phélès pour former un contraste musical sinistre avec la prière <strong>de</strong>Marguerite. Au « Seigneur accueillez la prière » en Ut majeur <strong>de</strong>Marguerite répond le « Souviens-toi du passé » en Ut mineur <strong>de</strong> Méphistophélès,qui reviennent par <strong>de</strong>ux fois. La phrase inébranlable <strong>de</strong> Marguerite,« Seigneur accueillez la prière », a une forme mélodique, pour ses <strong>de</strong>uxpremières mesures, presque i<strong>de</strong>ntique à celle <strong>de</strong> la cavatine antérieure <strong>de</strong>Faust, glorifiant la « chasteté et <strong>de</strong> la pureté » <strong>de</strong> Marguerite. La lignemusicale resserre le drame sur ces trois personnages, et en résume la portée.La tonalité d’Ut majeur annonce la ré<strong>de</strong>mption finale et l’apothéose <strong>de</strong>Marguerite : l’Ut majeur constitue le point culminant tonal <strong>de</strong> « Angespurs, anges radieux » que l’on entend successivement dans une progressionascendante, par paliers successifs (sol, la et si majeur).Des personnages sculptés par la musiqueOn peut dire que la musique nous fait pénétrer au cœur même <strong>de</strong>s personnages.Or, c’est l’autre point fort <strong>de</strong> l’œuvre, les personnages sont placésdans un mon<strong>de</strong> exceptionnel où l’univers terrestre se mêle à celui <strong>de</strong>sesprits, infernaux ou célestes ; cependant, ils restent parfaitement prochesdu spectateur par leurs émotions qui sont celles qu’éprouvent tout hommeet toute femme.Là aussi la musique les définit exactement : Méphistophélès, ordonnateur<strong>de</strong> tous les événements, change sans cesse <strong>de</strong> tonalité. Moqueur dès sonarrivée, faussement servile à l’égard <strong>de</strong> Faust, menaçant soit <strong>de</strong> façonbadine à l’égard <strong>de</strong> Siébel, soit <strong>de</strong> façon cruelle pour Marguerite, toujourscynique. Il joue tous les rôles, même celui <strong>de</strong> l’amoureux transi, mais ilreste le Maître <strong>de</strong>s enfers. Insinuant comme le serpent, il fascine et révulse.La musique se plie à ses humeurs : c’est presque du parlando pour sesbrefs échanges avec Faust ou avec Dame Marthe ; le rythme s’emballequand il décrit son rôle dans le rondo du Veau d’or, véritable proclamation<strong>de</strong> sa puissance : « Satan conduit le bal ». La balla<strong>de</strong> « Vous qui faites l’endormie» n’est que sarcasme alors que son invocation aux esprits <strong>de</strong> la nuitdégage un vrai charme, très loin <strong>de</strong> la violence <strong>de</strong> la scène <strong>de</strong> l’église. Toutcela se retrouve unifié quand il joue les maîtres <strong>de</strong> maison, à Walpurgis :puissance ténébreuse, il règne en maître et le ton solennel, sans pompeexcessive, exprime le triomphe tranquille du vainqueur. Cette richesseexpressive en fait bien le centre <strong>de</strong> toute l’action.Le Faust <strong>de</strong> Goethe s’adonne à la magie afin <strong>de</strong> percer le mystère <strong>de</strong> lacréation. Esprit infatigable et curieux, il cherche à repousser sans cesse leslimites <strong>de</strong> la connaissance, ce qui le condamne à l’échec. Méphistophélèsraille son esprit « dont l’ambition effrénée néglige les joies terrestres ». S’il36
signe un pacte avec le diable, c’est d’abord par soif <strong>de</strong> connaissances. Cen’est que dans un <strong>de</strong>uxième temps qu’il tombe amoureux <strong>de</strong> Marguerite.Faust est le prototype du savant mo<strong>de</strong>rne qui place très haut le niveau <strong>de</strong>sa réflexion. Celui <strong>de</strong> Carré et Barbier est un vieil homme découragé quidésire mettre fin à une vie qu’il juge inutile. Il fait appel à Satan pour<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> recouvrer la jeunesse. Faust est ramené à une banale conditionhumaine. Quand Méphisto lui fait voir Marguerite, Faust signe aussitôt.D’entrée, musicalement parlant, il est dans la supplique et la révolte,qui <strong>de</strong>viendront exaltation à la fin du premier acte. Le ton tendu entre aiguet grave, le définit comme un personnage instable, peu sûr <strong>de</strong> lui. Un seulmoment élégiaque interrompt cette tonalité paroxystique, celui <strong>de</strong> l’apparition<strong>de</strong> Marguerite : « Ô merveille ! », qui exprime, dans un souffle, sonextase. On peut dire que toute la partition qui lui revient, répète ces données,l’élégie étant à son apogée dans la scène du jardin, le ton brutal caractérisanttous ses échanges avec son mentor. La <strong>de</strong>rnière scène avecMarguerite va mêler tendresse et âpreté du désespoir. C’est Marguerite quiprononce le <strong>de</strong>rnier mot, « horreur », celui <strong>de</strong> Méphisto, « Jugée », étantimmédiatement corrigé, donc nié, par le chœur céleste, « Sauvée ». Faustreste muet, signe <strong>de</strong> son échec définitif. Faust a finalement une partitionplus conventionnelle, même si la célèbre cavatine, qui <strong>de</strong>viendra un modèlepour les opéras à venir, ne correspond pas exactement au modèle canonique.Il n’y a que dans la scène du jardin que la ligne mélodique, qui luiest propre, se libère vraiment et épouse ses moindres émotions. Son cœurest déchiré entre le charme <strong>de</strong> Marguerite, et celui, au sens sorcellerie duterme, qu’exerce Méphisto sur son esprit. Il ne choisit vraiment jamais.Valentin, on l’a dit, s’exprime toujours dans le ton <strong>de</strong> la ferveur, qu’ils’agisse <strong>de</strong> sa sœur, <strong>de</strong> Dieu, <strong>de</strong> son honneur <strong>de</strong> soldat ou face à Méphisto.Il incarne l’homme du <strong>de</strong>voir, ce qui le fait tant haïr par une certaine critiqued’aujourd’hui, alors qu’il correspond à la norme du temps (du récitou <strong>de</strong> la création) par rapport au dérèglement incarné par l’irruption duDiable. Il n’y a aucune raison pour que sa ligne mélodique bouge. Gouno<strong>de</strong>t ses librettistes ont beaucoup gommé l’aspect rustre du personnage <strong>de</strong>Goethe. Cela tient, en partie, à la suppression <strong>de</strong> la chanson <strong>de</strong> Valentin« Chaque jour, nouvelle affaire », d’un ton assez matamore, où il cherchaità tirer profit <strong>de</strong> la bonne réputation <strong>de</strong> sa sœur. Elle fut remplacée par lechœur <strong>de</strong>s soldats. L’introduction <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier tiendrait à une réunion quiprécéda la première, chez Gounod. Il fut prié <strong>de</strong> jouer un extrait <strong>de</strong> soninfortuné Ivan le Terrible. L’effet produit fut tel que l’assistance, dontCarvalho et Ingres, lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> l’utiliser dans Faust. C’est ainsiqu’une marche nuptiale <strong>de</strong>vint militaire. Plus tard, avec l’ajout d’« Avant37
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