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T4 - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée

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dit Salluste1, ce n’était point par l’orgueil <strong>et</strong> les richesses, c’était par une bonne<br />

réputation <strong>et</strong> par <strong><strong>de</strong>s</strong> hauts faits que le noble l’emportait sur le plébéien. Les<br />

moindres citoyens, dans les champs ou à <strong>la</strong> guerre, assurés d’une honorable<br />

subsistance, conservaient leur indépendance <strong>et</strong> pour eux-mêmes <strong>et</strong> pour <strong>la</strong><br />

patrie. Depuis, lorsque chassés peu à peu <strong>de</strong> leurs héritages ils n’eurent plus <strong>de</strong><br />

domicile fixe, lorsque <strong>la</strong> paresse <strong>et</strong> <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é ne leur <strong>la</strong>issèrent plus qu’une<br />

existence précaire, ils commencèrent à convoiter les biens <strong><strong>de</strong>s</strong> autres <strong>et</strong> à vendre<br />

<strong>la</strong> république avec leur propre liberté.<br />

Cicéron peint fortement aussi <strong>la</strong> prédominance coupable <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te oligarchie qui<br />

vendait <strong>la</strong> justice, opprimait le peuple <strong>et</strong> même le sénat : Totus ordo paucorum<br />

improbitate <strong>et</strong> audacia premitur, <strong>et</strong> urg<strong>et</strong>ur infamia judiciorum2.<br />

L’usurpation <strong><strong>de</strong>s</strong> riches n’était donc pas seulement injuste en elle-même ; elle<br />

était <strong>de</strong> plus contraire à <strong>la</strong> loi fondamentale <strong>de</strong> <strong>la</strong> république, <strong>et</strong> elle détruisait à<br />

<strong>la</strong> fois <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> l’agriculture.<br />

Cicéron, se constituant le défenseur <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te usurpation, s’élève contre l’iniquité<br />

qu’il y a, dit-il3, à enlever aux possesseurs, par une loi agraire, <strong><strong>de</strong>s</strong> propriétés<br />

dont ils jouissaient <strong>de</strong>puis beaucoup d’années ou même beaucoup <strong>de</strong> siècles4. En<br />

habile orateur, il dissimule le côté faible <strong>de</strong> sa cause ; il allègue même, pour <strong>la</strong><br />

rendre meilleure, <strong><strong>de</strong>s</strong> faits évi<strong>de</strong>mment controuvés.<br />

Il est facile d’établir que c<strong>et</strong>te possession d’un grand nombre d’années <strong>et</strong> même<br />

<strong>de</strong> siècles dont il parle n’était qu’une usurpation très récente. En eff<strong>et</strong>, Caton<br />

l’Ancien, dans son discours sur les Rhodiens que j’ai déjà cité prouve qu’alors <strong>la</strong><br />

loi licinienne était encore observée. Nous souhaitons tous, dit-il, d’avoir plus <strong>de</strong><br />

500 jugères <strong>de</strong> terre, mais on ne nous punit pas pour nos désirs. Or, ce discours<br />

fut prononcé trente-quatre ans avant le tribunat <strong>de</strong> Tiberius.<br />

Les exemples <strong>de</strong> respect pour <strong>la</strong> loi licinienne, donnés par les Ælius, par Tubéron<br />

<strong>et</strong> Paul-Émile, ces exemples que j’ai cités d’après les témoignages les plus<br />

positifs, sont tous <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin du vie siècle <strong>de</strong> Rome, <strong>et</strong> <strong>la</strong> loi <strong>de</strong> Tiberius fut portée<br />

en 61g. Ainsi les exagérations oratoires que le grand orateur nous donne comme<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> faits sont réfutées par <strong><strong>de</strong>s</strong> dates précises <strong>et</strong> tombent <strong>de</strong>vant l’inflexible<br />

chronologie.<br />

Les grands, avant <strong>la</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>truction <strong>de</strong> Carthage, n’avaient ni les fonds suffisants<br />

pour acquérir, ni le pouvoir d’usurper c<strong>et</strong>te quantité <strong>de</strong> terres qu’au mépris <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

lois ils possédaient en Italie du temps <strong>de</strong> Tiberius, <strong>et</strong> qu’ils couvraient <strong>de</strong> leurs<br />

esc<strong>la</strong>ves. Salluste le dit positivement5, <strong>et</strong> je dois le citer :<br />

Depuis c<strong>et</strong>te époque (Carthaginem <strong>de</strong>l<strong>et</strong>am), au <strong>de</strong>dans <strong>et</strong> au <strong>de</strong>hors, tout se menait<br />

par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> quelques patriciens. Ils disposaient du trésor public, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

gouvernements, <strong><strong>de</strong>s</strong> magistratures, <strong><strong>de</strong>s</strong> triomphes. Le peuple avait tout le poids<br />

du service, <strong>et</strong> il était dans <strong>la</strong> misère. Tout le butin qui se faisait à <strong>la</strong> guerre<br />

<strong>de</strong>venait <strong>la</strong> proie <strong><strong>de</strong>s</strong> généraux, qui le partageaient avec quelques associés ; <strong>et</strong>,<br />

pendant ce temps, si le père d’un soldat, si ses enfants en bas âge se trouvaient<br />

à côté d’un voisin puissant, ils étaient chassés <strong>de</strong> leurs possessions. Ainsi <strong>la</strong><br />

1 Orat. II ad Cœsar. <strong>de</strong> Repub. ord., c. L, éd. Havercamp.<br />

2 In Verr., act. I, c. XII, p. 387, éd. var. (Un ordre entier <strong>de</strong> l'État est opprimé par <strong>la</strong> perversité <strong>et</strong> l'audace<br />

d'une poignée d'<strong>hommes</strong>, <strong>et</strong> avili par le scandale <strong>de</strong> ses jugements). Cf. Divin., 91.<br />

3 De Offic., II, 22.<br />

4 Quam æquitatem hab<strong>et</strong> ut agrum, multis annis aut <strong>et</strong>iam seculis ante possessum, qui nullum habuit habeat,<br />

qui autem habuit, amittat ?<br />

5 Bell. Jug., cap. XLV.

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