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EN MÉMOIRE DE PATRICK LORMAND<br />
(1 -200 )<br />
Salut Pat,<br />
Lorsque je t’ai rencontré pour la première fois, c’était à<br />
l’École secondaire régionale de Hawkesbury. On avait<br />
quelques cours ensemble et nous sommes rapidement<br />
devenus amis. Depuis que nous avons complété notre<br />
secondaire, ta vie, ma vie, et celles de nos ami(e)s ont<br />
pris différentes directions. Malgré le chemin que nous<br />
avons parcouru, je tiens à prendre un peu de recul<br />
aujourd’hui afin de te rendre hommage.<br />
En apprenant que tu t’enrôlais dans les Forces<br />
armées, jamais je n’ai pensé que ton premier voyage en<br />
Afghanistan serait ton dernier. Je me souviens, il y a<br />
quelques mois, j’étais chez la coiffeuse et elle m’a parlé<br />
de toi. Elle m’a dit qu’un peu plus tôt, tu t’étais assis à<br />
l’endroit même où je prenais place, et que tu lui avais<br />
avoué être nerveux à l’approche de ton départ vers le<br />
désert.<br />
Je veux que tu saches qu’on partageait tous ce<br />
sentiment avec toi. C’était encore difficile de croire<br />
qu’un de mes amis partait « en guerre »; une guerre<br />
qui ne m’avait pas encore touché aussi personnellement<br />
qu’en ce moment.<br />
Ce sont les dernières nouvelles que j’avais eues de toi<br />
avant que tu deviennes la 130e victime canadienne<br />
de cette guerre en sol afghan. Une bombe artisanale<br />
venait de mettre fin à ta vie de façon si abrupte.<br />
Depuis ce jour, j’ai vu ton visage dans les journaux, à<br />
la télé et j’ai même entendu la gouverneure générale<br />
et le premier ministre parler de ton courage. Selon<br />
tes frères d’armes, tu étais un soldat modèle avec une<br />
bonne humeur contagieuse. Ça ressemble tellement au<br />
Pat qui aidait tout le monde dans le cours de techno,<br />
car ils ne savaient pas comment utiliser une scie;<br />
surtout les filles…<br />
Tu es parti seul, laissant derrière toi parents, amis,<br />
copine... pour mieux leur revenir après avoir accompli<br />
ton devoir. Mais le destin en a voulu autrement. Il<br />
faut pourtant que tu saches que même si ce deuil est<br />
une épreuve pour tes proches, il règne un sentiment<br />
de fierté dans la conscience collective de tous ceux et<br />
celles qui t’ont côtoyé.<br />
Quand je pense à notre première rencontre au<br />
secondaire, qui aurait pu croire que je t’écrirais<br />
cette lettre aujourd’hui? Les années, les décennies,<br />
les siècles passent, et on continue de perdre des pères,<br />
des fils, des frères, des amis comme toi dans des<br />
conflits armés qui sont souvent si difficiles à<br />
comprendre et à justifier. Il y a seulement quelques<br />
jours, tu protégeais la vie d’étrangers dans un pays<br />
déchiré par les conflits. Mais depuis le 14 septembre<br />
<strong>2009</strong>, tu as échangé ton fusil pour des ailes afin de<br />
mieux protéger ceux que tu aimes. Tu reposes<br />
maintenant enveloppé par le drapeau du Canada<br />
et toute la fierté de ton pays.<br />
Il est maintenant temps de te dire au revoir, mais<br />
surtout de ne pas t’oublier. C’est ainsi que tu vivras<br />
pour toujours non seulement dans notre histoire,<br />
mais également dans notre mémoire.<br />
Repose en paix, tu le mérites.<br />
Ton ami, Mathieu<br />
L’auteur de cette lettre est Mathieu Joly, agent de projets<br />
à la SFOHG.<br />
Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2009</strong><br />
Mémoires<br />
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