T4 - L'Histoire antique des pays et des hommes de la Méditerranée
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un exil agréable, signa<strong>la</strong>ient, plutôt qu’elles ne réprimaient, ces brigandages<br />
habituels.<br />
Les harangues <strong>de</strong> Cicéron contre Verrès1, contre Pison <strong>et</strong> Gabinius, pour F<strong>la</strong>ccus,<br />
pour <strong>la</strong> loi Manilia2, prouvent que ces abus étaient poussés à l’extrême.<br />
Il est difficile d’exprimer, dit c<strong>et</strong> orateur3, quelle haine nous portent les nations<br />
étrangères, à cause <strong><strong>de</strong>s</strong> injustices <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> violences <strong>de</strong> ceux que nous avons<br />
envoyés pour les gouverner. En eff<strong>et</strong>, quel temple y a-t-il dans ces contrées que<br />
nos magistrats aient respecté ? quelle ville dont les privilèges aient été sacrés ?<br />
quelle maison qui ait pu se soustraire à leur rapacité ? Ils recherchent surtout les<br />
villes peuplées <strong>et</strong> opulentes, <strong>et</strong> inventent <strong><strong>de</strong>s</strong> apparences <strong>de</strong> guerre pour avoir un<br />
prétexte <strong>de</strong> les piller.<br />
Depuis les guerres civiles <strong>de</strong> Marius <strong>et</strong> <strong>de</strong> Syl<strong>la</strong>, non seulement, dit Appien (B. civ.<br />
I, 102), toutes les nations, toutes les villes étaient soumises au tribut ; mais les<br />
rois alliés, les villes comprises dans les traités, qui, pour <strong><strong>de</strong>s</strong> services rendus au<br />
peuple romain, avaient obtenu l’immunité <strong>et</strong> <strong>la</strong> liberté, furent assuj<strong>et</strong>tis aux<br />
impôts <strong>et</strong> au pouvoir absolu <strong>de</strong> Rome. Quelques cités même furent privées <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
ports <strong>et</strong> du territoire qui leur avaient été <strong>la</strong>issés par les traités.<br />
Alors le gouverneur exerçait le pouvoir le plus <strong><strong>de</strong>s</strong>potique sur les suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
province, les jugeait arbitrairement, faisait exécuter ses arrêts sans appel,<br />
imposait <strong><strong>de</strong>s</strong> taxes, levait <strong><strong>de</strong>s</strong> soldats, fixait les contingents soit en <strong>hommes</strong>, soit<br />
en vaisseaux, les <strong>de</strong>mandait sans nécessité, <strong>et</strong> souvent, dans ce <strong>de</strong>rnier cas,<br />
commuait c<strong>et</strong>te charge en une somme d’argent dont il exigeait le paieraient avec<br />
<strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière rigueur4. Il accordait <strong><strong>de</strong>s</strong> exemptions aux uns, surchargeait les autres<br />
à sa fantaisie. Enfin son autorité n’avait <strong>de</strong> bornes que ses désirs, son caprice ou<br />
sa volonté. Cependant les lois anciennes défendaient aux administrateurs, même<br />
aux légats ou députés dans une province, d’y rien ach<strong>et</strong>er ou prendre, ni argent,<br />
ni vêtements, ni esc<strong>la</strong>ves : tout leur était fourni par l’État ; niais les lois étaient<br />
sans force.<br />
Fonteius, gouverneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaule narbonnaise, m<strong>et</strong>, <strong>de</strong> sa propre autorité, un<br />
impôt sur le vin5 ; Pison impose toutes les <strong>de</strong>nrées dans <strong>la</strong> Macédoine, même<br />
dans les villes libres qui <strong>de</strong>vaient être exemptes d’impôt, <strong>et</strong> fait percevoir ces<br />
taxes par ses esc<strong>la</strong>ves, comme avait fait Verrès en Sicile6, comme le faisaient<br />
alors beaucoup d’autres. Appius, prédécesseur <strong>de</strong> Cicéron, avait imposé dans <strong>la</strong><br />
Cilicie une capitation <strong>et</strong> même assis un impôt sur chaque porte7 ; on l’exigeait<br />
avec une rigueur extrême <strong>et</strong> on vendait les biens <strong>de</strong> ceux qui ne payaient pas<br />
aux termes fixés. La province était obligée <strong>de</strong> fournir à <strong>la</strong> maison du proconsul<br />
une certaine quantité <strong>de</strong> blé réglée par <strong>la</strong> loi ; Verrés <strong>et</strong> Pison ne voulurent pas le<br />
recevoir en nature, <strong>et</strong> ils se le firent payer en argent le triple du prix fixé par le<br />
sénat8. C<strong>et</strong> abus s’étendit même sur le blé <strong>de</strong> tribut <strong>et</strong> sur le blé ach<strong>et</strong>é par <strong>la</strong><br />
république.<br />
1 Passim <strong>et</strong> imprim. V, 48.<br />
2 Voyez, entre autres, In Pison., c. 36.<br />
3 Pro leg. Manilia, 22.<br />
4 Ces réquisitions, sous les empereurs, furent converties en un impôt annuel qui se payait en argent <strong>et</strong> se<br />
nommait annanariœ col<strong>la</strong>tiones. Cod. Théod., XI, <strong>de</strong> Annonis <strong>et</strong> tributis. Vopiscus, in Probo, c. 23.<br />
5 Cicéron, pro Fonteio, 5.<br />
6 Ibi<strong>de</strong>m, Verr., III, 20, 38.<br />
7 Ibi<strong>de</strong>m, ad Famil., III, 8.<br />
8 Ibi<strong>de</strong>m, Verr., III, 81 ; in Pison., 35.