Saëns. Malgré les préventions du public élégant <strong>de</strong> la scène nationale, lesuccès est total et engendre <strong>de</strong> nombreuses parodies, dont Le Petit Faustd’Hervé qui est resté longtemps au répertoire. L’ouvrage <strong>de</strong> Gounod serararement joué dans son intégralité : la scène <strong>de</strong> la chambre <strong>de</strong> laMarguerite, essentielle cependant pour une meilleure compréhension <strong>de</strong>l’évolution du personnage, fut souvent supprimée ou maintenue partiellement,sans l’air <strong>de</strong> Siébel. Quant au ballet, il est, à présent, <strong>de</strong> plus en plussouvent délaissé : on lui reproche <strong>de</strong> rompre avec l’atmosphère tragiquevoulue par Gounod. Même l’Opéra <strong>de</strong> Paris, qui confia cette page chorégraphiqueà Georges Balanchine, lors <strong>de</strong> la fameuse reprise <strong>de</strong> 1975 (la2836 e représentation !) décida <strong>de</strong> la supprimer, au grand dam du public.Depuis, même au disque, il est gravé, en annexe. Se pose un autre problème: Gounod en a écrit <strong>de</strong>ux versions, la première, disparue, ayant étéabandonnée avant la création au Théâtre-Lyrique.ENTRE TRADITION ET INNOVATIONPeu d’opéras ont connu une popularité si durable, même si elle a faibli ces<strong>de</strong>rnières décennies. On lui reproche ses conventions opératiques, la banalisation<strong>de</strong> la brillante tragédie <strong>de</strong> Goethe : le livret, même s’il a le mérite<strong>de</strong> la clarté, ne possè<strong>de</strong> ni la profon<strong>de</strong>ur, ni la force, ni le rythme <strong>de</strong>l’œuvre originale. On dénonce la passion transformée en sentimentalité etles personnalités complexes, réduites à <strong>de</strong>s clichés.En fait, il faut resituer le Faust <strong>de</strong> Gounod dans le contexte <strong>de</strong> la tradition<strong>lyrique</strong> franco-italienne du XIX e siècle et non pas par rapport au seul drame<strong>de</strong> Goethe. On mesure alors combien, au contraire, les personnages, sontmusicalement bien caractérisés, particulièrement Marguerite, seule <strong>de</strong>strois protagonistes à évoluer.Un livret habileMichel Carré et Jules Barbier sont <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> théâtre expérimentés.Tous <strong>de</strong>ux, dramaturges et librettistes, sont les auteurs <strong>de</strong> Contesd’Hoffmann (1851), remarqués par Offenbach qui voudra en faire un opéra.Outre les livrets qu’ils continueront <strong>de</strong> donner à Gounod, ensemble ouséparément, ils travailleront pour les grands compositeurs <strong>de</strong> leur temps,jeunes (Bizet) ou confirmés (Meyerbeer).Le découpage <strong>de</strong> Carré, retravaillé par Barbier, ménage un équilibre entreforces statiques et forces dynamiques, particulièrement bien réparties : lesmoments <strong>de</strong> méditation, qui peignent les personnages <strong>de</strong> l’intérieur et32
suspen<strong>de</strong>nt l’action, alternent avec les scènes d’une gran<strong>de</strong> intensité oùl’action progresse, à l’inverse, rapi<strong>de</strong>ment. Cela vaut à l’intérieur d’un actecomme pour le passage <strong>de</strong> l’un à l’autre : la méditation amère <strong>de</strong> Faust,enfermé dans son cabinet, autant que dans sa recherche vaine du savoir, aupremier acte, s’anime peu à peu, jusqu’à l’apparition inattendue <strong>de</strong>Méphisto qui ranime le désir <strong>de</strong> vivre <strong>de</strong> Faust. À l’intérieur même <strong>de</strong> cetteséquence, au ton sarcastique du démon succè<strong>de</strong> le ton élégiaque quiaccompagne l’apparition <strong>de</strong> Marguerite, lui-même brutalement balayé parl’ar<strong>de</strong>ur impatiente <strong>de</strong> Faust. Le cadre confiné du laboratoire <strong>de</strong> Faust cè<strong>de</strong>la place, à l’acte II, au plein air <strong>de</strong> la Kermesse. La scène du jardin, àl’acte III, fait la synthèse <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espaces : lieu ouvert/fermé, circonscritentre la maison et la rue et qui, avec l’arrivée <strong>de</strong> la nuit va être coupé dureste <strong>de</strong> l’univers : le bouleversement <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Marguerite, par l’irruption<strong>de</strong> l’amour, venu <strong>de</strong> l’extérieur, loin <strong>de</strong> la libérer, va l’enfermer dansle mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la passion <strong>de</strong>structrice. Faust était sorti <strong>de</strong> l’obscurité <strong>de</strong> soncabinet pour conquérir un mon<strong>de</strong> chatoyant <strong>de</strong> sensualité ; Marguerites’enfonce dans le désert du désespoir. On ne la verra plus qu’enferméedans sa chambre, dans l’église, dans l’hostilité <strong>de</strong> ses compagnes, <strong>de</strong>Méphisto ou <strong>de</strong> son frère mourant. Très logiquement, elle se retrouve dansle lieu le plus oppressant, qui n’a d’autre issue que la mort : le cachot, oùelle attend son exécution. Or, c’est là que surgit la délivrance : selon ladidascalie du livret, les murs <strong>de</strong> la prison s’ouvrent et la lumière du salutenvahit l’espace. On remarque que, <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue, la première et la<strong>de</strong>rnière scène <strong>de</strong> l’opéra, se reflètent comme dans un miroir. Mais Faustallait vers sa perte, Marguerite vers son salut. Faust et Méphisto partaientà sa rencontre ; Marguerite les rejette. Le chant pascal, qui accompagnaitFaust, dans Goethe, est réservé ici à Marguerite, au moment <strong>de</strong> sa mort.On pourrait également relever que chaque espace, clos ou ouvert, est toujoursperturbé par l’intrusion d’un élément extérieur : le suici<strong>de</strong> <strong>de</strong> Faustest empêché par les chants joyeux <strong>de</strong>s paysans, la gaîté <strong>de</strong>s buveurs disparaîtavec les mauvaises plaisanteries <strong>de</strong> Méphisto, étranger à leur groupe ;la prière <strong>de</strong> Marguerite est empêchée par le même personnage.Inversement, les êtres favorables à Marguerite, Siébel, son frère, sont éloignés,d’une manière ou d’une autre, par Méphisto. C’est quand Margueritetrouvera la force <strong>de</strong> chasser Faust et Méphisto, que le pouvoir maléfiquesera anéanti. On pourrait bien sûr considérer, à l’intérieur <strong>de</strong> la scène <strong>de</strong> lakermesse, l’alternance <strong>de</strong> scènes d’introspection -l’invocation <strong>de</strong> Valentinmais aussi la rencontre entre Faust et Marguerite, moment où les <strong>de</strong>uxamoureux littéralement sont seuls au mon<strong>de</strong>-, et celles d’exubérance joyeuse<strong>de</strong> la foule, ou l’instant solennel du choral <strong>de</strong>s épées. Le bref échange33
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