16MP2013Picasso,précurseur de la céramiquecontemporainePicasso céramiste et la méditerranée est lefruit du mariage exceptionnel <strong>en</strong>tre la Chapelledes Pénit<strong>en</strong>ts noirs d’Aubagne et leMusée national de la céramique de Sèvres.En effet les deux villes sont sur un territoirecommun : celui de la «terre».Mais l’événem<strong>en</strong>t est double, puisqu’il donneaussi le coup d’<strong>en</strong>voi du Grand atelierdu Midi (13 juin-13 octobre), exposition diptyquecompr<strong>en</strong>ant De Van Gogh à Bonnardau musée des Beaux-arts de Marseille etDe Cézanne à Matisse au musée Granet àAix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce, à laquelle s’associe RaoulDufy, de Martigues à l’Estaque au muséeZiem à Martigues. Ce parcours inédit débuteradonc le 27 avril, dans le nouveau c<strong>en</strong>tred’art aubagnais, chapelle patrimoniale dev<strong>en</strong>ueun bel espace muséal contemporain.L’histoire de Picasso céramiste est particulière: elle s’ancre à la fois à Sèvres, où il futinvité par des artisans catalans dans lesannées 1936/38, et à Vallauris où il fit desexpéri<strong>en</strong>ces singulières, d’ordre artisanal etintime, plongeant dans le geste et le contactavec la matière après la Seconde Guerremondiale. Pour évoquer cette productionmarquée par l’obsession méditerrané<strong>en</strong>ne,les commissaires d’exposition JoséphineMatamoros 1 et Bruno Gaudichon 2 ontopté pour une démarche pédagogique. Etconçu une exposition à caractère patrimonialqui mêle sources antiques (prêts duLouvre), vaisselles produites à Vallauris (oucomm<strong>en</strong>t l’artiste s’<strong>en</strong> empare), évoque laprégnance de la tauromachie, du drameespagnol, de la figure du faune, et expliquecomm<strong>en</strong>t la céramique a nourri l’imaginairepictural et sculptural de Picasso. Aussiles pièces, pour la plupart inédites, sontelles<strong>en</strong>richies de matrices et de modèlesanci<strong>en</strong>s qui sont autant de référ<strong>en</strong>ts deson travail. Plats <strong>en</strong> terre cuite à décorpeint à l’émail, vases à col évasé <strong>en</strong> terrecuite rouge, gravée et peinte à l’<strong>en</strong>gobe,plaque rectangulaire <strong>en</strong> terre cuite et autresTanagras <strong>en</strong> terre cuite blanche tournée etmodelée témoign<strong>en</strong>t de son appét<strong>en</strong>cepour la terre sous toutes ses formes, etpour les couleurs révélées à la cuisson :«Ce qui est formidable pour Picasso, souligneBruno Gaudichon, c’est la part derisque cont<strong>en</strong>ue dans la céramique». Cettepart de risque qui fait que Picasso a toutt<strong>en</strong>té, ouvrant la voie aux artistes d’aujourd’huipar cette production d’objets quin’est pas accessoire dans son œuvre depeintre, mais une forme ess<strong>en</strong>tielle de sonesthétique.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI1Conservatrice honoraire du Patrimoine2Directeur du musée d’art et d’industrie AndréDilig<strong>en</strong>t - La Piscine à Roubaixdu 27 avril au 13 octChapelle des Pénit<strong>en</strong>ts noirs-c<strong>en</strong>tre d’art,Aubagnewww.picasso2013.comChouette sur tête de faune 9-3-61 Vase zoomorphe dessiné par Picasso, terre cuite blanche (élém<strong>en</strong>ts tournés, modelés et assemblés), peinte auxoxydes et à l’<strong>en</strong>gobe, sous couverte partielle 58 x 48 x 40 cm. Pièce unique. Coll. part. © Successions Picasso 2012 © Maurice AeschimannP<strong>en</strong>ser, oublier, jouir, partir, neons et transformateurs, Nicolas Gilly et Laur<strong>en</strong>t Le Forban, 2013Vies de château22 artistes marseillais sont <strong>en</strong> escaleau Château de Servières pour un retour auxorigines place des Compagnons Bâtisseurs.Entre nostalgie et petits bonheursL’expéri<strong>en</strong>ce aura duré près de vingt ans. De 1988 à2006, le c<strong>en</strong>tre social installé dans la Bastide desquartiers nord sous l’impulsion de Régine Dottoriexpérim<strong>en</strong>tait un espace d’art contemporain intégré àsa mission auprès des habitants. Sur le principe d’unegalerie associative ouverte aux artistes de Marseilleet sa région, après la fermeture du c<strong>en</strong>tre, celle-ci atrouvé refuge boulevard Boisson dans les Ateliers dela ville de Marseille toujours sous la direction de MartineRobin. Le Mythe du retour signe donc un comeback temporaire aux origines avec les artistes quifréqu<strong>en</strong>tèr<strong>en</strong>t le lieu sur les hauteurs de la ville, alorsque la directrice ambitionne une programmationspécifique pour la suite de cette année 2013.Dans la variété des propositions nous retrouvons desœuvres anci<strong>en</strong>nes et plusieurs réalisées pour cet évènem<strong>en</strong>t,interpelant le plus souv<strong>en</strong>t les dim<strong>en</strong>sions dutemps et du voyage. Marc Quer disperse valises etautres objets délaissés, le train de Koki Watanabétourne <strong>en</strong> rond <strong>en</strong> traversant les murs… P<strong>en</strong>ser, -, jouir,partir de Nicolas Gilly et Laur<strong>en</strong>t Le Forban suggèreun rev<strong>en</strong>ir avec un brin de nostalgie. Celle-ci relèveraitd’une double portée : le retour (nostos) allié à la douleur(albos) dont nous aurions ret<strong>en</strong>u surtout le premierdans l’inquiétude du déracinem<strong>en</strong>t 1 .À l’autre bout de la ville Miguel Palma restructurant<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t les ateliers Boisson <strong>en</strong> un labyrinthetranspercé de projections lumineuses (issues d’unerésid<strong>en</strong>ce avec Voyons Voir) s’ingénie à perdre levisiteur à travers un théâtre de l’errance <strong>en</strong>tre visibleet aveuglem<strong>en</strong>t.Ulysse rejoint Dédale. Souhaitons-leur un bon retour.CLAUDE LORIN1La Nostalgie, Barbara Cassin, Ed Autrem<strong>en</strong>t, 2013Le mythe du retourjusqu’au 29 juinChâteau de Servières, La Bastide, Marseille04 91 85 42 78www.chateaudeservieres.org
Forcém<strong>en</strong>tmonum<strong>en</strong>tal !Pour sa première exposition à Marseille, Désordre,Bernar V<strong>en</strong>et a choisi les jardins verdoyants du Pharosur fond de ciel et de mer. Bleu de préfér<strong>en</strong>ce.<strong>Zibeline</strong> : En quelques mots, quelle est lag<strong>en</strong>èse de cet imposant Désordre ?!Bernar V<strong>en</strong>et : L’histoire a comm<strong>en</strong>cé lorsquej’ai découvert l’esplanade du David : j’ai faitquelques photos et je me suis dit que ce seraitbi<strong>en</strong> de faire un jour une exposition à Marseille.C’était bi<strong>en</strong> avant la capitale europé<strong>en</strong>ne de laculture… Et puis l’association l’Art pr<strong>en</strong>d l’air 1est v<strong>en</strong>ue me voir <strong>en</strong> m’expliquant son projetd’exposition collective. Je n’étais pas contre,mais j’avais déjà l’idée d’une exposition degroupe de mes sculptures ! On travaille <strong>en</strong>sembledepuis quatre ans et finalem<strong>en</strong>t on y est :c’est l’installation.Sur quels critères avez-vous choisi les jardinsdu Pharo ?Entre-temps, j’ai visité plusieurs lieux avecJuliette Laffon 2 , certains étai<strong>en</strong>t trop éloignés,d’autres n’étai<strong>en</strong>t pas parfaits. Un jour, j’aitrouvé qu’ici c’était l’idéal parce que surélevé etBernar V<strong>en</strong>et au Palais du Pharo a l'occasion de la depose de son oeuvre Desordre © Flor<strong>en</strong>ce Loussier - L'Art pr<strong>en</strong>d l'airqu’il y a deux couleurs, le bleu et le vert.Et l’architecture j’imagine !Comme vous le voyez toutes mes œuvres sont<strong>en</strong> courbe, et, au contraire de cette architecturetellem<strong>en</strong>t symétrique et géométrique, j’aitravaillé sur le désordre. Ce contraste est trèsintéressant car j’ai abandonné l’idée de prés<strong>en</strong>terplusieurs pièces, il y a une seule installationcomposée de douze groupes d’arcs.Après le repérage, avez-vous réalisé des croquisou de nouvelles photos ?J’ai fait quelques photos montages uniquem<strong>en</strong>tà l’att<strong>en</strong>tion des décideurs de la Ville qui avai<strong>en</strong>tdes responsabilités par rapport à mon projet.Et quand je suis rev<strong>en</strong>u, j’ai p<strong>en</strong>sé à une installationphysique qui ti<strong>en</strong>ne l’espace : <strong>en</strong> réalité, cesont trois œuvres séparées que j’ai mises<strong>en</strong>semble pour créer une œuvre unique.Pourquoi exposer dans un espace public aussiaccessible que l’on peut <strong>en</strong>jamber les arcs oumême s’asseoir dessus ?Exposer des œuvres c’est l’objectif numéro un.Dans un musée c’est formidable, mais il y aussiune autre réalité : mes sculptures sont monum<strong>en</strong>taleset se prêt<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> à l’espace public.Je crois que l’art doit être montré à tout lemonde : certains y seront allergiques, d’autresles trouveront peut-être intéressantes. Un jourils tomberont sur un livre ou un article et appr<strong>en</strong>drontce qu’est la sculpture moderne. Enfin, lami<strong>en</strong>ne.Après Versailles, Le Pharo : c’est la même manièred’appréh<strong>en</strong>der les deux projets ?C’est à peu près pareil. À Marseille je suis lepremier à exposer dans ce lieu qui s’y prête vraim<strong>en</strong>t.Mais Versailles a un tel prestige qu’il n’apas le même impact : on a eu 6 millions devisiteurs, c’est énorme ! Chaque <strong>en</strong>droit a sonintérêt et Marseille est la grande ville d’unerégion où je suis né et où je vis, je suis donc ravid’y exposer. C’est important pour moi.PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLIÀ découvrir jusqu’au 27 septembrehttp://www.lartpr<strong>en</strong>dlair.fr1Françoise Bunan et Flor<strong>en</strong>ce Loussier2Commissaire de l’exposition Ici, ailleursà la Tour-Panorama de la Friche la Belle de mai(12 janvier/31 mars)17MP2013