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Le%20Pigeon%20-%20Patrick%20Suskind.pdf

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LA chambre de l’hôtel était encore plus petite que la chambre<br />

de la rue de la Planche : à peine plus large, dans un sens, que la<br />

porte par laquelle on y entrait, et longue au plus de trois mètres<br />

dans l’autre. À vrai dire, les murs n’étaient pas droits, ils allaient<br />

en s’écartant à partir de la porte, jusqu’à être distants d’environ<br />

deux mètres, ensuite de quoi ils se resserraient brusquement et<br />

se rejoignaient pour former au fond une sorte d’abside à trois<br />

pans. Le plan de la chambre était donc celui d’un cercueil, et elle<br />

n’était pas beaucoup plus spacieuse qu’un cercueil. Sur un des<br />

côtés, il y avait le lit, sur l’autre était fixé le lavabo avec, en<br />

dessous, un bidet mobile ; dans l’abside, il y avait une chaise. À<br />

droite, au-dessus du lavabo, au ras du plafond, on avait découpé<br />

une fenêtre, ou plutôt une petite trappe vitrée qui donnait sur<br />

un puits à poussière et qu’on pouvait ouvrir et fermer à l’aide de<br />

deux cordons. Il pénétrait par cette trappe un faible courant<br />

d’air tiède et moite, qui apportait dans le cercueil quelques<br />

bruits très assourdis provenant du monde extérieur : tintements<br />

de vaisselle, bruits de chasse d’eau, bribes de mots espagnols et<br />

portugais, quelques rares éclats de rire, le pleurnichement d’un<br />

enfant et parfois, de très loin, le klaxon d’une voiture, Jonathan<br />

s’était assis sur le bord du lit, en caleçon et tricot de corps, et il<br />

mangeait. En guise de table il avait approché la chaise, il y avait<br />

posé sa valise en carton, et étalé par-dessus le sac où il avait<br />

rapporté ses achats. Il coupait en deux les sardines avec son<br />

couteau de poche, en piquait la moitié et la plaquait sur une<br />

bouchée de pain, qu’il se fourrait dans la bouche. Une fois<br />

mâchée, la chair friable et saturée d’huile formait avec le pain<br />

fade et non levé une masse au goût délicieux. Il manque peutêtre<br />

quelques gouttes de citron, songea-t-il, mais c’était déjà là<br />

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