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Le%20Pigeon%20-%20Patrick%20Suskind.pdf

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n’était plus le sien, mais que lui, Jonathan – ou ce qui restait de<br />

lui –, n’était plus qu’un minuscule gnome recroquevillé dans la<br />

gigantesque bâtisse d’un corps étranger, qu’un nain désemparé,<br />

captif à l’intérieur d’une machinerie humaine beaucoup trop<br />

vaste, beaucoup trop complexe, qu’il n’était plus capable de<br />

maîtriser et de commander à sa guise, et qui n’était plus<br />

commandée, tout au plus, que par elle-même ou par quelque<br />

puissance autre. À l’instant, elle s’immobilisa devant la<br />

colonne – non plus avec la sérénité du sphinx, mais comme une<br />

marionnette posée ou raccrochée là –, et elle y resta pendant les<br />

dix minutes que durait encore son service, jusqu’à ce que<br />

M. Vilman, à dix-sept heures précises, apparût un instant à la<br />

porte extérieure en verre blindé et lançât : « Nous fermons ! »<br />

Alors, cette machine humaine, cette marionnette répondant au<br />

nom de Jonathan Noël se mit docilement en marche et rentra<br />

dans la banque, se posta devant le pupitre de verrouillage<br />

électrique des portes, le brancha et appuya alternativement sur<br />

les deux boutons commandant les deux portes en verre blindé<br />

du sas d’entrée, pour faire sortir les employés les uns après les<br />

autres ; puis, avec Mme Roques, elle ferma la porte coupe-feu<br />

menant à la salle des coffres, laquelle avait été préalablement<br />

fermée elle-même par Mme Roques et M. Vilman ; puis, avec<br />

M. Vilman, elle mit en route le dispositif d’alarme, débrancha le<br />

verrouillage électrique des portes, quitta la banque en<br />

compagnie de Mme Roques et de M. Vilman et, lorsque celui-ci<br />

eut fermé la porte blindée intérieure et celle-là l’extérieure, elle<br />

mit en place comme il convenait la grille articulée. Sur quoi la<br />

marionnette adressa à Mme Roques et à M. Vilman une discrète<br />

inclinaison de son corps de bois, puis ouvrit la bouche et<br />

souhaita aux deux le bonsoir et un agréable week-end, reçut à<br />

son tour leurs souhaits de bon week-end et, de Mme Roques, un<br />

« À lundi ! », puis elle attendit avec déférence que les deux se<br />

fussent éloignés de quelques pas, et se glissa dans le flot des<br />

passants pour se laisser emporter dans l’autre direction.<br />

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