Babel Med,l’adoubem<strong>en</strong>tpopulaire16 000 spectateurs ont <strong>en</strong>vahiles 4 espaces pour découvrir36 formations issues de 45 pays28La 9 e édition du forum marseillais des musiquesdu monde confirme la curiosité d’un publicgrandissant. À se demander si Babel Med Musicne serait pas <strong>en</strong> train de dev<strong>en</strong>ir une deuxièmeFiesta des Suds. Nos coups de cœur.Mashrou’ Leila. Au-delà d’un charisme déroutant,le leader de ce groupe libanais inv<strong>en</strong>teun rock indie qui assume les influ<strong>en</strong>ces occid<strong>en</strong>tales(jazz, blues, funk) d’une jeunesseproche-ori<strong>en</strong>tale habitée par la soif de vivre etla révolte. À suivre.Baloji. Ce Congolais de Belgique, tantôt croonertantôt slameur, a <strong>en</strong>sorcelé le public avec sarumba congolaise aux acc<strong>en</strong>ts afro-funk, hiphopet soul. Le mélange de likembés, balafonset guitares électriques crée un univers spatiotemporelindéfini.Ablaye Cissoko et Volker Goetze. L’un à lakora, l’autre à la trompette, ce mariage afro-europé<strong>en</strong><strong>en</strong>tre free jazz et musique mandingueest un dialogue de sonorités, tout <strong>en</strong> murmures.Taksim trio. Sur des bases très traditionnelles,la clarinette de Hüsnü S<strong>en</strong>l<strong>en</strong>dirici, accompagnéed’un quanûn et d’un luth baglama useavec grâce d’improvisations flirtant avec lejazz, et nous rappelle la nature hybride d’uneTurquie refusant de choisir <strong>en</strong>tre Ori<strong>en</strong>t etOccid<strong>en</strong>t.Mohammad Motamedi. Bercé par la musiquesavante persane, ce jeune prodige irani<strong>en</strong> r<strong>en</strong>ouvellela tradition millénaire du radif qu’il chanteavec modernité et exaltation.Mariem Hassan. Une voix <strong>en</strong>voûtante, un <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t-celui de la lutte pour l’indép<strong>en</strong>dancedu Sahara Occid<strong>en</strong>tal-, cette chanteuse de bluesmandingue émeut par le lancinem<strong>en</strong>t de ses complaintespartagées <strong>en</strong>tre joie et déchirem<strong>en</strong>t.Coetus. Emm<strong>en</strong>é par Eliseo Parra, ce grand orchestrede percussions ibériques (panderoscuadrados, cajas, tamboris, pandereta, tabal, chicot<strong>en</strong>)donne vie une à un patrimoine musicalespagnol inédit <strong>en</strong> réunissant dans une mêmeformation des instrum<strong>en</strong>ts traditionnels derégions différ<strong>en</strong>tes habituellem<strong>en</strong>t utilisés demanière séparée.The Alaev Family. Trois générations de musici<strong>en</strong>squi font vivre la culture tadjik <strong>en</strong> Israël.Une musique frénétique sous forme d’éloge dela fête qui met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre lessonorités ottomane, indi<strong>en</strong>ne et tsigane.Tiloun / Gr<strong>en</strong> Seme. En programmant deux groupesde La Réunion, Babel Med a pris le pari demontrer la mutation <strong>en</strong> cours dans ce coin del’Océan Indi<strong>en</strong>. Imprégnés de maloya, épurépour l’un, évolutif pour l’autre, Tiloun et Gr<strong>en</strong>Seme se rejoign<strong>en</strong>t sur la prise <strong>en</strong> compte desMUSIQUEYou say «Watt» !Mashrou' Leila © X-D.Rproblématiques de la société réunionnaised’aujourd’hui.Wanlov and the Afro Gypsy Band. Si, musicalem<strong>en</strong>t,le résultat n’est pas convaincant, leconcept est assez inédit. Né d’une mère roumaineet d’un père ghané<strong>en</strong>, le très «looké»Wanlov et son african gypsy music assembl<strong>en</strong>thip life (son ghané<strong>en</strong> mêlant highlife, rap etdance hall), tambours africains et violons deTransylvanie. Une audace qui lui a valu le prixMondomix 2013.Hoba Hoba Spirit. Ceux que l’on surnomme les«Clash marocain» pour leur verve contestataireséviss<strong>en</strong>t depuis une quinzaine d’années.Bêtes de scène, les Hoba Hoba associ<strong>en</strong>t rock,sonorités urbaines et ganouis, français, arabeet anglais.Les créations Watt. Propositions de MP2013,ces résid<strong>en</strong>ces nous auront laissés sur notrefaim. Explorant des pistes certes intéressantes(particulièrem<strong>en</strong>t les cuivres et beatboxers de«Watt a nine brass room» et la transe urbainede «Wilaya 49»), les projets <strong>en</strong>tre artistes marseillaiset d’autres rivages de la Méditerranéese sont révélés inaboutis. THOMAS DALICANTEBabel Med Music a eu lieu du 21 au 23 marsau Dock des Suds, MarseilleSadat et MC Amin, 100COPIES Studio, Le Caire 2012 © X-D.RBabel Med, ses r<strong>en</strong>contres, ses créations,ses découvertes, échappe un soir à Marseillepour une escapade au Bois de l’Auneà Aix avec le luxe de deux concerts <strong>en</strong> unesoirée : deux univers différ<strong>en</strong>ts, mais animéspar la même fougue, une incontestablequalité musicale, et une même abs<strong>en</strong>cetotale de femmes. Un plateau de cuivres derêve avec les Nine spirit accompagnés parles quatre beatboxers d’Under Kontrol, championsdu monde de leur discipline, véritablesbatteries humaines qui s’emport<strong>en</strong>t dans desimprovisations stupéfiantes et rythm<strong>en</strong>t leconcert avec un tempo de métronome. Lessolos des trombonistes, trompettistes, saxophonesse mêl<strong>en</strong>t aux compositions virtuosesde Cyril B<strong>en</strong>hamou et de Raphaël Imbert. Àcela, ajoutez une guitare et des claviers, del’humour, le bonheur palpable de faire de lamusique <strong>en</strong>semble, avec un blues <strong>en</strong> hommageà Martin Luther King, le Hip Hop des Kidspour lequel la salle bondée s’<strong>en</strong>flamme, ou,annonçant la performance suivante, le grandtube Égypt Strut de Salah Ragab, aux accordsori<strong>en</strong>talisants. Le jazz, langage dev<strong>en</strong>u universel,intègre les modes des musiques actuelles,leur apportant son esprit de liberté.La fête musicale se poursuit sur un autre modeavec Zamalek, eux aussi <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce à l’initiativede MP2013. Les nappes sonores desguitares soulign<strong>en</strong>t la poésie de la flûte deLaïth Suleiman, la guitare superbe de JeffKellner, le phrasé expressif de Amin (El Général)et Sadat, deux «icones» de la jeunesseégypti<strong>en</strong>ne, pour la première fois <strong>en</strong> France,<strong>en</strong>tre rap, hip hop, dub. Ahmad Compaoré àla batterie et percussions sait fondre lesinflu<strong>en</strong>ces du jazz, du rap de l’électro-chaabi<strong>en</strong> un tout cohér<strong>en</strong>t et inv<strong>en</strong>tif. Masculin ?MARYVONNE COLOMBANILe 21 mars Bois de l’Aune Aix
Camus<strong>en</strong> lame defondAbd Al Malik dit avoir trouvéchez Camus «un grand frère» etress<strong>en</strong>ti le même «élan dans lafaçon d’habiter l’écriture». Comm<strong>en</strong>tne pas voir qu’ils partag<strong>en</strong>tla même brûlure quand il slame«le soleil est un royaume tragique»? Dans L’art et la révolte,le rappeur s’est réapproprié L’<strong>en</strong>verset l’<strong>en</strong>droit <strong>en</strong> injectant <strong>en</strong>treles nouvelles des textes de sonmeilleur cru. Mais le spectacle n’estpas une lecture mise <strong>en</strong> espace,c’est une forme hybride qui ti<strong>en</strong>tdu tour de chant, du concert derap mâtiné de jazz et d’électropop, de la déclamation poétiqueet théâtrale. Gibraltar, titre ambiguqui fait l’apologie du retour aupays, trouve ici un écho poignant :«parce qu’on a la Méditerranée <strong>en</strong>L'art et la revolte © Agnes MellonGarcia-Fons donne des ailes à son instrum<strong>en</strong>t imposant,lorsque sa contrebasse se fait violon, guitare,percussion, traverse tous les styles, du baroque auflam<strong>en</strong>co, <strong>en</strong> passant par le jazz, le rock. La musiquer<strong>en</strong>aît, décloisonnée, vivante, populaire et pourtantsi savante de sci<strong>en</strong>ces diverses… La variété des timbres,des improvisations, est mue par une virtuositécharnelle. R<strong>en</strong>aud Garcia-Fons (Deutscher MuzikPreisJazz du meilleur instrum<strong>en</strong>tiste international 2010et 2011 !) crée son style propre <strong>en</strong> croisant mille influ<strong>en</strong>ces,pari osé avec sa seule contrebasse à 5cordes. Fort de ses origines catalanes, il transmet avecfougue, grâce, exig<strong>en</strong>ce, une musique puissante ets<strong>en</strong>suelle. Au Théâtre des Salins, il a donné un merveilleuxrécital, tiré de l’extraordinaire album soloThe Marcevol Concert : invitation au voyage imaginaire,de la Catalogne (Marcevol évoquant ce Prieuré<strong>en</strong> pays catalan) à l’Iran d’Ostad Elahi Sheikh Amiris,le maître irani<strong>en</strong> du tambûr, <strong>en</strong> passant par hommageà Atahualpa Yupanki, jusqu’à Pilgrim qui nousramène <strong>en</strong> Irlande. On ferme les yeux, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dPaco de Lucia, Piazzolla, Savall, Grappelli, Alan Stivell,partage, j’ai écrit Gibraltar» ; LesChutes, interprété au piano parMichael Karagozian, est accompagnépar le danseur Miguel Nosibor,décevant par sa prestation fragile.Mais c’est surtout musicalem<strong>en</strong>tque L’art et la révolte reste peuinv<strong>en</strong>tif, le gros son hyperpulsédominant dans la première partirhip hop comme dans la deuxièmeplus soul… De fait l’originalité duprojet, et sa réussite, est de faire<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre à toutes les générationsla langue <strong>en</strong>gagée de l’écrivain etla si<strong>en</strong>ne, effilée comme une lameContrebasse nomadeNguyên Lê, Doudou N’Diaye, Ray Brown… ! Pourtantles samples qui sort<strong>en</strong>t des hauts parleurs sont issusde sa seule contrebasse, gérés par l’artiste au sol: arco,pizzicato, col legno, appuis percussifs commeun djembé sur la table : impressionnant ! Et dire quep<strong>en</strong>dant des déc<strong>en</strong>nies on associait la contrebasseà l’Eléphant de Camille Saint-Saëns !YVES BERGÉR<strong>en</strong>aud Garcia-Fonss’est produit au ThéâtreLes Salins, Martigues,le 16 marsIl était aussi programméà Grasse, dans le cadredes Musiques Sacrées duMonde, dans Le Cantiquedes cantiques,le 24 marsde couteau. Il explose, susurre,<strong>en</strong>rage «qu’il n’y a pas d’amour devivre, non, sans désespoir (des espoirs?) de vivre…». Poignant quandil évoque sa mère, son quartier,ses origines, il est lui aussi unhomme révolté.MARIE GODFRIN-GUIDICELLIL’art et la révolte a été crééle 12 mars au Grand Théâtre deProv<strong>en</strong>ce, Aix, <strong>en</strong> tournée auThéâtre Liberté à Toulonle 19 mars et au Théâtre deCavaillon le 22 marsR<strong>en</strong>aud Garcia-Fons © X-D.RJeu sansfrontièresDepuis une tr<strong>en</strong>taine d’années, lemétissage, la fusion des styles…sont dev<strong>en</strong>us une constante stylistiquedans la musique, aussibi<strong>en</strong> «savante» que «populaire» :Steve Turre dans l’album Rhythmwithin, ou <strong>en</strong>core Kronos Quartetdans le CD Pieces of Africa <strong>en</strong> sontquelques représ<strong>en</strong>tants. En concertau Forum de Berre l’Etangle 22 mars, le World Kora Trio,composé du compositeur et violoncellisteélectrique américainEric Longsworth, du batteur etpercussionniste aux doigts de féeJean-Luc Di Fraya, et du virtuosemali<strong>en</strong> à la Kora Cherif Sourano,ont distillé une musique vivante,rythmée, inspirée, riche <strong>en</strong> couleurs,mêlant inspirations de lamusique traditionnelle d’Afriquede l’Ouest et compositions originales.Construites sur des élém<strong>en</strong>tssimples, ostinatos mélodico-rythmiques,grounds… ces pièces,d’obédi<strong>en</strong>ce modale, fur<strong>en</strong>t l’occasionpour ces musici<strong>en</strong>s quirespir<strong>en</strong>t la joie de vivre et l’<strong>en</strong>viede transmettre leur art, de transc<strong>en</strong>derce matériau et d’<strong>en</strong> tirer laquintess<strong>en</strong>ce pour am<strong>en</strong>er le publicà un état de transe. Jubilatoire !CHRISTOPHE FLOQUET29MUSIQUERetrouveZ sur notre site ces critiques musique et découvreZ les autres !- Ouverture Aves le Temps- Mai-diterrané, au fil des voix au Toursky-Sébasti<strong>en</strong> Tellier à Six-Fours- Wax Tailor au Moulin-Réouverture de l’Intermédiaire-Radio Babel à la Cité de la musique-festival Indo-persan à la Mèson-Robin Mac Kelle au Gymnasewww.journalzibeline.fr