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Lettre de Jean-Léon Prevost – avec illustrations

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que triste événement; après ces cinq jours et ces cinq nuits passés, nous nʹapercevons pas<br />

<strong>de</strong> changement bien notable dans lʹétat <strong>de</strong> notre pauvre mala<strong>de</strong> et parfois une lueur dʹes‐<br />

pérance traverse notre esprit; mais cʹest par illusion, sans doute, à moins dʹune sorte <strong>de</strong><br />

miracle, la santé, la vigueur, la vie (cʹest tout dire) ne pourraient être rendus à ce corps<br />

épuisé. Durant les premiers jours qui ont suivi mon arrivée, notre chère mala<strong>de</strong> ayant<br />

éprouvé un mieux assez sensible disait <strong>avec</strong> bonheur: je me sens revenir, ce sont les prières<br />

<strong>de</strong> mon fils qui me ressuscitent; pauvre mère, elle a bientôt perdu sa confiance, elle sʹest<br />

résignée <strong>de</strong> nouveau, elle a vu que si les prières si ar<strong>de</strong>ntes que jʹai faites pour elle <strong>de</strong>‐<br />

vaient, comme je lʹespère, lui servir, ce nʹétait pas pour le temps, mais pour lʹéternité. Que<br />

la sainte volonté du Seigneur sʹaccomplisse, je nʹai pas dit autre chose, cʹest une parole à<br />

double fin que le divin maître appliquera en un sens ou en un autre, selon que le voudra<br />

sa sagesse.<br />

Je vous tiendrais tout un jour, si je nʹy prenais gar<strong>de</strong>, cher enfant, à ce triste chevet<br />

<strong>de</strong> notre pauvre mala<strong>de</strong>, mais cher ami, ce serait abuser <strong>de</strong> votre tendre compassion, vous<br />

qui venez si aimablement à moi, vous associant à mes pensées, à mes douleurs, vous méri‐<br />

tez bien que je fasse quelque effort pour aller aussi à vous et me replacer dans le mon<strong>de</strong><br />

actif et vivant où vous respirez.<br />

Je nʹai pas, cher enfant, les inquiétu<strong>de</strong>s que vous me supposez sur nos petites œu‐<br />

vres, je les sais en bonnes mains, je les crois protégées et soutenues par Dieu surtout qui a<br />

daigné les susciter et je nʹai pas <strong>de</strong> sollicitu<strong>de</strong> pénible pour ce qui les touche. Prévoyant<br />

seulement quʹun triste événement pourrait, pour quelque temps, en éloigner mon esprit,<br />

jʹai cru à propos <strong>de</strong> rappeler en <strong>de</strong>ux mots à notre cher Dufresne, ce qui était à faire dès ce<br />

moment, en lʹinvitant à ne pas attendre mon retour pour mettre la main à lʹœuvre, voilà<br />

tout le motif <strong>de</strong> ma lettre. Vous trouvez, ami, que votre vieux père ajourne bien loin lʹépo‐<br />

que probable <strong>de</strong> sa réunion <strong>avec</strong> ses amis; il ne pouvait, vous le comprenez, rien dire <strong>de</strong><br />

précis à cet égard, mais il lui était facile <strong>de</strong> voir quʹen tout état <strong>de</strong> cause, quand même il<br />

reviendrait, comme il est à penser, assez prochainement à Paris, il ne pourrait néanmoins,<br />

<strong>avec</strong> convenance et liberté <strong>de</strong> cœur, se remettre si vite à lʹactivité <strong>de</strong>s œuvres charitables.<br />

Comme le père verse sans réserve ses moindres pensées dans le cœur <strong>de</strong> son enfant, il<br />

ajoute, pour lui tout seul, quʹil désire se ménager quelques jours <strong>de</strong> recueillement, afin<br />

dʹexaminer <strong>avec</strong> M. Beaussier quelle position il doit prendre définitivement dans le<br />

mon<strong>de</strong>, à quel parti il doit sʹarrêter pour son avenir. Le départ précipité qui mʹa éloigné <strong>de</strong><br />

Paris, mon bien‐aimé enfant, est venu tout provi<strong>de</strong>ntiellement pour me mettre à même <strong>de</strong><br />

suivre lʹavis <strong>de</strong> M. Beaussier qui mʹavait dit: atten<strong>de</strong>z et priez; <strong>de</strong>puis mon arrivée ici, me<br />

sentant fort tourmenté à ce sujet, jʹai écrit une longue lettre à cet excellent Père pour lui<br />

remettre sous les yeux le détail <strong>de</strong> ma situation et le prier dʹexaminer à loisir <strong>de</strong>vant Dieu<br />

quelle voie jʹaurais à suivre, lʹassurant que voyant dans sa décision lʹordre du Seigneur lui‐<br />

même, je lʹadopterais aveuglément. De ce moment les prières du bon Père et celles <strong>de</strong> mon<br />

cher enfant, je le crois aussi, ont été entendues sans doute, car, jʹai retrouvé <strong>de</strong> ce côté un<br />

calme et un abandon parfait.<br />

Cette lettre interrompue <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux jours, nʹest reprise, cher enfant, quʹ<strong>avec</strong> un re‐<br />

doublement <strong>de</strong> douleurs; le sacrifice si douloureux que nous <strong>de</strong>mandait le Seigneur est en‐<br />

fin consommé, ma pauvre mère a cessé dʹexister hier à 10h. 1/4 du soir. Je nʹai pas la force<br />

<strong>de</strong> vous en dire maintenant davantage; quand je serai un peu remis dʹune si dure épreuve,<br />

je vous écrirai plus paisiblement, si je le puis; aujourdʹhui je ne sais que pleurer et vous<br />

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