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éblouissant qui brille dehors. Alex m'attire contre lui. J'ai fini par réhabituer à ses gestes de<br />
tendresse et je ne tressaille plus, ni ne jette un coup d'œil par-dessus mon ép<strong>au</strong>le, chaque<br />
fois qu'il m'embrasse.<br />
— Tu m'accordes une danse ? me taquine-t-il.<br />
— Arrête ! dis-je en le repoussant.<br />
C'est si bizarre de parler tout h<strong>au</strong>t dans un endroit où règne un silen<strong>ce</strong> <strong>au</strong>ssi pr<strong>of</strong>ond. Les<br />
échos de la voix de Hana nous parviennent en rebondissant sur les murs, et je m'interroge<br />
sur la taille de la maison, sur le nombre de piè<strong>ce</strong>s tapissées d'une épaisse couche de<br />
poussière et drapées de ténèbres.<br />
— Je suis sérieux, reprend-il en écartant les bras. On ne peut pas rêver plus belle salle de<br />
bal !<br />
Nous nous tenons <strong>au</strong> milieu de <strong>ce</strong> qui devait être <strong>au</strong>trefois un magnifique séjour : une<br />
piè<strong>ce</strong> immense, qui pourrait contenir un étage de la maison de Carol et William. Le plafond<br />
très h<strong>au</strong>t disparaît dans l'obscurité ; un gigantesque lustre pend <strong>au</strong>-dessus de nos têtes, et<br />
les rares rayons de lumière qui filtrent par les fenêtres obstruées jouent avec ses<br />
pendeloques, lançant de faibles éclats. En tendant bien l'oreille, on peut entendre les souris<br />
qui gambadent tranquillement à l'intérieur des murs. Pour une raison qui m'échappe, <strong>ce</strong> n'est<br />
ni répugnant ni effrayant. C'est même plutôt agréable, ça me rappelle les forêts et les<br />
cycles de la vie...<br />
— Il n'y a pas de musique, dis-je.<br />
Il h<strong>au</strong>sse les ép<strong>au</strong>les, puis m'<strong>of</strong>fre une main en me faisant un clin d'œil.<br />
— La musique est complètement dépassée <strong>au</strong>jourd'hui.<br />
Je le laisse m'attirer contre lui. Il est bien plus grand que moi et ma tête atteint à peine<br />
son ép<strong>au</strong>le : j'entends son cœur battre dans sa poitrine, et <strong>ce</strong> tempo nous suffit amplement.<br />
Le jardin du 37, Brooks Street est le clou de la visite. Une immense pelouse envahie par les<br />
m<strong>au</strong>vaises herbes qui serpente entre de vieux arbres si touffus, tordus et noueux que leurs<br />
branches se rejoignent pour former un dais <strong>au</strong>-dessus de nos têtes. La lumière du soleil se<br />
fraie un chemin à travers l'enchevêtrement et mouchette l'herbe de taches blanc pâle. Un<br />
havre de paix et de fraîcheur qui m'évoque la bibliothèque du lycée. Lors d’une de nos<br />
premières visites, Alex apporte une couverture, qu'il laisse dans la maison. Chaque fois que<br />
nous venons, il la sort, la secoue et l'étale sur l'herbe pour que nous puissions nous y allonger<br />
tous les trois, des heures durant parfois, pour parler et rire sans raison particulière. Il arrive<br />
que Hana et Alex achètent de quoi faire un pique-nique et, un jour, je réussis à chiper trois<br />
canettes de soda et une boîte entière de barres chocolatées dans le magasin de mon oncle.<br />
Excités par la consommation ex<strong>ce</strong>ssive de sucre, nous nous mettons à jouer comme lorsque<br />
nous étions petits : cache-cache, chat, s<strong>au</strong>te-mouton...<br />
Certains troncs d'arbres sont <strong>au</strong>ssi larges que quatre poubelles réunies, et je prends une<br />
photo de Hana, hilare, qui tente d'en entourer un. D'après Alex, la présen<strong>ce</strong> de <strong>ce</strong>s arbres<br />
doit remonter à des siècles ; Hana et moi en restons coites. Ça signifie qu'ils étaient là avant,<br />
avant la fermeture des frontières, avant l'érection des murs, avant que la maladie soit