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Notre communauté, nos institutions<br />
Kapuskasing, née d’un<br />
camp d’internement<br />
Avant la Première Guerre mondiale,<br />
Kapuskasing n’existait, à vrai dire,<br />
pas vraiment. Malgré les efforts<br />
et les incitatifs du gouvernement<br />
ontarien qui avait fait construire une<br />
voie ferrée vers le nord, à l’exception<br />
de quelques employés du chemin<br />
de fer, de quelques trappeurs et<br />
d’Amérindiens, MacPherson (c’est le<br />
nom qui était écrit sur la gare) n’était<br />
qu’un arrêt pour remplir l’engin<br />
d’eau, faire provision de charbon et<br />
desservir la poignée d’aventuriers<br />
qui osaient venir dans le nord.<br />
Mais l’avènement de la guerre a<br />
tout changé lorsque le colonel Sir<br />
William Dillon Otter, un général à<br />
la retraite, a décidé de construire un<br />
camp d’internement en face de la<br />
gare, sur la rive ouest de la rivière<br />
Kapuskasing.<br />
14 Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2009</strong><br />
Depuis plusieurs années, le Canada<br />
faisait une publicité dynamique<br />
pour attirer les immigrants à venir<br />
s’établir au pays. On leur promettait<br />
des terres de 160 acres gratuites.<br />
Le Canada recensait de nombreux<br />
immigrants de partout au monde :<br />
Ukrainiens, Allemands, Polonais,<br />
Italiens, Bulgares, Juifs, Turcs,<br />
Croates, Serbes, Hongrois, Russes,<br />
Roumains, sans compter les Anglais,<br />
Irlandais, Écossais, Français, Belges,<br />
Hollandais, etc. Après avoir passé<br />
quelque temps au Canada, plusieurs<br />
retournaient dans leur pays. Pour<br />
ceux qui restaient, devenir citoyen<br />
canadien demandait certaines<br />
démarches qu’on trouvait souvent<br />
laborieuses à cause de la difficulté<br />
à apprendre la langue, surtout<br />
pour des gens qui n’avaient que<br />
peu d’instruction et étaient souvent<br />
nichés au fond des bois.<br />
Quand le Canada, allié de<br />
l’Angleterre, est entré en guerre à la<br />
fin de l’été 1914, il s’est<br />
retrouvé aux prises<br />
avec plusieurs sujets<br />
de pays ennemis. Plus<br />
de 80 000 personnes<br />
seront arrêtées. Tous<br />
les Allemands, les<br />
Autrichiens de même<br />
que tous les citoyens<br />
de leurs pays alliés<br />
devenaient donc des<br />
ennemis potentiels<br />
pour le Canada;<br />
8 579 hommes,<br />
femmes et enfants<br />
Paliuk, Prokopciuk, Maslo...<br />
Au fil du temps, on tente tant<br />
bien que mal de se souvenir du<br />
sort des premiers résidents de<br />
Kapuskasing, que ce soit par<br />
une croix, un épitaphe ou une<br />
plaque de bois.<br />
Photo : Andréanne Joly.<br />
seront emprisonnés dans des camps<br />
d’internement organisés et gérés<br />
par l’Interment Operations Branch à<br />
Ottawa, sous la directive du général<br />
W. D. Otter.<br />
Il y aura 24 camps à travers<br />
le Canada dont un à la rivière<br />
Kapuskasing. Celui-ci ouvre ses<br />
portes le 14 décembre 1914 avec<br />
une cinquantaine d’hommes pour<br />
préparer des camps d’accueil. Selon<br />
le rapport du Consul américain<br />
en date du 27 mars 1915, il y a à<br />
Kapuskasing 438 prisonniers. Selon<br />
un autre rapport officiel, cinq mois<br />
plus tard, les deux plus gros camps<br />
sont ceux de Kapuskasing avec<br />
1 203 hommes et de Spirit Lake<br />
(aujourd’hui La Ferme, près du lac<br />
Beauchamp, à quelques kilomètres<br />
d’Amos) avec 1 095 hommes,<br />
femmes et enfants.<br />
Le camp de Kapuskasing logera<br />
jusqu’à 1 259 prisonniers et<br />
256 gardiens militaires. Il s’agissait<br />
donc d’une petite ville, avec<br />
son hôpital, sa cantine (magasin<br />
général), sa boulangerie, sa<br />
cordonnerie, sa boutique de tissus<br />
et réparation des vêtements, ses<br />
équipes sportives, sa fanfare, son<br />
école pour les enfants des militaires.<br />
La gare était devenue un endroit<br />
nécessaire.<br />
Même si la guerre était finie<br />
depuis plus d’une année, le camp<br />
ne fermera ses portes que le<br />
24 février 1920.<br />
Par la force des choses, la guerre<br />
avait donc créé la première ville de<br />
Kapuskasing.