Serge Viau : : : Chien d'écrivain
Serge Viau : : : Chien d'écrivain
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−−− <strong>Chien</strong> d’écrivain −−−<br />
que j’ai écrit mon premier livre, et les<br />
quelques autres qui ont suivi. Il y a<br />
l’amour-passion, la frénésie de la séduction,<br />
le hoquet perpétuel du sexe, la transe de<br />
l’obsédé, hurleur ou tourneur, dans le<br />
grand bordel bariolé, dans le foutoir chaotique<br />
des pulsions, et il y a le mariage et les<br />
pantoufles et la petite pipe du bon papa, le<br />
soir, devant l’âtre refroidi, sous la lampe<br />
molle. Le romancier est un homme marié.<br />
Je suis devenu romancier, puisqu’il fallait<br />
vieillir, c’est-à-dire continuer à vivre pour<br />
pouvoir continuer à écrire.<br />
*<br />
H. V. : Le roman est le genre littéraire<br />
par excellence de l’âge adulte, m’avez-vous<br />
dit. Pourtant, vous m’avez dit également<br />
qu’à l’âge de douze ans, vous aviez déjà<br />
derrière vous toute une œuvre romanesque.<br />
L. J. : Les enfants sont tous de pauvres<br />
petits crétins qui jouent à imiter ces plus<br />
grands crétins que sont les adultes. Ils<br />
lisent Auguste le Breton, Ian Flemming ou<br />
Henri Vernes et ils écrivent comme Auguste<br />
le Breton, Ian Flemming ou Henri Vernes.<br />
Une fois devenus des hommes, le pli est<br />
pris ; ils continuent à jouer à l’adulte, c’està-dire<br />
au grand crétin. Être un homme,<br />
c’est se prendre pour un homme. Il n’y a<br />
pas de contradiction.<br />
H. V. : Et être romancier ?<br />
L. J. : Les romanciers sont des êtres très<br />
fortement attachés aux conventions, comme<br />
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