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Le sport en Chine - ccifc

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Culture lire<br />

Coup de cœur<br />

Yan Lianke : <strong>Le</strong> rêve du village des Ding<br />

Par Yan Lianke<br />

Traduit du chinois Claude Pay<strong>en</strong><br />

Ed. Philippe Picquier , 2007<br />

288 pages<br />

Yan Lianke est un écrivain à coup<br />

sûr audacieux, sans doute téméraire,<br />

certains diront « provocateur ». Déjà<br />

dans son premier roman traduit<br />

<strong>en</strong> français «Servir le peuple» chez<br />

Ph. Picquier <strong>en</strong> 2006, il s’<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ait<br />

à l’armée chinoise, se moquait<br />

ouvertem<strong>en</strong>t du Grand Timonier et<br />

caricaturait un colonel impuissant<br />

dont l’épouse pr<strong>en</strong>ait du bon temps<br />

avec son estafette. Cette ironie<br />

excessive avait valu au roman d’être<br />

c<strong>en</strong>suré, mais l’avait du même coup<br />

assuré d’une diffusion accrue et d’un<br />

bon succès à l’étranger.<br />

Avec ce nouveau roman, Yan<br />

Lianke récidive et s’affranchit d’un<br />

autre tabou lié au scandale du sang<br />

contaminé et du sida dans la province<br />

du H<strong>en</strong>an dans les années 90. En<br />

véritable journaliste d’investigation, il<br />

a procédé à une longue et minutieuse<br />

<strong>en</strong>quête <strong>en</strong> se r<strong>en</strong>dant incognito<br />

dans ces villages <strong>en</strong> 1995. Il raconte<br />

comm<strong>en</strong>t plusieurs villages ont été<br />

contaminés et décimés par le sida,<br />

les victimes laissées dans l’ignorance<br />

des causes de cette épidémie et<br />

des remèdes à lui apporter par les<br />

autorités locales, d’autant que ce sont<br />

celles-ci qui avai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>couragé les<br />

paysans miséreux à v<strong>en</strong>dre leur sang,<br />

sans aucune hygiène ni protection.<br />

L’auteur choisit de retracer cette<br />

tragédie à travers les membres d’une<br />

famille du nom de Ding, comme le<br />

village, dont les fils se livr<strong>en</strong>t à tous<br />

les trafics, allant jusqu’à v<strong>en</strong>dre aux<br />

malades analphabètes les cercueils<br />

q u e l e g o u vernem<strong>en</strong>t a m i s<br />

gratuitem<strong>en</strong>t à leur disposition. Yan<br />

Lianke ne juge pas, il montre ; il ne<br />

dénonce pas, il décrit, et cela suffit.<br />

Laur<strong>en</strong>t Ballouhey<br />

Deux questions<br />

à l’auteur ...<br />

Pouvez-vous nous parler de la<br />

g<strong>en</strong>èse de votre livre ?<br />

“En 1996, quand l’Internet a diffusé la<br />

nouvelle du Sida au H<strong>en</strong>an, comme<br />

je vi<strong>en</strong>s de cette région,<br />

j’ai été particulièrem<strong>en</strong>t<br />

touché et j’ai voulu me<br />

p<strong>en</strong>cher sur le problème.<br />

Mais dans ces annéeslà,<br />

la <strong>Chine</strong> était moins<br />

ouverte.Après l’épidémie<br />

de SRAS <strong>en</strong> 2003, l’attitude<br />

du gouvernem<strong>en</strong>t s’est<br />

très nettem<strong>en</strong>t assouplie.<br />

En 2004, j’ai comm<strong>en</strong>cé à<br />

me r<strong>en</strong>dre dans un village<br />

de l’Est du H<strong>en</strong>an pour<br />

compr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> profondeur la façon<br />

de réagir des malades confrontés à<br />

leur mort prochaine. Comme je vi<strong>en</strong>s<br />

d’une famille paysanne, je me suis<br />

très vite familiarisé avec eux. C’est<br />

arrivé <strong>en</strong> <strong>Chine</strong>, dans mon pays natal.<br />

C’était très important pour moi de<br />

me lever et d’assumer une part de<br />

responsabilité, <strong>en</strong> relatant cette<br />

histoire avec passion.”<br />

Vous avez employé des procédés<br />

littéraires particuliers,<br />

pourquoi ?<br />

“J’ai choisi de décrire ce monde à<br />

travers le regard d’un <strong>en</strong>fant de 12 ans<br />

déjà mort parce que cela m’apportait<br />

une grande liberté : il circule dans<br />

le monde des vivants et dans le<br />

monde des morts. Il r<strong>en</strong>tre dans la<br />

p<strong>en</strong>sée de son grand père, dans celle<br />

de son père, et de la même façon,<br />

dans l’esprit de tous les villageois : la<br />

narration bénéficie ainsi d’un espace<br />

total de liberté. J’ai aussi utilisé de<br />

façon ext<strong>en</strong>sive les rêves diurnes. Dans<br />

la version chinoise, on a même utilisé<br />

une typographie différ<strong>en</strong>te pour les<br />

souligner. <strong>Le</strong>s villageois rêv<strong>en</strong>t tous<br />

de dev<strong>en</strong>ir riches, que leur campagne<br />

devi<strong>en</strong>ne aussi moderne que les<br />

villes, que la <strong>Chine</strong> atteigne le niveau<br />

de la France, des USA, du Japon.<br />

Ces rêves représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t, pour moi<br />

une nouvelle utopie. Nous sommes<br />

passés de l’utopie<br />

c o m m u n i s t e à<br />

l’utopie capitaliste.<br />

Dans le « Rêve du<br />

village des Ding »,<br />

les habitants de ce<br />

village v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t leur<br />

sang pour dev<strong>en</strong>ir<br />

riches, pour réaliser<br />

le même rêve. Et<br />

l’explosion du sida<br />

à grande échelle<br />

aujourd’hui, n’estce<br />

pas à l’origine une catastrophe<br />

globale à laquelle est confrontée<br />

toute l’humanité, parce que nous<br />

voulons tous être plus riches, plus<br />

forts. “ •<br />

Extrait d’une interview réalisée par<br />

Anne Garrigue et Charlotte Cailliez,<br />

aujourd’huilachine.com<br />

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