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Zibeline n° 62 en PDF

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20THÉÂTREFunny gamesAh le théâtre ! on va voir Ubu Roi et on se retrouvedans son salon -à une moulure près- àécouter France Inter égr<strong>en</strong>er les turpitudes d’uncertain Jérôme C. Il faut dire que la scénographiede Nick Ormerod est aux mises <strong>en</strong> scènede Declan Donnelan ce que sont les cartes àl’art de la guerre et ici le champ de bataille estd’un raffinem<strong>en</strong>t exquis.D’abord, l’idée lumineuse que le regard-laserbi<strong>en</strong> vert d’un ado sur Pa et Ma, qui reçoiv<strong>en</strong>tleurs amis à dîner, conti<strong>en</strong>t une puissance destructricedont le jeune Jarry aurait fait un festinde cruauté ; la pièce se construit sur deuxniveaux qui s’emboît<strong>en</strong>t à merveille : le «merdre»inaugural se ti<strong>en</strong>t au bord de la cuvette des wcfilmée par un fils vacant, et du babil bio du repas<strong>en</strong>tre amis se lève «l’hénaurme» tempête verbaleet gesticulatoire de la farce. Il faut bi<strong>en</strong> du tal<strong>en</strong>t© Cecile Leterme, Camille Cayol, Vinc<strong>en</strong>t de BouardBaba au RomLa grande création de Macha Makeïeff à laCriée s’appuie intelligemm<strong>en</strong>t sur une relecturedu conte persan, Ali Baba, pour le nourrir de nosimages d’Ori<strong>en</strong>t contemporaines, celui quijouxte nos frontières, ou avec lequel on cohabiteà Marseille. Ses Mille et une nuits sont duMaghreb et de nos quartiers, ont l’acc<strong>en</strong>t deFernandel, la faconde acrobatique de breakers,habit<strong>en</strong>t à la belle étoile comme nos Roms,ferrailleurs et usuriers de nos lég<strong>en</strong>des, maistout près de containers des docks comme lesimmigrés réc<strong>en</strong>ts que nous sommes. Lesymbole est juste, le choix du conte judicieux, lamétaphore universelle : qu’arrive-t-il au marchandqui trahit son frère, au pauvre sur quitombe la fortune, au fils qui voit son pèrechanger ? La fable est r<strong>en</strong>due par une distributionbigarrée qui danse, chante, joue et trahitavec <strong>en</strong>thousiasme. On peut regretter que deuxdes trois rôles féminins soi<strong>en</strong>t travestis et que laseule femme danse du v<strong>en</strong>tre et joue peu (lorsqu’onvous disait que les femmes aussi programm<strong>en</strong>tpeu de femmes…), mais il est rare d’avoir surnos plateaux des acteurs de cette diversité d’origine,hors les musiques du monde…Ce propos sur la diversité est servi par une scénographiefourmillant de détails et de trouvailles,très élégante dans ses fausses référ<strong>en</strong>ces à lavie de bohême, ou de souk. Trappes où les accessoiress’échang<strong>en</strong>t et les regards espionn<strong>en</strong>t,rideaux et lointain où le jeu se prolonge <strong>en</strong>projections, portes ouvrant sur des lieux quirest<strong>en</strong>t imaginaires, l’espace dramaturgique estfinem<strong>en</strong>t travaillé. Mais le temps l’est beaucoupmoins : par manque d’att<strong>en</strong>tion aux équilibressonores les voix des acteurs, le soir de la première,s’échappai<strong>en</strong>t dans les volutes de lamusique et les acteurs, drôles parfois, à l’abattagecertain, semblai<strong>en</strong>t combler un <strong>en</strong>chainem<strong>en</strong>tdramatique incertain avec des petites danses,chant, numéros, et des dialogues bi<strong>en</strong> écrits,mais mal calibrés dans le temps.Des questions de rythme qui se règleront sûrem<strong>en</strong>tau fil des représ<strong>en</strong>tations, <strong>en</strong> resserrantune matière trop peu consistante pour les deuxheures et demies du spectacle.AGNÈS FRESCHELAli Baba a été joué à La Criée, Marseille,du 13 au 29 mars, et du 5 au 7 avrilau Théâtre Liberté à ToulonÀ v<strong>en</strong>irle 3 maiThéâtres <strong>en</strong> Dracénie, Draguignan04 94 50 59 59www.theatres<strong>en</strong>drac<strong>en</strong>ie.com© Brigitte EnguerandFinalem<strong>en</strong>tcons<strong>en</strong>suelLe problème avec l’humoriste, c’est la distanceà soi-même et à la salle -quelles que soi<strong>en</strong>t lesdim<strong>en</strong>sions- toujours trop proche de la scène :«1 mètre 50» évalue approximativem<strong>en</strong>t XavierAdri<strong>en</strong> Laur<strong>en</strong>t au début de son dialogue ininterrompuavec le public et l‘artiste dramatiquequ’il incarne. Malaise donc : de qui parle lapersonne <strong>en</strong> scène ? de ce personnage inquietqui accueille le spectateur à l’<strong>en</strong>trée par unepoignée de mains de condoléances anticipéeset le remerciera g<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t service fait ? de cecomédi<strong>en</strong> qui a bi<strong>en</strong> des malheurs <strong>en</strong>tre les versqui résist<strong>en</strong>t à l’emphase, les exercices absconsdu conservatoire et la pub pour le loto qui luicolle son image à la peau, n’est-ce pas lui ? Lesavoir-faire déployé (le gag de la chaise-téléphonefait rire comme un gag... tout va bi<strong>en</strong>) dansla mise <strong>en</strong> abyme ou la désacralisation du jeu -hop le premier rang mis à contribution et leg<strong>en</strong>til monsieur appelé sur scène pour dire le«vide»- n’a-t-il pas pour fonction d’exposer lessouffrances du métier pour se faire consoler parun public <strong>en</strong> empathie totale ? Du rassurant surtoute la ligne : <strong>en</strong> convoquant Baudelaire, Hugo,Verlaine, Rimbaud et Akhénaton sur la pelousede l’OM, et <strong>en</strong> les mêlant aux rires, on se rapproche<strong>en</strong>core et on se serre les coudes contreceux qui voudrai<strong>en</strong>t peut-être que la poésie nesoit pas <strong>en</strong> vers ou ne conti<strong>en</strong>ne pas tous lesplus beaux s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts du monde –les parisi<strong>en</strong>speut-être, les intellectuels bi<strong>en</strong> sûr ! Spectaclede tradition qui faisant m<strong>en</strong>tir son slogand’accroche fera bi<strong>en</strong> voir la culture «commeavant» sans la moindre délocalisation intérieure.Att<strong>en</strong>tion artiste pas méchant et qui ne mordpas !MARIE JO DHOArtiste Dramatique écrit par Xavier Adri<strong>en</strong> Laur<strong>en</strong>tet mis <strong>en</strong> scène par Hervé Lavigne a été prés<strong>en</strong>téau Café-Théâtre de l’Antidote, Marseille,du 19 au 30 marsaux comédi<strong>en</strong>s, Christophe Grégoire et CamilleCayol <strong>en</strong> tête, pour habiter les deuxregistres ; <strong>en</strong> parfaits acteurs shakespeari<strong>en</strong>sfr<strong>en</strong>chy, tous ont la fluidité et l’intellig<strong>en</strong>ce deleur double jeu. Et c’est un massacre jubilatoirequi va souiller, r<strong>en</strong>verser, détruire <strong>en</strong> toute démesurepotache : le gigot et sa sauce tomatese retrouv<strong>en</strong>t naturellem<strong>en</strong>t dans l’énucléationsanglante du capitaine Bordure et les ust<strong>en</strong>silesde cuisine façon dada sont des armes redoutables(mixer Moulinex et cervelle font bonménage !). Le salon bourgeois est soufflé, lespectateur aussi, par la déflagration d’<strong>en</strong>fance,de burlesque Grand-Guignol qui pulvérise lesbarrières... et pif et paf… quelle efficacité !Réglé par le désir de ne pas faire dire plus à cetexte que sa jeunesse transgressive, ce spectacleatteint sans doute ce qu’il y a de plusprofond <strong>en</strong> chacun.M.J.D.Ubu Roi d ‘Alfred Jarry dans la mise <strong>en</strong> scène deDeclan Donnellan a été donné à La Criée,Marseille, du 3 au 6 avril

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