entre Faust et Marguerite, lors <strong>de</strong> leur première rencontre est particulièrementmis en valeur par la musique : dans le contexte turbulent <strong>de</strong> la fête etle tourbillon <strong>de</strong> la valse entraînante, surgit un thème lent et dépouillé quimarque le passage soudain d’une action extérieure à une émotion intérieure,toute en retenue. L’exclamation passionnée <strong>de</strong> Faust, « je t’aime »,relance la folie rythmique <strong>de</strong> la fête.Mais l’œuvre n’oublie pas ses origines d’opéra-comique et offre un mélange<strong>de</strong> tons, entre tragique et comique, avec les interventions comiques d’unpersonnage ridicule comme Dame Marthe. Siébel, malgré lui, fait sourire.Là aussi, un personnage fait la synthèse du tragique et du comique, c’estMéphisto. Personnage maléfique par ses menaces et ses actes, il amuse entournant tout en dérision, y compris lui-même. Mais la situation la plusemblématique, <strong>de</strong> cette atmosphère ambiguë, entre rire et sérieux, setrouve dans la scène du jardin où s’entrecroisent <strong>de</strong>ux scènes <strong>de</strong> séduction,l’une toute <strong>de</strong> tendresse, sincère et touchante, on le suppose du moins,menée par Faust, l’autre toute en stratégie, pleine d’arrière-pensées, menéed’abord par Méphisto et vite récupérée par Dame Marthe, totalement ridiculedans sa volonté « d’épouser le diable ». Il faut un talent musical supérieurpour que ces moments successifs ne se détruisent pas réciproquement.Là intervient le charme, au sens fort du terme, <strong>de</strong> la partition.Une musique enjôleuseElle l’est parce qu’elle s’impose à l’esprit du spectateur comme malgré lui.Or, s’il n’est pas musicien, il en trouvera difficilement la raison.La succession <strong>de</strong> rythmes et <strong>de</strong> tonalités différentes empêche l’attention <strong>de</strong>se relâcher : on trouve les mélodies les plus raffinées, comme la cavatine<strong>de</strong> Faust ou le duo d’amour du jardin, comme les plus tapageuses (le chœur<strong>de</strong>s soldats) ; <strong>de</strong>s valses entraînantes précè<strong>de</strong>nt les thèmes élégiaques <strong>de</strong> lascène du jardin, une balla<strong>de</strong> du roi <strong>de</strong> Thulé, à peine modulée donne l’illusiond’être chantonnée, quand les chansons à boire semblent braillées. L’airvirtuose et allègre <strong>de</strong>s bijoux n’a rien à voir avec les accents véhéments quiopposent Méphisto et Marguerite dans l’église, ou dans le trio final.L’attente douloureuse <strong>de</strong> Marguerite, dans la scène <strong>de</strong> la chambre, estd’autant plus poignante qu’elle succè<strong>de</strong> immédiatement à la scène du jardindont le finale exprime le violent désir sensuel éveillé chez la sage,jusque là du moins, Marguerite. L’ironie grinçante <strong>de</strong> la séréna<strong>de</strong> <strong>de</strong>Méphisto tient à son propos qui dénonce son objet même : sous prétexte <strong>de</strong>séduire Catherine qu’il dit adorer, il la met en gar<strong>de</strong> contre le dangerqu’elle court : le ton est particulièrement cruel puisqu’il s’adresse à cellequi a déjà commis l’erreur d’ouvrir sa porte, « sans la bague au doigt ».34
Ces variations ne sont jamais gratuites : chaque air correspond à la personnalitéet à la situation <strong>de</strong> chaque personnage. Gounod ne donne jamaisl’impression d’utiliser une structure musicale pour elle-même. Au contraire,il en casse souvent les co<strong>de</strong>s. Le fameux air <strong>de</strong>s bijoux, sans doute exigépar la créatrice, n’est pas un simple prétexte à roula<strong>de</strong>s mais un moment oùla chaste jeune fille sent s’éveiller en elle un désir <strong>de</strong> plaire, prémices <strong>de</strong>l’amour dont elle s’enivre déjà. Quant à la balla<strong>de</strong> qui précè<strong>de</strong>, elle est sanscesse interrompue par un retour au souvenir du jeune inconnu qui l’a abordée.Certes le procédé n’est pas inédit, mais les interruptions venaient classiquemententre chaque couplet, alors qu’ici elles interviennent en pleinmilieu <strong>de</strong> chacun d’eux. Surprenant, également, dans le duo d’amour, lasuspension du développement mélodique après « Éternel ! ». La musiquereprend après un silence, et la tonalité change, comme si les amants revenaientà eux après un moment d’extase. Pour un personnage commeMarguerite, et même Siébel, timi<strong>de</strong>s dans leurs premières interventions, laligne mélodique se fait plus tendue et véhémente, au fur et à mesure etnotamment à l’acte IV. Ce qui pose le problème <strong>de</strong> la tessiture <strong>de</strong>l’héroïne : sa voix doit monter aisément dans l’aigu, mais elle doit êtrecapable aussi d’accents dramatiques. Une Victoria <strong>de</strong> Los Angeles chantaitMarguerite mais aussi Elsa, Desdémone.Toute la partition est ponctuée par <strong>de</strong>s ensembles qui contrastent, par leurtonalité, avec l’état d’esprit <strong>de</strong>s personnages (comme les chœurs joyeuxqui interrompent la méditation morbi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Faust, acte I), ou qui amplifientleurs sentiments (le chœur <strong>de</strong>s démons qui achèvent <strong>de</strong> plonger Margueritedans la terreur, acte III). Remarquons que l’œuvre est comme encadrée parle chœur profane <strong>de</strong>s paysans du début et celui, céleste, <strong>de</strong> la fin. Autreeffet <strong>de</strong> miroir significatif : au docteur, l’univers <strong>de</strong> la terre ; à la femmebafouée, celui du ciel.On ne saurait non plus oublier que l’opéra tout entier est comme ponctuépar <strong>de</strong>s prières, <strong>de</strong>s invocations, profanes ou religieuses, voire blasphématoires,qui montrent <strong>de</strong>s personnages dépassés par les événements et tendusvers une force supérieure dans laquelle ils placent leurs ultimes espoirs :cela définit un climat oscillant entre sensualité et mysticisme, un déchiremententre <strong>de</strong>ux postulation <strong>de</strong> l’âme : besoins bas et vulgaires contre aspirationsà un idéal inaccessible, qu’il s’agisse d’amour ou <strong>de</strong> foi. Résumé,en somme <strong>de</strong> la condition humaine, <strong>de</strong>puis l’origine <strong>de</strong>s temps et en particulier<strong>de</strong>s problèmes existentiels <strong>de</strong> Gounod lui-même.La musique traduit également les liens qui unissent ou opposent les personnages.Dans le tableau <strong>de</strong> l’église, le prélu<strong>de</strong> à l’orgue et le chœur liturgique,à l’origine sur le Dies Irae, s’allient aux imprécations <strong>de</strong> Méphisto-35
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