orphelins Baudelaire
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une monstruosité d’autant plus monstrueuse à leurs yeux que<br />
c’était le feu, tragiquement, qui leur avait enlevé leurs parents.<br />
Les mélanges de sentiments sont rarement très digestes, et<br />
le cocktail de soulagement, d’excitation, d’horreur et d’effroi est<br />
sans doute l’un des moins recommandés. Avant même d’avoir<br />
franchi le filet d’eau qui séparait rive gauche et rive droite, ce<br />
n’étaient plus trois papillons que chacun croyait avoir avalés,<br />
mais plutôt trois de ces corbeaux massés à perte de vue, aile<br />
contre aile, et commérant à mi-voix.<br />
Quand on a l’estomac en révolte, le plus sage est en général<br />
d’aller s’allonger un moment, peut-être après avoir avalé un<br />
petit breuvage effervescent. Mais le temps manquait. Ces dames<br />
du Conseil allaient d’un pas leste, et bientôt les enfants se<br />
retrouvèrent dans la grande salle de l’hôtel de ville, avec ses<br />
portraits de corbeaux aux murs.<br />
La salle était un pandémonium, mot compliqué qui signifie<br />
ici : « véritable volière d’Anciens et de simples citoyens<br />
discutant à grand bruit ». Les trois enfants cherchèrent des yeux<br />
le comte Olaf, mais la vue était masquée par la rangée de<br />
chapeaux-corbeaux oscillant à qui mieux mieux.<br />
— Mesdames et messieurs, lança un Ancien au nez en bec<br />
d’aigle, il est grand temps de commencer cette assemblée !<br />
Camarades Anciens, prenez place sur le banc, je vous prie.<br />
Chers concitoyens, veuillez vous asseoir, que nous puissions<br />
ouvrir la séance !<br />
Le silence se fit instantanément. Chacun gagna sa place en<br />
hâte, redoutant peut-être le bûcher s’il n’obtempérait pas assez<br />
vite. Violette et Klaus s’assirent à côté d’Hector, qui gardait les<br />
yeux rivés sur ses bouts de pied. Klaus prit Prunille sur ses<br />
genoux pour lui permettre de mieux voir.<br />
— Hector ! ordonna l’Ancien au nez d’aigle, tandis que les<br />
dernières chaises pliantes achevaient de se déplier. Veuillez<br />
conduire sur l’estrade le comte Olaf et notre officier de police<br />
municipale, que la discussion commence !<br />
— Pas besoin d’escorte ! répondit une voix hautaine au fond<br />
de la salle – et les enfants, se retournant, reconnurent miss<br />
Luciana, un sourire écarlate sous la visière de son casque. Je<br />
représente les forces de l’ordre, je peux me passer de cérémonie.<br />
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