<strong>Le</strong> jeune enfant a tendance à apprendre par groupes, sans forcément s'embarrasser des partiesqui les composent. Ainsi, plutôt que d'apprendre des l<strong>et</strong>tres, il forme tout de suite des mots. Plutôtque de combiner chacun de ces mots, il saisit directement des locutions.R<strong>et</strong>enons encore que les enfants apprennent p<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it à formuler des phrases de plus enplus longues, selon l'ordre: mots – expressions – phrases simples – phrases complexes.Sans être repris tels quels, ces quelques principes propres à l'acquisition du langage maternelm'ont inspiré dans l'élaboration du travail pratique qui va suivre. <strong>Le</strong> plus important à mes yeux restele principe de reprendre <strong>et</strong> tester librement , tel qu'il s'opère tout au long du développement verbalde l'enfant. Mais signalons également que c<strong>et</strong> apprentissage a le mérite de se passer de toutintermédiaire écrit: le jeune enfant ne révise pas ses mots dans un livre de vocabulaire, il lesapprend (en compagnie des plus grands) en les confrontant aux obj<strong>et</strong>s réels, à leur significationdirecte. En musique aussi, l'improvisation perm<strong>et</strong> de se placer directement face à la matière<strong>musical</strong>e, <strong>et</strong> d'en assimiler des éléments sans passer par un support écrit, de sorte que le lien direct<strong>entre</strong> le geste <strong>et</strong> le son est respecté.** *7
DEUXIEME PARTIE: ESQUISSE D'UNE « METHODE »PrésentationMa première intention était de rédiger ce travail à la forme impersonnelle (« on fera», « il estimaginable de faire»...). Puis, pour donner à l'ensemble des allures encore plus méthodiques, j'aichangé d'avis, recourant à un élève imaginaire à qui je m'adresserais (« l'élève fera »),. Mais j'ai viterenoncé à l'emploi systématique de c<strong>et</strong>te forme, peu adaptée à ce qui n'est en fait qu'un essai, unensemble de réflexions <strong>et</strong> d'idées proposées. <strong>Le</strong> lecteur ne doit donc pas s'étonner de trouveralternativement les suj<strong>et</strong>s « nous », « on », « l'élève », « le lecteur », « je » tout au long de ce travail.C'est que, c<strong>et</strong>te « méthode », je ne l'adresse à personne en particulier; ni seulement à l'élève, niseulement au professeur, mais aux deux à la fois. Elle se voudrait moins un support pédagogiquepour le professeur, qu'un recueil d'idées pour qui s'intéresse à développer son improvisation. Ellepeut être abordée par le professeur, dans sa préparation, aussi bien que par le professeur <strong>et</strong> sonélève, dans un travail en commun, ou même par l'élève seul. Mais avant tout, ce travail, je l'adresseà moi-même dans un besoin de systématiser enfin certains principes qui ont accompagné monapprentissage de la musique classique.A l'évidence, le travail proposé ici, même s'il s'inspire des principes de bases de la languematernelle, ne saurait convenir à un « nourrisson » du piano. <strong>Le</strong>s exercices requièrent déjà un bonniveau instrumental (suffisant pour jouer les Variations de Mozart sur Ah! Vous dirai-je, Maman), <strong>et</strong>une certaine connaissance de l'harmonie au clavier. Toutefois, pour remédier au mieux à c<strong>et</strong>tecontradiction (la méthode ne s'adresserait-elle finalement qu'à l'improvisateur confirmé?...), je mesuis efforcé de présenter l'ensemble, non pas comme une stricte marche à suivre, mais plutôt commeun recueil de principes <strong>et</strong> d'idées, ce qui rend possible• une simplification des exercices <strong>et</strong> du matériau <strong>musical</strong> en fonction du niveau de l'élève,• une transposition de ces exercices vers d'autres oeuvres, d'autres compositeurs.La place d'un tel apprentissage dans le suivi d'un élève est difficile à définir. De façongénérale, elle dépend non seulement de la personnalité de l'élève, de sa verve créatrice <strong>et</strong> de sonintérêt pour la musique, mais aussi des souhaits des parents, pas toujours favorables à desdémarches alternatives dans l'enseignement que suit leur enfant; <strong>et</strong> finalement elle dépend desexigences formulées par l'école. <strong>Un</strong> tel apprentissage représente un parti pris dans la formation del'enfant. Ces différents facteurs décideront quelle fraction du cours d'instrument est dédiée àl'improvisation.L'objectif de ce travail a déjà été mentionné dans les pages qui précèdent. J'insiste sur le faitque l'improvisation n'est pas abordée ici comme une pratique en soi, mais comme une manièred'aborder la musique écrite, une manière de la comprendre en respectant son essence. Ainsi, c<strong>et</strong>tedialectique <strong>entre</strong> improvisation <strong>et</strong> <strong>interprétation</strong> est restituée dans la structure même de c<strong>et</strong>teébauche de méthode: nous partirons d'une oeuvre écrite, les Variations sur Ah! Vous dirai-je,Maman, de Mozart, <strong>et</strong> nous en déduirons des idées pour l'improvisation, ce qui nous perm<strong>et</strong>tra peutêtrede revenir mieux armés à l'oeuvre <strong>et</strong> à son langage. Pourquoi avoir choisi une pièce de Mozart?8