Le mystère du verbe - Contrepoint philosophique
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plus harmonieuse, plus lyrique et plus fluide que celle de la partie précédente. L'auteur<br />
cherche à "démontrer" pratiquement et directement, c'est-à-dire par l'effet même de la<br />
langue, le contenu et le sens des idées qu'il développe. Ainsi en utilisant une langue plus<br />
aérienne et plus souple, il touche son lecteur directement là où il veut en venir, à savoir que<br />
la langue, tout comme les formules mathématiques, use spontanément de ses libres<br />
mouvements pour révéler l'âme de l'Univers. L'essence <strong>du</strong> langage ne se laisse ni définir, ni<br />
expliquer. D'où le recours à une analogie. Si des explications rationnelles étaient nécessaires,<br />
ce serait la preuve que la langue ne suffit pas à elle-même et qu'elle doit se référer à un<br />
système extérieur. Or l'auteur renonce volontairement à toute explication parce qu'il pense<br />
justement que l'expression même des mots, leur légèreté et leur liberté, révèle cette essence<br />
dont il est question. Des lois mystérieuses et inexplicables régissent la nature profonde <strong>du</strong><br />
langage qui ne peut se laisser appréhender froidement par la logique naturelle. C'est<br />
l'enracinement direct <strong>du</strong> langage aux dessous <strong>du</strong> monde qui lui confère l'indépendance à<br />
l'égard de tout système organisé. L'image de la musique empruntée dans la troisième partie,<br />
permet de mieux se représenter la nature <strong>du</strong> langage:<br />
«Celui qui a le sens et un fin sentiment de l'âme musicale <strong>du</strong> langage, de sa cadence et <strong>du</strong><br />
doigté requis; celui qui sait entendre en soi sa subtile exigence, qui bien saisit la tendre<br />
volonté de sa nature intime avant de s'abandonner à leur autorité ou sa plume ou sa langue:<br />
celui-là, oui, ce sera un prophète. [...]»<br />
La musique, tout comme la langue, n'est pas de l'ordre de la compréhension ou de la<br />
connaissance. Il faut avoir le sens intérieur de l'harmonie musicale pour être touché par sa<br />
nature intime. De même l'essence <strong>du</strong> langage passe par l'intériorisation de son rythme et de<br />
sa mystérieuse mélodie. Intériorisation signifiant ici aussi participation. Il faut entrer en<br />
relation avec l'âme de la musique pour entendre résonner ses profondeurs insondables. Il est<br />
intéressant que Novalis recoure ici à la musique pour donner à entendre la nature <strong>du</strong> langage,<br />
d'autant plus que dans certains fragments il insiste sur la supériorité de la poésie sur la<br />
musique. <strong>Le</strong> point commun entre ces deux formes d'art est le profond <strong>mystère</strong> dont elles