68LIVRESLes vies d’IdrissParmi les nombreux artistes invités lon. Un texte volontairem<strong>en</strong>t désolidarisédes images, comme dans leau dernier Week-<strong>en</strong>d Made in Friche,il y avait Arno Bertina, v<strong>en</strong>u livre. Car, insiste Bertina, «le texteprés<strong>en</strong>ter Numéro d’écrou 3<strong>62</strong>573 n’est pas là pour souligner ; les photostout juste paru aux éditions du bec ne sont pas là pour illustrer». Les<strong>en</strong> l’air. Bertina est un habitué des deux voix diverg<strong>en</strong>tes se complèt<strong>en</strong>tlieux : il a été récemm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ced’auteur à La Marelle et c’est terrain. Le travail docum<strong>en</strong>taire<strong>en</strong> ne jouant pas sur le mêmele quatrième ouvrage auquel il collaboreavec Fabi<strong>en</strong>ne Pavia au sein taires dont elle accompagne sesd’Anissa Michalon et les comm<strong>en</strong>-de la collection Collatéral, une photos mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce lacollection que <strong>Zibeline</strong> suit depuis viol<strong>en</strong>ce subie par les migrants,longtemps et qui associe texte et soumis à la double pression de leursphotographie (voir la chronique de familles restées au pays (une vingtainede personnes viv<strong>en</strong>t deLit national, p. 74). Numéro d’écrou3<strong>62</strong>573 est né du travail de longue l’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong>voyé par un travailleurhaleine que la photographe Anissa émigré) et du pays dans lequel ilsMichalon a m<strong>en</strong>é auprès de l’importantecommunauté mali<strong>en</strong>ne de papiers, condamnés à l’évitem<strong>en</strong>tarriv<strong>en</strong>t (la plupart sont sansMontreuil. Elle a photographié les perpétuel des contrôles, à des tâcheshommes dans les foyers de la banlieueparisi<strong>en</strong>ne ; elle a égalem<strong>en</strong>t vie précaires). Bertina montre luisous-payées et à des conditions deeffectué plusieurs voyages au Mali, aussi ce désarroi et la s<strong>en</strong>sation derapportant des clichés de leurs plus <strong>en</strong> plus prégnante d’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>tdans laquelle s’<strong>en</strong>lise levillages, de leurs familles restées aupays, des maisons imposantes que migrant. Mais <strong>en</strong> plaçant Idriss auleur arg<strong>en</strong>t si difficilem<strong>en</strong>t gagné cœur de la fiction, il lui donne lapermet de construire là-bas. C’est parole. L’occasion, <strong>en</strong>fin, de dev<strong>en</strong>irainsi qu’elle a fait la connaissance sujet de son histoire, et pas seulem<strong>en</strong>tun numéro d’écrou.d’Idriss, dont le livre relate l’«histoiretragiquem<strong>en</strong>t exemplaire», FRED ROBERTcomme l’a rappelé Arno Bertina audébut de la r<strong>en</strong>contre. Arno Bertina La r<strong>en</strong>contre avec Arno Bertina auet Anissa Michalon se sont connus Week-<strong>en</strong>d Made in Friche a eu<strong>en</strong> 2004, leur projet a germé assez lieu le 16 mars,vite, mais jusqu’<strong>en</strong> 2009-2010, il ne à Marseillesavait pas quelle forme donner àson récit. C’est à Alger qu’il a eu leNuméro d’écroudéclic ; l’hospitalité algéri<strong>en</strong>ne est3<strong>62</strong>573d’ailleurs dev<strong>en</strong>ue un des leitmotiveArno Bertinadu court roman qu’il a imaginé(texte), Anissaautour d’un Idriss fictif dev<strong>en</strong>u narrateur.Dans un Petirama plongé(photographies)Michalondans l’obscurité, la r<strong>en</strong>contre s’estLe bec <strong>en</strong> l’air,déroulée <strong>en</strong> deux temps. P<strong>en</strong>dantcollectionune tr<strong>en</strong>taine de minutes, Bertina aCollatéral,lu des extraits de son texte, avant de14,90 €laisser «parler» les photos de Micha-Arno Bertina © Charlotte Dup<strong>en</strong>loupEmmanuel Lepage à Marseille © X-D.RMaître improvisateurAussi loin qu’il s’<strong>en</strong> souvi<strong>en</strong>ne, il a toujours voulu faire de labande dessinée. Alors, depuis plus de vingt-cinq ans, il écrit etdessine des histoires. On lui doit, <strong>en</strong>tre autres, La terre sans mal,les deux tomes de Muchacho, Alex Clém<strong>en</strong>t est mort (dont l’actionse déroule à Marseille), ainsi que deux Fragm<strong>en</strong>ts d’un voyage,Brésil et America, parus au début des années 2000. Mais c’estpour son magnifique Voyage aux îles de la désolation qu’EmmanuelLepage était de passage <strong>en</strong> mars à Marseille. Cet albumédité <strong>en</strong> 2011 est <strong>en</strong> effet <strong>en</strong> lice pour la sélection BD du Prixlittéraire des lycé<strong>en</strong>s et appr<strong>en</strong>tis de la région PACA. Lepage était àce titre invité au lycée Périer puis à la librairie La réserve àbulles. Répondant aux questions de Richard G, il a d’abordrappelé la g<strong>en</strong>èse du projet qui lui a permis d’embarquer sur leMarion Duquesne à destination des TAF (Terres AustralesFrançaises), d’<strong>en</strong> rev<strong>en</strong>ir avec des dessins, des croquis, sortes d<strong>en</strong>otes graphiques, et de réaliser ce «livre hybride qui s’est construitau fur et à mesure» <strong>en</strong> moins de six mois, dans un état de «jubilation»int<strong>en</strong>se. Pourquoi tant de plaisir et une telle rapiditéd’exécution ? Parce qu’il a lâché la bride à son désir d’improvisation.Parce qu’il a accepté de travailler «sur une matière <strong>en</strong>perpétuel mouvem<strong>en</strong>t». Parce qu’il a trouvé dans cet album la justedistribution <strong>en</strong>tre les dessins exécutés p<strong>en</strong>dant l’expédition (etinsérés sans retouches) et le rythme narratif d’une véritablehistoire <strong>en</strong> images. De fait, cette BD docum<strong>en</strong>taire est <strong>en</strong>coreplus foisonnante qu’un carnet de voyage. Variété des techniques(lavis, pastel, crayon gras, <strong>en</strong>cre, aquarelle…) et des cadrages (dela simple vignette noir et blanc à l’illustration double pagecouleurs), organisation dynamique et souv<strong>en</strong>t surpr<strong>en</strong>ante desplanches, c’est une superbe odyssée de l’image que ce maîtredessinateur offre au lecteur. Il revi<strong>en</strong>t tout juste d’un voyage dedeux mois <strong>en</strong> Antarctique. On espère déjà l’opus à v<strong>en</strong>ir.F.RLa r<strong>en</strong>contre à La réserve à bulles a eu lieu le 19 marsVoyage aux îles de la désolationEmmanuel LepageFuturopolis, 24,40 €(album sélectionné pour le Prix littérairedes lycé<strong>en</strong>s et appr<strong>en</strong>tis de la régionPACA)Voir sur www.journalzibeline.frla chronique Un printemps à Tchernobyl,du même auteur
Jusqu’au boutde la nuit…… <strong>en</strong> toute liberté : de partir, de s’<strong>en</strong>dormir surun conte et se réveiller sur un autre. Dans lesméandres des Mille et une nuits, flux d’histoires<strong>en</strong>châssées dans lequel il pioche librem<strong>en</strong>t, etauquel il a soin d’ajouter quelques av<strong>en</strong>tures deNasreddine, et des anecdotes personnelles, JihadDarwiche, conteur d’origine libanaise que leshabitués de La Baleine qui dit «Vagues» connaiss<strong>en</strong>tbi<strong>en</strong>, a ouvert La nuit du conte proposéeà La Criée dans le cadre du caravansérail d’AliBaba. Une nuit blanche à savourer les histoiresde Shéhérazade, portées par la voix inspirée duconteur, son acc<strong>en</strong>t délicieux et son s<strong>en</strong>s durythme répétitif, cyclique. Sur le flot <strong>en</strong>sorcelantde sa parole, on se laisse voguer et les sessionsd’une heure tr<strong>en</strong>te fil<strong>en</strong>t. Des quelque c<strong>en</strong>t soixantespectateurs de tous âges, plus du quart ontpassé la nuit dans le petit théâtre, dont la scènes’est peu à peu transformée <strong>en</strong> salon ori<strong>en</strong>tal avectapis, coussins, poufs, afin d’accueillir confortablem<strong>en</strong>tles <strong>en</strong>ragés d’histoires. Jusqu’à septheures du matin ils sont restés. Quant au conteur,il adore ce g<strong>en</strong>re de performance. Il auraitmême, dit-on, le projet d’organiser sept nuitsJihad Darwiche © Tomasz Myslukblanches consécutives. Une semaine <strong>en</strong>tière dansles contes ? Une histoire à suivre…FRED ROBERTLa nuit du conte s’est déroulée le 23 marsà La Criée (Marseille), <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avecLa Baleine qui dit «Vagues»69LIVRESQuand une <strong>Zibeline</strong> croiseune Baleine…Créée <strong>en</strong> 1996, La Baleine qui dit «Vagues» estdésormais incontournable pour qui s’intéresseaux arts de la parole. Salle de spectacles, lieu derésid<strong>en</strong>ce, c<strong>en</strong>tre de ressources, elle n’<strong>en</strong> finit pasde grandir et d’évoluer, allant souv<strong>en</strong>t nager dansd’autres eaux. Pour que ce g<strong>en</strong>re prét<strong>en</strong>dum<strong>en</strong>tmineur et destiné aux <strong>en</strong>fants soit mieux connude tous les publics. Car, comme le dis<strong>en</strong>tElisabeth et Laur<strong>en</strong>t Daycard, «le conte apportedes leçons mais ne les impose pas» et chaquerelecture «répond à nos questions du mom<strong>en</strong>t».<strong>Zibeline</strong> : Vous v<strong>en</strong>ez d’organiser une nuit duconte à La Criée. Sortez-vous souv<strong>en</strong>t de votreespace du Cours Juli<strong>en</strong> ?La Baleine : De plus <strong>en</strong> plus, car nous souhaitonsélargir notre public, et promouvoir le g<strong>en</strong>redans la région. Grâce à cette nuit, de nouvellespersonnes ont r<strong>en</strong>contré le conte. Cette saison,nous avons collaboré cinq fois avec La Criée. Enplus de la nuit, nous avons proposé quatre séancesde contes du monde à destination d’unpublic familial. Nous sommes aussi au PavillonM le mercredi matin. Comme nous appart<strong>en</strong>onsau Réseau National du Conte et des Arts de laParole et que nous sommes missionnés par laDRAC, nous participons très régulièrem<strong>en</strong>t à desjournées professionnelles dans toute la région.Nous accompagnons égalem<strong>en</strong>t des projetsscolaires, municipaux. Mais nous proposonsaussi des événem<strong>en</strong>ts dans nos murs et dans lequartier.Lesquels, pour ces prochaines semaines ?Les 19 et 20 avril à 20h30, nous recevrons SalimHatubou pour Kara’. Salim était <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ce àLa Baleine l’an dernier ; il a collecté des récits et<strong>en</strong> a fait une «épopée comori<strong>en</strong>ne», dont ildonnera ici la version contée. Et aux beaux jours,ce sera la cinquième édition des Oralies, le festivalque nous proposons sur le Cours Ju, histoire desortir le conte des salles obscures et d’aller à lar<strong>en</strong>contre d’un public mixte, pas uniquem<strong>en</strong>tcomposé de spécialistes. Il s’ouvrira cette annéesur une journée de contes <strong>en</strong> continu (une grandehistoire, un seul conteur) le 19 mai. Et nousespérons pouvoir le clôturer le 22 juin par un<strong>en</strong>uit au Frioul, comme nous le faisions autrefois.PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERTLa Baleine qui dit «Vagues»04 91 48 95 60http://labaleinequiditvagues.org