tuel du guerrier, consignation de la parole de Jocho Yamamoto par le jeune scribe Mitsushige Nabeshima au début du 18ème siècle. Mishima écrit : « peu de livres apportent autant que le Hagakuré des fondements éthiques à l’épanouissement de la fierté individuelle. Impossible, en effet, de valoriser l’énergie si l’on condamne la fierté. Et dans cette direction, on ne saurait aller trop loin. L’arrogance elle-même revêt un caractère moral (mais dans le Hagakuré il ne s’agit pas d’une arrogance abstraite). « Le samouraï doit avoir la certitude d’être le guerrier le plus expert et le plus brave du Japon tout entier. » « Le samouraï doit tirer un grand orgueil de sa valeur militaire ; sa résolution suprême doit être de mourir en fanatique. » Et le fanatisme ignore absolument le sens de la correction ou de la bienséance 12 . » On pense à l’Übermensch nietzschéen. Philosophie de la vie et de l’action, le Hagakuré est aussi philosophie de l’amour, dont Mishima dit qu’ « au Japon, il n’est guère exagéré de dire qu’il n’existe rien qui ressemble à l’amour de la patrie. Rien non plus qui puisse s’appeler amour pour une femme. La mentalité japonaise élémentaire confond éros et agapè. L’amour pour une femme ou pour un jeune homme, s’il est pur et chaste, ne diffère en rien de la loyauté et du dévouement dus au seigneur 13 . » Il semble que dans Yûkoku enfreignent ce principe de loyauté pour vivre, pour la première et la dernière fois, l’amour véritable. À Alexandre Blin. 1 Laurent Gervereau, Histoire du visuel au 20ème siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2003, p. 331. 2 Voir Annie <strong>Mo</strong>llard-Desfour, Le rouge : dictionnaire de la couleur, mots et expressions d’aujourd’hui, 20ème et 21ème siècles, Paris, CNRS, 2009. 3 Voir Robert Pinguet, La mort volontaire au Japon, Paris, Gaillimard, 1984, chap. X, « Aimer et mourir », pp. 173-211. 4 Roland Barthes, «Les "unités traumatiques" au cinéma. Principes de recherche», in Œuvres complètes, tome I, Paris, Seuil 1993, p 877. 5 Ibid. 6 Roland Barthes, L’empire de signes, Genève, Paris, Skira, Flammarion, coll. « Les sentiers de la création », 1970, pp. 7-8. 7 Je remercie Étienne Boisnier pour son aide à la traduction. 8 Pierre Bourdieu, Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Éditions de Minuit, 1965. 9 Jean-Marie Schaeffer, L’image précaire. Du dispositif photographi- que, Paris, Éditions du Seuil, 1987. 10 Michel surya, Georges Bataille. La mort à l’œuvre, Paris, Éditions Garamont, Librairie Séguier, 1987, p. 432. 11 Maurice Pinguet, op. cit., chap. XIV, « L’acte Mishima », pp. 293- 316. 12 Yukio Mishima, Le Japon moderne et l’éthique samouraï. La voie du Hagakuré, traduction de l’anglais d’Émile Jean, Paris, Gallimard, 1985, p. 47. 13 Ibid., p. 45.
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