
Bref, désormais, Jake
Bugg ne laisse rien
au hasard. Troubadour
folk, détrousseur
d’une rétro-pop qui
The National
Sleep Well Beast
4AD
★★★★
7 est un chiffre porte-bonheur
S’ouvrant sur la majestueuse ballade “Nobody
Else Will Be There”, le septième album
du groupe américain nous séduit d’emblée,
avec, toujours, le chant merveilleusement traînant
de Matt Berninger. Les titres suivants viennent
confirmer le rock à la fois épique, irrémédiablement
mélancolique et cérébral de The National, dont
les membres ont pourtant été très occupés ces
derniers mois. Bryce Dessner avec ses projets
solos et Planetarium (ambitieux projet mené avec
Sufjan Stevens), mais aussi le festival Haven,
au Danemark, créé avec son frère Aaron, tandis
que Matt collaborait, lui, avec l’association Planned
Parenthood. Se retrouvant pour de longues sessions
dans leur studio de l’Hudson, entre eau et verdure,
ils ont su rassembler leurs (bonnes) idées pour
l’un de leurs meilleurs disques à ce jour. Lancé par
la ballade en suspension “Nobody Else Will Be
There”, l’album se concentre d’emblée sur un rock
profondément mélancolique, construit en couches
superposées, avec des titres lancinants comme
“Day I Die” ou “Walk it Back”. Si on se réjouit
d’entendre The National en grande forme électrique
sur “Turtleneck”, on les préfère sur des tonalités
plus douces comme dans “Born to Beg” ou “Guilty
Party” : c’est dans l’introspection que le groupe
américain témoigne de sa force artistique…
mais sans se départir pour autant de sa tension
émotionnelle, comme c’est le cas dans “I’ll Still
Destroy You”.
SOPHIE ROSEMONT
dépoussiérerait ses
oripeaux psychédéliques,
ou énième bouture de
la northern soul anglaise,
rien ne lui semble
interdit. D’où un début
d’agacement quand
il se laisse aller à trop
de facilité (ce “Waiting”
sirupeux ou ce “Man on
Stage” où on jurerait qu’il
se cherche son “chanteur
abandonné” à lui).
Bugg n’est jamais aussi
convaincant que lorsqu’il
privilégie la profondeur
ou le plus abstrait dans
ses envies poétiques
(“In the Event of My
Demise”, “Indigo Blue”).
Maintenant, si le but
recherché est d’emballer
tout ce qui bouge, ça
devrait continuer à bien
se passer ! Après tout, c’est
de son âge… XAVIER BONNET
Washington
Dead Cats
Live Under the Creole
Moon
Devil Deluxe Music/PIAS
★★★★
Double Wash', double fun
Juste trente-trois ans
à attendre l'album live
des Wash', il était temps !
Du coup, Mat Firehair
et ses sbires on fait les
choses en grand : double
album, carrément. Un
CD électrique enregistré
au Nancy Jazz Pulsations
et un CD acoustique saisi
au Tiger's Manor pour une
webTV. Tous les “Pizza
Attack”, “I'm a Dead Cat”
et autres “Napalm Surf”
sont là, l'énergie aussi, la
connivence avec le public
fonctionne. Et puis le
psychobilly est festif et la
fête, ça les connaît. J'avoue
avoir un goût particulier
pour la face acoustique.
La contrebasse de LouRIP
n'y est pas pour rien, elle
danse à tous les étages,
et les cuivres mettent
les accents là où il faut.
On est plus près du rockab'
que du punkabilly, mais
ça n'empêche pas la reprise
de “Too Drunk To Fuck”
des Dead Kennedys. La fête
du mois. SILVÈRE VINCENT
Gregg Allman
Southern Blood
Concord/Universal
★★★½
Avant de tirer sa
révérence, la légende des
Allman Brothers a laissé
un superbe témoignage.
Ça ne devait pas
forcément être un album
posthume, même si
son enregistrement était
rythmé par un état de
santé fragilisé. Le sort,
et surtout un cancer
du foie contre lequel Gregg
Allman se battait depuis
des années, en ont décidé
autrement en mai dernier.
Qu’il soit en revanche
l’ultime effort d’une
carrière et d’une vie, ça,
tout le monde s’y était
préparé. C’est d’ailleurs
beaucoup cette vie
qu’Allman passe ici en
revue, métaphoriquement,
à travers une majorité de
reprises. Duane, ce frère
trop tôt disparu, n’est
jamais très loin, notamment
sur ce “My Only True
Friend” introductif et sur
le “Song for Adam” de
Jackson Browne, qui clôt
l’album. Entre les deux,
Allman s’immisce dans
les univers de Tim Buckley,
Bob Dylan (“Going
Going Gone”, prenant),
Grateful Dead ou Lowell
George. Farewell and alive,
en quelque sorte. X. B.
Micah P. Hinson
Presents the Holy
Strangers
Full Time Hobby / PIAS
★★★
Conte folk
“Un folk opéra moderne” :
voilà comme Micah
P. Hinson présente, avec
un sens de la synthèse,
son nouveau disque. Et
c’est plutôt beau. Le temps
de 14 pistes, il raconte la
vie, les bonheurs et surtout
les malheurs d’une famille
en temps de guerre.
De la déception au deuil,
de l’enfantement à la
disparition, le guitariste
s’empare du registre
country pour traduire
l’exact contraire de
l’American Dream.
Plombant ? Non, car les
mélodies qu’il sait faire
siennes absorbent
l’auditeur, autant que
sa voix rauque. Mentions
spéciales à la ballade
des grands espaces
“The Great Void”,
l’instrumental cerné de
violons “The Years Tire On”
ou à la narration musicale
de “Micah, Book One”. S. R.
© GRAHAM MACINDOE. DR.
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