PDF - 7.1 Mo - Numéro Zéro #1
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(le SCCA ne s’est d’ailleurs jamais doté d’une galerie et se veut un centre d’art contemporain mobile). L’espace public<br />
comme préoccupation constante se retrouve dans ce qui est un des projets phares du SCCA, le projet « Construction/<br />
Déconstruction de monuments » qui répertorie tous les monuments antifascistes dans l’espace bosniens dont l’immense<br />
majorité a été une cible privilégiée dans les prémices du conflit (symbole de l’unité yougoslave et à la mémoire<br />
des partisans libérateurs de l’ennemi fasciste), détruite dès le début du dernier conflit.<br />
Mais ce programme visait également à construire de nouveaux monuments comme le <strong>Mo</strong>nument à la communauté<br />
internationale de Nebojša Šoba (Ikar : une boite de conserve tombée du ciel et qui écrase de son poids la liste des<br />
victimes du siège de Sarajevo) ou encore installer la statue de Bruce Lee (idole des yougoslaves dans les années<br />
1970 et 1980) dans le parc de Zrinjevac à <strong>Mo</strong>star, en lisière de territoire servant d’interface communautaire et qui n’a<br />
pas tenu vingt-quatre heures. La division de <strong>Mo</strong>star suivant une ligne est-ouest, Bruce Lee en position de combat a<br />
été orienté au nord pour ne froisser personne. L’observation des dégradations du nouveau monument faisait bien<br />
évidemment également partie du projet.<br />
Le SCCA a aussi accompagné nombres d’artistes dans le développement de leurs travaux et de leur carrière au rang<br />
desquels on peut citer pour les plus connus Šoba, Maja Bajević, Danica Dakić, Šejla Kamerić, Gordana Anđelić-Galić.<br />
Devenu Sarajevo Center for Contemporary Art après le désengagement de la fondation Soros , le SCCA créé le Prix<br />
National ZVONO qui récompense chaque année un jeune artiste visuel de Bosnie Herzégovine. ZVONO est une des rares<br />
initiatives basée sur la qualité des travaux des artistes et non sur leur identité ou appartenance communautaire.<br />
Le SCCA a été l’artisan du rapprochement entre certaines structures culturelles des deux entités qui, jusque-là<br />
s’ignoraient consciencieusement. ZVONO a surtout permis aux jeunes artistes des deux entités de se rencontrer, de<br />
confronter leurs travaux, leurs pratiques puis de mutualiser leur critique de la société bosnienne d’après guerre. Ainsi,<br />
l’exposition des trois finalistes a lieu au Musée d’art contemporain de la République Serbe à Banja Luka et l’exposition<br />
du ou de la finaliste a lieu à Sarajevo.<br />
Après la création du SCCA, c’est par la naissance de la Galerie 10m2 (dix mètres-carrés) puis en 2009 du Centre d’art et<br />
de recherche le Duplex que l’obscurantisme de la majorité des institutions culturelles du pays a été contrarié. Dirigée<br />
par deux français, Claire Dupont et Pierre Courtin, la galerie 10m2 est devenu un lieu incontournable d’expression et<br />
d’exposition pour les jeunes artistes tout d’abord de Sarajevo puis du reste du pays.<br />
10m2 et le Duplex accueillant également des artistes du reste du monde, ces deux endroits ont permis ateliers, lectures,<br />
discussions et échanges. On peut citer la complicité entre le Duplex et le centre d’art contemporain grenoblois OUI<br />
dirigé par Stéphane Sauzedde dont les artistes viennent exposer à Sarajevo depuis 2008. Une autre complicité fertile lie<br />
le Duplex et 10m2 avec le Kük Galerie de Cologne qui expose en priorité des artistes issu de l’espace ex-yougoslave.<br />
La dynamique créée par le SCCA et ZVONO relayée par 10m2 et le Duplex, la naissance d’associations et de collectifs<br />
d’artistes à la périphérie des écoles d’art ont permis peu à peu la cohésion d’une scène, puis l’éducation d’un public<br />
encore apeuré à l’idée d’une critique sociale très abrupte bien que souvent subtile dans sa forme.<br />
De plus, la censure et la répression insidieuses des médias ont empêché le public de développer tout sens critique<br />
à l’égard du passé proche du pays, et a également enrayé la diffusion d’une critique et d’une remise en question du<br />
conflit, de la division du pays et du nationalisme. Parmi ces collectifs on retient notamment ABART à <strong>Mo</strong>star qui a<br />
travaillé tout d’abord en 2008 à l’articulation d’un projet entre Beyrouth, Berlin et <strong>Mo</strong>star sur la l’accès à la culture<br />
en territoire divisé puis s’est attelé avec succès cette année au projet (re)collecting <strong>Mo</strong>star qui réfléchit à la mise en<br />
place d’une stratégie artistique visant à développer ce qu’on pourrait appeler une syntaxe commune entre les communautés<br />
divisées.<br />
Si les institutions dédaignent autant l’art contemporain c’est qu’elles ont bien compris l’importance et la virulence de<br />
la critique charriée par cette jeune scène qui a grandi pendant la guerre puis dans une période de reconstruction…<br />
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