Le mystère du verbe - Contrepoint philosophique
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certaines divergences. La première de ces divergences nous con<strong>du</strong>it à la notion <strong>du</strong> médiateur.<br />
Nous avons déjà vu que Novalis place Sophie au même rang que le Christ et qu'il fait d'elle<br />
une médiatrice au même titre que le Christ. Voyons maintenant de plus près un fragment où<br />
Novalis définit avec précision ce qu'il entend avec cette notion.<br />
«Rien de plus nécessaire à un réel sentiment religieux qu'un médiateur, qui nous relie à la<br />
divinité. L'homme ne peut absolument pas être immédiatement en relation avec elle. Mais le<br />
choix de ce médiateur, l'homme doit en être entièrement libre. La moindre contrainte est<br />
nuisible à sa religion. Ce choix est d'ailleurs caractéristique, et les gens cultivés choisiront, en<br />
effet, des médiateurs assez semblables, alors que les incultes, au contraire, seront<br />
habituellement déterminés par le hasard. (...) Plus l'homme évolue et gagne en indépendance,<br />
plus se ré<strong>du</strong>it en quantité le nombre des médiateurs, plus s'affine leur qualité, et plus aussi<br />
se compliquent et se multiplient, se perfectionnent et s'ennoblissent les relations qu'ils ont<br />
avec l'homme: fétiches, astres, animaux, héros, idoles, dieux, l'unique enfin, le Dieu-Homme.<br />
On a tôt fait de remarquer combien ces choix sont relatifs, et l'on en vient insensiblement à<br />
penser que l'essence de la religion ne dépend point de la nature <strong>du</strong> médiateur mais consiste<br />
uniquement dans l'idée qu'on s'en fait, dans les rapports qu'on a avec lui.<br />
Ce médiateur, si je le tiens et le prends pour Dieu lui-même, c'est un culte idolâtre au<br />
sens le plus large. Si je n'admets aucun médiateur, c'est de l'irréligion. (...) La vraie religion<br />
est celle qui accepte ce médiateur comme médiateur, le tient en quelque sorte pour l'organe<br />
de la divinité, le regarde comme sa manifestation sensible. (...) Mais en serrant les choses de<br />
plus près, la vraie religion paraît à son tour se séparer antinomiquement en panthéisme et<br />
monothéisme. Il est vrai que j'use ici de licence en ne prenant pas le mot panthéisme au sens<br />
habituel, car j'entends par là que tout peut être organe de la divinité, médiateur, si je l'élève à<br />
ce rang; tandis que le monothéisme croit au contraire et affirme qu'il n'y a pour nous qu'un<br />
seul organe de ce genre en ce monde, que l'idée d'un médiateur est seule admissible, et que<br />
Dieu ne se manifeste que par ce seul moyen. (...)» 1<br />
1 NOVALIS, «Pollens», in O. C., t. I, n° 74, p. 368-369. (trad. légèrement modifiée par nous.) «Nichts ist zur<br />
wahren Religiosität unentbehrlicher als ein Mittelglied, das uns mit der Gottheit verbindet. Unmittelbar kann<br />
der Mensch schlechterdings nicht mit derselben in Verhältniß stehn. In der Wahl dieses Mittelglieds muß der<br />
Mensch <strong>du</strong>rchaus frey seyn. Der mindeste Zwang hierin schadet seiner Religion. Die Wahl ist karakteristisch,<br />
und es werden mithin die gebildeten Menschen ziemlich gleiche Mittelglieder wählen, dahingegen der<br />
Ungebildete gewöhnlich <strong>du</strong>rch Zufall hier bestimmt werden wird. (...) Je selbständiger der Mensch wird, desto<br />
mehr vermindert sich die Quantität des Mittelglieds, die Qualität verfeinert sich, und seine Verhältnisse zu<br />
demselben werden mannichfaltiger und gebildeter: Fetische, Gestirne, Thiere, Helden, Götzen, Götter, Ein<br />
Gottmensch. Man sieht bald, wie relativ diese Wahlen sind, und wird unvermerkt auf die Idee getrieben, daß<br />
das Wesen der Religion wohl nicht von der Beschaffenheit des Mittlers abhange, sondern lediglich in der<br />
Ansicht desselben, in den Verhältnissen zu ihm bestehe.<br />
Es ist ein Götzendienst im weitern Sinn, wenn ich diesen Mittler in der That für Gott selbst ansehe. Es ist<br />
Irreligion, wenn ich gar keinen Mittler annehme. (...) Die wahre Religion scheint aber bei einer nähern<br />
Betrachtung abermals antinomisch getheilt in Pantheismus und Monotheismus. Ich bediene mich hier einer<br />
Licenz, indem ich Pantheism nicht im gewöhnlichen Sinn nehme, sondern darunter die Idee verstehe, daß alles<br />
Organ der Gottheit, Mittler seyn könne, indem ich es dazu erhebe: so wie Monotheism im Gegentheil den