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<strong>Le</strong> <strong>sport</strong> <strong>en</strong> <strong>Chine</strong><br />
Récit d’une reconversion<br />
La deuxième vie d’Yvonne Han<br />
L’anci<strong>en</strong>ne championne de softball, le baseball féminin, dirige aujourd’hui Xinjishi,<br />
une chaîne de restaurants chics de gastronomie shanghaï<strong>en</strong>ne. La jeune <strong>sport</strong>ive<br />
intégrée dans le système a changé de peau pour dev<strong>en</strong>ir une femme d’affaires.<br />
dans le <strong>sport</strong> <strong>en</strong><br />
<strong>Chine</strong>, c’est vivre comme<br />
«Rester<br />
un oiseau <strong>en</strong> cage... C’est<br />
l’armée. Je voulais une vie libre. » <strong>Le</strong>s<br />
idées claires sur l’av<strong>en</strong>ir qu’elle refuse,<br />
Yvonne Han a 21 ans lorsque sa<br />
carrière <strong>sport</strong>ive s’arrête. La capitaine<br />
de l’équipe nationale de softball a des<br />
problèmes de dos. Elle ne peut plus<br />
se t<strong>en</strong>ir debout p<strong>en</strong>dant les matchs.<br />
Après deux ans de soins, les autorités<br />
chinoises lui propose un « bon poste »<br />
dans les bureaux de la Shanghai Sport<br />
Association. Elle dit non. Elle a une<br />
<strong>en</strong>vie confuse de s’évader. Justem<strong>en</strong>t,<br />
la firme japonaise Sony la contacte<br />
pour faire partie de son équipe<br />
promotionnelle. « Ils m’offrai<strong>en</strong>t un bon<br />
salaire, c<strong>en</strong>t fois que ce que je gagnais<br />
à l’époque. J’ai dit au gouvernem<strong>en</strong>t<br />
que j’allais étudier au Japon. »<br />
Cette expéri<strong>en</strong>ce de <strong>sport</strong>-marketing<br />
dure sept ans. Elle <strong>en</strong> dit long sur<br />
les <strong>en</strong>vies d’Yvonne qui préfère<br />
l’exil temporaire à une reconversion<br />
médiocre dans l’administration <strong>sport</strong>ive<br />
chinoise. « Certains de mes amis ont<br />
accepté d’être <strong>en</strong>traîneur. Ils gagn<strong>en</strong>t<br />
1 000 à 2 000 RMB (100 à 200 € ) par<br />
mois. Si on veut faire du business avec<br />
le <strong>sport</strong>, c’est très difficile car tout est<br />
contrôlé par l’Etat. » Alors elle mènera<br />
ses affaires de son côté. Ca tombe<br />
bi<strong>en</strong>, un ami l’appelle au Japon pour<br />
lui proposer d’ouvrir un restaurant à<br />
Shanghai. Ce qu’elle fait <strong>en</strong> septembre<br />
2000. Et pas n’importe où : à Xintiandi,<br />
le nouveau quartier chic et cher de<br />
la ville, mélange de gastronomie<br />
occid<strong>en</strong>tale et d’architecture locale.<br />
« Mon part<strong>en</strong>aire a mis l’arg<strong>en</strong>t et<br />
j’ai pris <strong>en</strong> charge la gestion. C’était<br />
comme une nouvelle compétition, une<br />
nouvelle équipe à m<strong>en</strong>er. » Aujourd’hui,<br />
Yvonne Han est à la tête de Xinjishi, le<br />
nom d’une chaîne de onze restaurants<br />
de gastronomie shanghaï<strong>en</strong>ne, dont<br />
un à Pékin, Hongkong et Osaka.<br />
« Si c’était à refaire,<br />
je ne le referais pas. »<br />
<strong>Le</strong> reste apparti<strong>en</strong>t au passé. Presque<br />
oubliée la vie de <strong>sport</strong>ive de haut<br />
niveau durant les années 1980.<br />
Yvonne, Han Suqing <strong>en</strong> chinois, née<br />
à Shanghai <strong>en</strong> 1970, avait suivi le<br />
parcours classique. « Choisie dès le plus<br />
jeune âge pour être un champion »,<br />
comme elle dit. Sélectionnée à dix ans<br />
par l’Ecole professionnelle des Sports<br />
de Shanghai, elle est logée, nourrie<br />
et habillée. « J’étais intellig<strong>en</strong>te mais<br />
chétive. On m’a ori<strong>en</strong>tée sur un <strong>sport</strong><br />
que je ne connaissais pas : la version<br />
féminine du baseball. <strong>Le</strong>s mêmes<br />
règles avec une balle plus grosse et<br />
© Y. Han<br />
«<br />
Faire du business<br />
avec le <strong>sport</strong> est très<br />
difficile car tout est<br />
contrôlé par l’Etat.<br />
»<br />
plus molle. » Surdouée, Yvonne intègre<br />
à 15 ans, l’équipe s<strong>en</strong>ior de Shanghai<br />
avec laquelle elle devi<strong>en</strong>dra deux fois<br />
championne de <strong>Chine</strong>. Brillante dans<br />
les compétitions internationales, elle<br />
atteint la finale de la Coupe du monde<br />
junior <strong>en</strong> 1989 puis obti<strong>en</strong>t la médaille<br />
d’or aux Jeux asiatiques l’année<br />
suivante.<br />
« Si c’était à refaire, je ne le referais<br />
pas, jure-t-elle catégorique. Ce fut<br />
une <strong>en</strong>fance trop dure, avec huit<br />
heures d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t par jour. Je<br />
déconseillerai à mon fils ou ma fille<br />
le <strong>sport</strong> comme métier. » Yvonne n’a<br />
pas <strong>en</strong>core d’<strong>en</strong>fants. Elle est mariée<br />
à Jean-Pierre Dosse, anci<strong>en</strong> directeur<br />
général de l’Hôtel Four Seasons de<br />
Shanghai. Ses projets ? S’installer<br />
à Pékin pour ouvrir un deuxième<br />
restaurant à Sanlitun, la « rue des bars »<br />
la plus animée et la plus occid<strong>en</strong>talisée<br />
de la capitale. Devinez pourquoi : « Je<br />
veux être du business pour les Jeux<br />
Olympiques ! » • Joris Zylberman<br />
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