22SIXIÈME MANTRAYas tu sarvani bhutani Atman y’eva anupashyatiSarva bhuteshu c’Atman am tato na vijugupsateLe fait <strong>de</strong> reconnaître que vous partagez avec le mon<strong>de</strong> entier les mêmes instincts et lesmêmes pulsions matériellement et biologiquement, vous conduit à ne jamais manquer <strong>de</strong>respect pour quiconque.Celui qui perçoit que tous les objets et toutes les créatures sont contenus en lui etque lui-même est contenu dans tous les objets et créatures, ne souffre jamais dusentiment <strong>de</strong> manquer <strong>de</strong> respect, ou d’avoir <strong>de</strong> la répulsion pour quelqu’un ou quelquechose. C’est le sens littéral <strong>de</strong> ce mantra. (...)Nous <strong>de</strong>vons distinguer les mots voir, regar<strong>de</strong>r et percevoir. Lorsque vous êteséveillé, les choses sont vues par vous, pas tout à fait par vous mais par la vue contenueen vous. Vous pouvez ne pas vouloir les voir, ne pas aimer les voir, mais le mouvement<strong>de</strong> voir est une activité cérébrale involontaire. Vous ne voyez pas, elles sont vues. C’estun mouvement cérébral passif et involontaire, vous ne pouvez rien y faire, les yeux sontouverts et les choses sont vues, vous ne pouvez y échapper.Ensuite, il y a le mot regar<strong>de</strong>r. Vous regar<strong>de</strong>z quelque chose ou quelqu’un, vous lecherchez. Cela veut dire que vous utilisez la faculté <strong>de</strong> voir dans un but bien précis, avecune motivation. Peut-être voulez-vous rencontrer une personne, ou faire quelque choseavec elle, alors vous la cherchez ou vous cherchez un objet, vous avez faim et vouscherchez <strong>de</strong> quoi manger, vous avez soif et vous cherchez à boire, vous êtes fatigué etvous cherchez un endroit où vous reposer. Ainsi, regar<strong>de</strong>r est une activité <strong>de</strong> l’Ego, laconscience du Je, avec une motivation particulière. Il peut y avoir un besoin <strong>de</strong>rrièremais regar<strong>de</strong>r est conditionné par une motivation.Enfin, le troisième mot percevoir est l’utilisation <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> voir, non pourobtenir quelque chose en retour, mais pour comprendre, pour apprendre, pour découvrir.Ce n’est pas une activité qui cherche à acquérir quelque chose, elle est sans motivation<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’Ego. Le besoin irrépressible d’apprendre est le déploiement <strong>de</strong> l’Être, l’élanpour découvrir n’est pas contaminé par une quelconque motivation centrée ou basée surl’Ego. (...)<strong>Vimala</strong> traduit le mot pashyati utilisé dans le mantra par perception, percevoir etnon regar<strong>de</strong> ou voir. Celui qui perçoit que tous les objets et toutes les créatures sontcontenus en lui-même.Maintenant, quel est le sens du mot contenus. Un verre contient <strong>de</strong> l’eau, l’eau estséparé du verre, vous pouvez verser l’eau dans le verre, ou vous pouvez la jeter, c’est un<strong>de</strong>s sens <strong>de</strong> contenir. Bien sûr, vous et moi ne contenons pas la totalité du cosmoscomme le verre contient l’eau.Il y a un autre sens pour ce mot. Vous êtes en Italie, entouré par la mer, l’eau <strong>de</strong> lamer est évaporée sous la chaleur du soleil, elle prend la forme <strong>de</strong> vapeur, puis forme <strong>de</strong>snuages qui à leur tour inon<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> pluie la surface <strong>de</strong> la terre. Est-ce que la mer contientles nuages ? Sont-ils stockés dans la mer comme l’eau dans le verre ? Non. (...) Lesnuages sont le résultat d’une interaction entre la chaleur du soleil et l’eau <strong>de</strong> la mer. (...)Dans un certain sens, la pluie, les nuages sont contenus dans la mer ou l’océan mais, Traduction libre par Annie Grippari et Patrick Delhumeau <strong>de</strong> « GLIMPSES OF ISHAVASYA »
23d’un autre coté, ils n’y sont pas contenus car on ne peut les voir sous leur forme <strong>de</strong> pluieou <strong>de</strong> nuages.C’est comme une minuscule graine qui contient un arbre et que vous placez sousun microscope. Vous n’y verrez jamais la totalité <strong>de</strong> l’arbre avec ses branches, sesbourgeons, ses fleurs et ses fruits, même si l’arbre est potentiellement dans la graine. Lamer a le potentiel <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> l’eau douce, <strong>de</strong> prendre la forme <strong>de</strong> nuages et <strong>de</strong> pluietombant sur la terre assoiffée. (...)Le Sage dit que tous les objets, dont les 5 éléments bhutas, tout ce qui a pris forme,qui est matérialisé, qui a une solidité, une taille, une couleur, sont contenus en nous et quenous sommes contenus en eux.Le corps contient lumière, sons et o<strong>de</strong>urs. Il contient la matière. Des étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>physiologie nous disent que les os contiennent l’élément terre du cosmos, que le sangcontient l’élément eau, que la respiration contient le principe d’Agni ou élément feu, que lecorps contient akasha, l’espace. akasha – vayu – agni – apa – prithvi, Ces 5 élémentsmajeurs ou bhutas, ces cinq principes sont contenus dans le corps. (...)Dans le corps sont les instincts <strong>de</strong> sécurité, <strong>de</strong> survie, <strong>de</strong> continuité, <strong>de</strong> procréation- et les pulsions comme la faim, la soif, le sommeil. Tous les êtres humains les partagentau niveau biologique. (...)Toute l’histoire <strong>de</strong> la civilisation ou <strong>de</strong> la culture humaine est celle duconditionnement <strong>de</strong> la part animale <strong>de</strong> l’humain en civilisant ses pulsions <strong>de</strong> base. Lesêtres humains ont créé le concept <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la femme, <strong>de</strong> la mère et du père. Lespulsions <strong>de</strong>meurent les mêmes, mais on les a enrichies en leur greffant <strong>de</strong>s concepts. Lesêtres humains vivent au niveau <strong>de</strong>s perceptions et aussi au niveau <strong>de</strong>s concepts. Ces<strong>de</strong>ux niveaux ne sont pas séparés. Les concepts ont été incorporés, intégrés au mon<strong>de</strong><strong>de</strong>s perceptions <strong>de</strong> sorte que nous ne pouvons pas percevoir sans utiliser un concept.Prenons l’exemple du mot maman qui réveille notre système neuro-chimique comme lefont les mots mon frère, mon fils, ma famille, mon pays, ma communauté. Voyez-vouscomment les conditionnements ont raffiné, sublimé, sophistiqué la matière brute que lanature nous a offerte ?Tous ces conditionnements, <strong>de</strong> la société tribale à la plus évoluée, ont été transmisà travers l’héritage biologique et psychologique, d’une génération à l’autre. Vous et moi lespartageons avec la race humaine toute entière. Que nous soyons Japonais ou Russe, unemère est une mère et ses sentiments envers son enfant sont les mêmes. L’amour entre unmari et sa femme, les sentiments qu’ils éprouvent l’un envers l’autre, leur besoin <strong>de</strong>partager, leur impression <strong>de</strong> s’appartenir l’un l’autre, tout cela nous le partageons avec lemon<strong>de</strong> entier. (...) De même, l’agressivité et la violence s’expriment <strong>de</strong> la même manièrepartout.Rappelez-vous que les Voyants <strong>de</strong>s <strong>Upanishad</strong>s et du Veda ne sont pas <strong>de</strong>sphilosophes, mais partagent avec nous leurs perceptions et nous disent ici <strong>de</strong> manièrefigurative que je contiens le mon<strong>de</strong> entier et que le mon<strong>de</strong> entier me contient. L’illusion <strong>de</strong>la séparation, l’illusion d’avoir une i<strong>de</strong>ntité séparée, d’être une entité séparée du reste et<strong>de</strong>vant être préservée, est mal venue et non scientifique.Nous avons vu que le mot pashyati dans la première ligne, veut dire percevoir,connaître. Le mot anupashyati signifie voir, percevoir une secon<strong>de</strong> fois, reconnaître.Percevoir et puis reconnaître qu’il n’y a pas <strong>de</strong> séparation, qu’il n’y a pas d’entité séparée,que nous sommes juste Un, avec les mêmes instincts, les mêmes pulsions etconditionnements, que nous avons le même attirail <strong>de</strong> pensées et d’émotions, <strong>de</strong>sentiments, <strong>de</strong> réactions, les mêmes modèles <strong>de</strong> valeurs, qu’est-ce que cela apporte àl’être humain ? Traduction libre par Annie Grippari et Patrick Delhumeau <strong>de</strong> « GLIMPSES OF ISHAVASYA »