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40 Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2009</strong><br />
Patronymes, etc.<br />
Lapille?<br />
« C’est sur cette hypothèse que je fonde l’espérance de déchiffrer l’énigme entière »<br />
(Baudelaire)<br />
par Suzanne Labelle-Martin<br />
SFOGH Samuel-de-Champlain<br />
(Ottawa)<br />
Mon grand-père Nelson Labelle affirmait qu’il n’était parent avec personne. Fils<br />
unique d’Octave Labelle et d’Erméline Deschambault et frère d’une seule sœur<br />
vivante, Dorsina Labelle-Lajoie, Nelson était probablement trop occupé au métier<br />
exigeant de jardinier-maraîcher pour entretenir de telles considérations. Il avait avec<br />
Jenny ─ comme il appelait affectueusement ma grand-mère, Eugénie Parisien « dit<br />
Léger » ─ une famille nombreuse à faire vivre. Entre 1901 et 1920, le couple avait<br />
eu 16 enfants.<br />
Vers 1879, la famille quitte Sainte-Thérèse-de-Blainville au Québec pour<br />
venir s’établir à Cyrville en Ontario. Nelson avait six ans. Au cours de sa<br />
longue vie (1873-1953), Nelson évoquait souvent le nom de son village natal<br />
mais il semblait à peine se souvenir de ses habitants. Sinon qu’un jour, à<br />
mes naïves questions d’enfant, il m’avait répondu que son grand-père se<br />
nommait Joseph et sa grand-mère, Marie. « Comme le p’tit Jésus » avait-il<br />
ajouté sur son ton farceur habituel.<br />
Avec ce peu de renseignements émanant de mes souvenirs de jeunesse,<br />
je me suis pointée, en 1982, au centre de recherche de la nouvelle Société<br />
franco-ontarienne d’histoire et de généalogie à Ottawa. Avec l’aide diligente<br />
des bénévoles, j’ai remonté, le temps d’une soirée, ma lignée patronymique<br />
Labelle. L’ancêtre Guillaume trônait au faîte de mon arbre et ses branches<br />
s’accrochaient aux vieilles paroisses de la région de Montréal.<br />
Comme tout néophyte enthousiaste, je croyais avoir atteint mon but avec<br />
cette rapide remontée à la source paternelle. Mais l’examen de mon précieux<br />
document a engendré aussitôt de nombreuses questions auxquelles, plus de<br />
25 années plus tard, j’essaie encore d’en trouver les réponses.<br />
Perchée sur la sixième branche directe depuis Guillaume, ma trisaïeule,<br />
Marie Labelle porte curieusement le surnom Lapille lors de son mariage à<br />
Joseph Labelle. Je questionne d’abord le lien de parenté entre les époux et<br />
vérifie, sans succès, les longues listes de surnoms. À ce début problématique<br />
s’ajoutent à la lecture de l’acte, une mention de « père nourricier », une<br />
permission de se marier du curé de Sainte-Rose et l’absence de remarque à<br />
l’inscription de Marie Nadon, la mère. Si l’évocation de la sainte Famille par<br />
mon grand-père était de sa part une drôle de comparaison, comportait-elle<br />
aussi un secret de famille affleurant ses souvenirs au gré de mes questions<br />
enfantines? Ma curiosité piquée, il n’en fallait pas plus pour essayer de<br />
démêler les fils de cet écheveau généalogique.