the islamic review janvier 1950 - The Lahore Ahmadiyya Movement ...
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à son ami. L’autre se précipita essoufflé avec son<br />
couteau illuminant l’obscurité.<br />
« Il est là, il est là, donne-le moi ! ».<br />
Quand il tînt fermement le poignard, il tira<br />
furieusement sur les cheveux de la victime, mais en<br />
l’espace d’une seconde, un cri perçant déchira le<br />
silence de la nuit. L’autre soldat tourna les talons et<br />
courut aussi vite qu’il le put.<br />
Ce ne fut pas avant le jour suivant qu’un<br />
nombre de soldats espagnols fut envoyé sur les lieux<br />
de l’évènement de la nuit précédente. Ils trouvèrent<br />
mort l’homme blessé, mais allongé à ses côtés gisait<br />
un soldat espagnol transpercé par une lance avec une<br />
expression d’horreur figée sur le visage. Etrangement<br />
d’ailleurs, il tenait encore fermement son poignard.<br />
Ils s’approchèrent du corps de l’Arabe et<br />
l’observèrent avec des yeux scrutateurs. « C’est<br />
Ferdinando de Valori », s’accordèrent-ils unanimement.<br />
La tête fut détachée et fixée à une lance, puis<br />
apportée aux quartier généraux dans l’allégresse.<br />
* * *<br />
« Alors Ferdinando est mort ! », dit<br />
pensivement un homme au nez crochu, à l’air Israélite,<br />
quand il entendit la nouvelle au tons confidentiels d’un<br />
pair au nez crochu, à l’air Israélite 1 . « Je dois le dire à<br />
Isabella. Elle doit savoir. Au revoir, nous nous verrons<br />
plus tard », dit le premier Juif, accélérant le pas à<br />
travers les rues étroites de l’al-Bayacin.<br />
En une heure il fut à la Porte de la Justice.<br />
« Que veux-tu ? », s’enquerra le sentinelle.<br />
— Je veux voir la Señorita Isabel.<br />
— Tu dois d’abord obtenir une permission de l’alcayde 2<br />
Juan Alvarez ».<br />
L’Israélite le regarda d’un air découragé et lui<br />
dit : « Sûrement n’est-il point besoin de tant de<br />
formalités », et ce disant, il déposa subrepticement<br />
une pièce d’or dans sa main.<br />
« Oh ! fit le garde alors que son visage s’éclairait d’un<br />
sourire. Tu es déjà venu ici une fois, n’est-ce pas ?<br />
— Oui, dit doucement l’Israélite.<br />
— Entre donc, mais ne soit pas long ».<br />
Il entra donc, marchant furtivement à travers<br />
les halls de l’Alhambra jusqu’à ce qu’il atteigne le hall<br />
des Deux Sœurs. Il tapa à la porte doucement. Une<br />
voix mélodieuse répondit : «Qui est là ? ».<br />
« Isabelle, ma chère, c’est moi ».<br />
La porte s’ouvrit d’un mouvement brusque, et<br />
il y eut une longue exclamation de surprise. « C’est toi,<br />
Yaqub ! ».<br />
« Oui, ma fille chérie ».<br />
Il la prit dans ses bras et lui embrasse le front,<br />
mais au dernier moment il décida de ne rien lui dire et<br />
de donner à l’occasion de sa visite des airs formels.<br />
Mais comme il la tenait dans ses bras, il fut prit d’une<br />
émotion et de chaudes larmes tombant sur son visage<br />
1<br />
A contre-coeur dois-je suivre les lourdeurs du texte<br />
original de <strong>1950</strong> (le traducteur).<br />
2<br />
Reprise (une des multiples reprises, d’ailleurs) par la<br />
langue espagnole de l’arabe al-Qaid (le chef), qui<br />
donna « caïd » en français (le traducteur).<br />
THE ISLAMIC REVIEW JANVIER <strong>1950</strong><br />
le trahirent. Relevant son visage, elle demanda avec<br />
surprise : « Que se passe-t-il, Yaqub ? ».<br />
— Rien, rien du tout, ma chère. Je me sens juste triste<br />
de te savoir prisonnière ici.<br />
— Non, non, je ne pense pas que ce soit là la seule<br />
raison. Tes yeux me racontent une histoire différente.<br />
Qui plus est, j’ai entendu des voix il y a quelques jours<br />
qui me disaient qu’une bataille faisait rage entre les<br />
Espagnols et les Arabes, et que je devais me précipiter<br />
à la rescousse des rebelles. Je me suis jeté de portes<br />
en portes mais elles étaient toutes fermées à clé. Alors,<br />
je suis retournée dans mon lit, mais les voix<br />
continuaient à bourdonner dans ma tête. Je n’ai pas<br />
pu fermer l’œil. J’ai eu une « nuit blanche », comme tu<br />
dis. Une chose que je comprends pas, c’est pourquoi<br />
les voix insistaient-elles pour que je prenne fait et<br />
cause pour les Arabes, ralliant la bannière de l’Islam,<br />
alors que je suis Espagnole et Catholique.<br />
— Tu ne connais que la moitié de la vérité, dit Yaqub.<br />
Je souhaiterais que les voix t’aient dit l’autre moitié.<br />
— De quoi parles-tu, Yaqub ? Dis-moi et n’essaies pas<br />
de parler en énigmes.<br />
— Ma chère, répondit Yaqub d’une voix ferme, tu n’es<br />
ni Espagnole ni Catholique ; tu es une Arabe et une<br />
Musulmane... En vérité, tu es une princesse<br />
Omeyyade !<br />
— Quoi ! s’exclama Isabella les yeux grands ouverts.<br />
— Oui, continua Yaqub, tu es la fille du Prince<br />
Muhammad ibn Umayya, qui a été converti de force et<br />
obligé de changer son nom en Ferdinando de Valori. Il<br />
est mort. Il a été tué il y a quelques jours dans la<br />
même bataille que les voix t’ont décrite. Ma chère<br />
petite, tu as été enlevée alors que tu n’étais qu’une<br />
enfant et élevée dans un couvent. Ton vrai nom est<br />
Amina bint Muhammad, et non Isabella ! Ils voulaient<br />
que tu deviennes une dame d’honneur de la Reine,<br />
mais ils t’ont trouvée trop hautaine et trop fière ; le<br />
sang royal en toi protestait continuellement contre<br />
l’humiliation. Alors, ils ont voulu se débarrasser de toi,<br />
mais en même temps, ils exigeaient que tu ne sois en<br />
contact avec personne. C’est pourquoi tu es<br />
emprisonnée dans les murs de l’Alhambra ».<br />
En entendant cela, Amina s’évanouit. Yaqub<br />
courut jusqu’à la Cour des Lions et ramena un peu<br />
d’eau dont il en aspergea son visage. Quand elle revînt<br />
à elle, elle dit, avec des larmes luisant dans les yeux :<br />
« Je pensais que j’étais morte, et j’étais heureuse.<br />
Pourquoi m’as-tu ramenée à la vie ? Je ne peux vivre<br />
plus longtemps. J’ai perdu ma religion, mon peuple,<br />
mon père et je suis sur le point de perdre la chose la<br />
plus précieuse d’entre elles... ma chasteté !<br />
— Quoi ? s’écria Yaqub.<br />
— C’est exactement ce que je viens de te dire,<br />
répondit Amina. Don Juan Alvarez, le gouverneur de<br />
l’Alhambra, me fait des avances. Je lui résiste autant<br />
que je peux. Mais je sais qu’il s’apprête à obtenir ce<br />
qu’il veut de force si je reste ici plus longtemps.<br />
— Honte, honte sur lui ! Ce traître oublie-t-il qu’il est<br />
lui-même un Musulman converti, et que son propre<br />
nom, Alvarez, vient de l’arabe al-Faris, le Chevalier ?<br />
— Probablement le sait-il, mais le catholicisme ramollit<br />
tellement les gens. Je pense qu’il est l’ennemi invétéré<br />
des Arabes et de l’Islam. Il plaide sans cesse leur plus<br />
total anéantissement. Mais fais-moi une faveur, Yaqub.