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LES AVATARS DU SENS ET DE LA FONCTION DANS LE ...

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hal-00765376, version 1 - 14 Dec 2012<br />

9<br />

H. Putnam (1975), et celle de ressemblance de famille, notion issue des travaux de L. Wittgenstein<br />

(1953). Cette problématique est liée par ailleurs au concept de « catégorisation », qui avait intéressé les<br />

philosophes de l’Antiquité et qui se trouve au centre des recherches cognitives modernes (cf. Kleiber<br />

1990 : 9-19).<br />

Le terme de prototype a été proposé par E. Rosch (Rosch 1973) ; il a été défini d’abord comme<br />

un stimulus, qui prend une position saillante dans la formation d’une catégorie parce qu’il est le premier<br />

stimulus que l’on associera à cette catégorie. Il a été ensuite redéfini comme le membre le plus central<br />

d’une catégorie, fonctionnant comme un point de référence cognitif. Il faut remarquer que le prototype<br />

d’une catégorie constitue une sous-catégorie, et non une instance unique. Ainsi le prototype de chat<br />

pourrait être chat de gouttière mâle par exemple, mais en aucun cas le chat individuel Félix. Telle<br />

qu’elle a été formulée par E. Rosch, la théorie du prototype a constitué une séparation radicale d’avec<br />

les CNS (Conditions Nécessaires et Suffisantes) de la logique aristotélicienne, qui a conduit à des<br />

approches ensemblistes de la sémantique intensionnelle. Au lieu d’un modèle définitionnel (par<br />

exemple, un oiseau peut être défini par les traits [+plumes], [+bec] et [+aptitude à voler]), la théorie du<br />

prototype considère une catégorie « oiseau » comme basée sur différents attributs ayant un statut<br />

inégal : par exemple, un rouge-gorge serait un meilleur prototype d’oiseau que, disons, un pingouin.<br />

Ceci conduit à une conception graduelle des catégories, qui est un concept central dans de nombreux<br />

modèles des sciences cognitives et de la sémantique cognitive, comme par exemple dans (Lakoff 1987)<br />

ou dans Langacker (1987/1991).<br />

L’approche prototypique permet notamment de considérer des traits tel que plumage blanc pour<br />

définir un cygne (même s’il existe des cygnes noirs, ce trait est considéré comme généralement<br />

pertinent), ou invariable pour définir un adverbe (alors que dans l’expression : de toutes petites filles, le<br />

mot toutes, bien qu’adverbe, est fléchi ; le prototype de l’adverbe en français serait de préférence un<br />

adverbe se terminant par -ment). On parle de propriétés typiques, par opposition aux conditions<br />

nécessaires.<br />

A. Wierzbicka, dans son ouvrage (1996), fait remarquer que la catégorie des « meubles » (en<br />

anglais : furniture = mobilier, qui est un collectif) ne peut être mise sur le même plan que les catégories<br />

taxinomiques telles que oiseau.<br />

F. Rastier (2001) a apporté sa critique à la théorie du prototype en général (il considère par<br />

exemple que « en matière de catégorisation, [la « révolution roschienne »] n’est qu’une variante<br />

appauvrie de la conception aristotélicienne »), et en particulier à son applicabilité dans le domaine de la<br />

sémantique. Il reproche à Rosch ses conceptions « naïves » et son incapacité à distinguer « les objets,<br />

les concepts, les signifiés et les noms ». Il considère notamment que Rosch se base sur trois<br />

présupposés erronés (et déjà combattus par Saussure) :<br />

- la structure du lexique est déterminée par la réalité mondaine (= du monde) ;<br />

- les mots sont des étiquettes (labels) sur des concepts ;<br />

- les langues sont des nomenclatures.<br />

F. Rastier (2001) estime que les expériences effectuées portent sur des catégories « dont le<br />

caractère culturel n’est pas pris en compte », et que la plupart d’entre elles portent en fait sur des<br />

« mots », « les catégories [étant] tout simplement délimitées par le lexique de l’expérimentateur ». Il<br />

compare les thèses de Rosch avec la théorie classique de l’arbre de Porphyre, qui distinguait cinq<br />

prédicaments : le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident. Selon Rastier, Rosch considère<br />

d’une part le genre et l’espèce, d’autre part la différence, qui définit les objets à l’intérieur des espèces ;<br />

elle ne traite ni du propre, ni de l’accident, « si bien qu’elle ne précise pas les différences entre les<br />

diverses catégories, qu’elles aient rang de genre ou d’espèce ». Ceci serait dû selon lui à la thèse<br />

fondamentale de Rosch que les catégories « sont données comme telles à la perception ».<br />

A. Reboul et J. Moeschler (1998) remarquent que la théorie du prototype conduit par exemple à<br />

définir l’homme comme un oiseau, puisqu’il a avec lui au moins une propriété en commun (la bipédie) ;

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