Serge Viau : : : Chien d'écrivain
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−−− <strong>Chien</strong> d’écrivain −−−<br />
destiné à empêcher que tout ne s’en aille à<br />
la merde. L’idéal n’est pas de se laver quand<br />
on pue ; l’idéal, ce serait de ne pas puer.<br />
Mais que voulez-vous, l’homme pue.<br />
H. V. : Le projet que vous avez conçu<br />
d’être « moi dans le monde », à la fin de votre<br />
adolescence, était-il idéaliste ?<br />
L. J. : Il s’agissait moins d’un idéal que<br />
d’une nécessité de l’existence. La nécessité<br />
est un correctif qu’on apporte, qu’on doit<br />
apporter à sa vie dans le but de la rendre<br />
vivable, sans plus : on se lave parce qu’on<br />
pue.<br />
H. V. : Et l’anthropocentrisme ? C’est<br />
aussi un correctif de ce genre, selon vous ?<br />
L. J. : Évidemment. La vie serait invivable<br />
si l’homme se percevait comme une<br />
variété du termite. C’est pourtant ce qu’il<br />
est, si vous voulez mon avis. L’homme vit<br />
dans de gigantesques termitières qu’il a<br />
construites et où il se ballade à longueur de<br />
journée avec un petit téléphone cellulaire à<br />
la main, comme n’importe quel termite,<br />
pour pas grand-chose, au fond. C’est la<br />
termitière qui compte, pas le termite.<br />
H. V. : C’est l’Organisation.<br />
L. J. : L’Organisation, oui !<br />
H. V. : Votre vie doit être invivable puisque<br />
vous rejetez l’anthropocentrisme.<br />
L. J. : La vie est invivable. Je n’y peux<br />
rien. Le termite est confronté aux mêmes<br />
problèmes que l’homme : il vit et il meurt<br />
sans savoir pourquoi, sinon pour que la<br />
Termitière puisse se perpétuer – sans<br />
qu’elle ne sache elle non plus pourquoi.<br />
L’érable fait la même chose : il sert à perpétuer<br />
l’existence de l’Érablière. Je suis un<br />
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