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Automne 2009 - 425 Alouette

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La Spruce Falls,<br />

alimentée par une<br />

main-d’œuvre japonaise<br />

Nombreux sont les Japonais qui ont travaillé dans les<br />

camps de bûcheronnage de la papetière Spruce Falls,<br />

notamment au camp 5A. Photo : Fonds Germaine<br />

Campbell, musée commémoratif Ron-Morel.<br />

Un an après la fermeture du camp de<br />

prisonniers de guerre de Kapuskasing,<br />

9 021 Japonais d’origine habitent le<br />

Canada, et 95 % de ceux-ci résident en<br />

Colombie-Britannique 1 . Mais l’opinion<br />

publique et politique ne joue pas en<br />

leur faveur. Pendant la Dépression,<br />

notamment, leurs conditions de vie,<br />

leurs salaires, leur réputation de<br />

travaillants acharnés et consciencieux,<br />

et leur ghettoïsation déplaisent aux<br />

travailleurs comme aux politiciens.<br />

Les Japonais d’origine nés au Canada<br />

et les naturalisés ne jouissaient pas des<br />

pleins droits de tout citoyen canadien 2 .<br />

L’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre<br />

1941, a été un prétexte idéal<br />

pour disperser partout au Canada<br />

les quelque 27 000 Japonais d’origine<br />

vivant en Colombie-Britannique. Au<br />

printemps suivant, la majorité d’entre<br />

1 Ken Adachi, The Enemy That Never Was. A<br />

History of the Japanese Canadians, Toronto,<br />

McClelland and Stewart, 1976.<br />

2 À ce sujet, lire Ken Adachi.<br />

eux est rassemblée dans un champ<br />

de foire – des granges et des étables<br />

– avant d’être déplacée dans des<br />

camps intérieurs dans la région du<br />

Kootenay, dans des camps routiers ou<br />

à l’est des Rocheuses.<br />

En fait, le 4 août 1944, le premier<br />

ministre canadien Mackenzie King<br />

somme les Japonais d’origine, confinés<br />

aux camps intérieurs, de quitter la<br />

Colombie-Britannique. On leur a<br />

offert la déportation vers le Japon ou<br />

le déménagement ailleurs au Canada.<br />

Ils ont été nombreux à se rendre à<br />

Toronto ou dans les terres agricoles du<br />

Sud ontarien.<br />

Ken Adachi, Barry Broadfoot et J.L.<br />

Granatstein, pour ne nommer qu’eux,<br />

ont beaucoup parlé de la situation des<br />

Japonais d’origine de la Colombie-<br />

Britannique; d’autres historiens se<br />

sont penchés sur celle de ces mêmes<br />

groupes, œuvrant dans les champs de<br />

betterave à sucre et les vergers du Sud<br />

ontarien, mais l’histoire de ceux du<br />

Nord demeure négligée. Il y a pourtant<br />

beaucoup de matière, pour les<br />

historiens – notamment à Opasatika,<br />

un village sur le corridor de la route<br />

11. On y accueille, de 1946 à 1949, une<br />

vingtaine de familles.<br />

Mais il ne s’agissait pas d’un premier<br />

influx de Japonais d’origine dans la<br />

région. Selon les rapports annuels<br />

de la division de la foresterie à la<br />

Spruce Falls Power and Paper Co.,<br />

53 employés « Jap-Nisei 3 » y ont<br />

travaillé, soit quelques mois après<br />

que la guerre du Pacifique a éclaté, en<br />

1942-1943. L’année suivante, ils sont<br />

34. Puis, selon ces mêmes rapports<br />

annuels, à la levée de la Loi sur les<br />

mesures de guerre, l’usine Spruce Falls<br />

en vient à une entente avec la division<br />

3 Les Nisei sont les enfants des immigrants<br />

japonais, la première génération de Canadiens<br />

d’origine japonaise.<br />

Notre communauté, nos institutions<br />

japonaise du ministère fédéral du<br />

Travail. On s’engage à aménager un<br />

établissement permanent pour loger<br />

les travailleurs et leurs familles, mais<br />

des arrangements leur permettent de<br />

se loger, entre-temps, dans un camp<br />

de Hearst, dans un camp de Val Côté<br />

et au camp 32 de la Spruce Falls.<br />

L’année suivante, la papetière<br />

investit 47 700 $ dans la construction<br />

de ce hameau, sur les terres d’un<br />

M. Isabelle, sur le chemin Crow Creek,<br />

à Opasatika.<br />

L’agglomération se compose de 11 résidences<br />

à deux appartements pouvant<br />

héberger deux familles, une école<br />

à deux pièces, payée par le ministère<br />

de l’Éducation, un lot de 100 acres<br />

pour l’aménagement de jardins.<br />

Quelques familles y resteront pendant<br />

10 ou 12 ans, d’autres se déplaceront<br />

rapidement vers Kapuskasing, où<br />

les adolescents peuvent poursuivre<br />

des études secondaires, et d’autres<br />

préféreront s’établir à Toronto.<br />

Si la Première Guerre mondiale est<br />

à l’origine même de Kapuskasing,<br />

la Deuxième Guerre mondiale aura<br />

permis à sa principale industrie de se<br />

trouver un bassin de main-d’œuvre<br />

à une époque où celle-ci était très<br />

recherchée. Preuve faite, on recense<br />

des dizaines de contrats forestiers de<br />

la sorte, dans le nord de l’Ontario.<br />

Serait-ce alors correct – politiquement<br />

comme historiquement – de conclure<br />

que Kapuskasing doit sa naissance et<br />

le maintien de son tissu économique<br />

aux grands conflits mondiaux? Il<br />

s’agit peut-être de facteurs parmi tant<br />

d’autres, mais certainement d’événements<br />

qui ont contribué à la diversité<br />

ethnique qui existe aujourd’hui dans<br />

ce village nord-ontarien.<br />

Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2009</strong><br />

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