<strong>de</strong> quitter ces lieux », le côté sentimental du personnage s’accentua.Siébel, écrit pour une dugazon, diffère <strong>de</strong> son modèle allemand, personnageépisodique dans le poème original. Goethe le décrit comme bedonnant,quelque peu ivrogne. Rien à voir avec la can<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l’adolescent <strong>de</strong>« Faites-lui mes aveux ». La sincérité <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier le hisse, dans la scène<strong>de</strong> la chambre, à la hauteur <strong>de</strong> la situation : la ligne mélodique est fermeet claire, comme son âme. À l’air primitif, « Versez vos chagrins » sesubstitua « Si le bonheur ».À Marguerite échoit un vrai chemin <strong>de</strong> croix, qu’elle suit avec vaillance etune foi naïve, en Dieu, en son frère, en Faust. Les <strong>de</strong>ux hommes l’abandonnent,elle s’égare, dans tous les sens du terme. Elle se retrouve en comprenant,à temps, qui est Faust : la marionnette <strong>de</strong> Satan. Elle retourne àDieu. La tragédie <strong>de</strong> Marguerite marginalise un Faust velléitaire. Elle seuletriomphe <strong>de</strong> Méphisto. Elle atteint, ainsi, le statut <strong>de</strong> véritable héroïne <strong>de</strong>l’opéra. D’autant plus que Marguerite, par étapes successives, s’imposeaux spectateurs : simple image muette dans son apparition à Faust, au premieracte ; elle ne chante que huit mesures à l’acte II, « Non, Monsieur, jene suis <strong>de</strong>moiselle… ». Généralement, dans un opéra, la soprano avait,assez rapi<strong>de</strong>ment, un air d’entrée ou un duo. Il est difficile aujourd’hui d’imaginercombien sembla audacieuses à ses contemporains cette premièreapparition discrète <strong>de</strong> Marguerite, comme sa déclamation sur les motifs <strong>de</strong>l’orchestre, à la fin du troisième acte. Avec la suppression <strong>de</strong> son dialogueavec Valentin, elle ne s’exprime vraiment qu’à l’acte III, encore Siébel etFaust passent-ils avant elle. Elle existe, à la fois, comme un personnagetuté-laire, grâce à la médaille donnée à Valentin et comme celle qu’il fautprotéger. Quand elle apparaît enfin en personne, dans toute sa beauté,quand Faust la prie <strong>de</strong> l’autoriser à la raccompagner chez elle, à chaquefois, une musique particulièrement harmonieuse l’accompagne. Cela créeune aura poétique autour <strong>de</strong> ce personnage que tous évoquent, et une attentechez le spectateur, enfin satisfaite par une longue scène solo, avant lelong duo d’amour qui suivra. Traversant toutes les gammes <strong>de</strong> la joie et <strong>de</strong>la souffrance, Marguerite passe du statut <strong>de</strong> victime passive à celuid’héroïne active. Parallèlement, l’étoile <strong>de</strong> Faust pâlit et il <strong>de</strong>vient commeétranger au mon<strong>de</strong> qui l’entoure, notamment avec son indifférence auxfestivités que lui offre Méphistophélès. Littéralement, la musique changela voix <strong>de</strong> Marguerite qui s’enfle et envahit l’espace sonore <strong>de</strong> l’opéra. Iln’est guère gênant que l’œuvre fut rebaptisée Margarete en allemand. Car,mo<strong>de</strong>ste jeune fille au début, Marguerite occupe le cœur même <strong>de</strong> la dramaturgie: enjeu d’une lutte entre Méphisto dont Faust est le bras armé, cetaxe du Mal s’oppose à un axe du Bien, son frère qui délègue ses pouvoirs38
protecteurs à Siébel. Mais elle se sauve seule et se transforme en une guerrièrechrétienne. C’est à Marguerite que le spectateur s’i<strong>de</strong>ntifie et non àFaust, personnage sans la moindre initiative ferme, parce que cette femme,en choisissant son <strong>de</strong>stin, prend figure humaine.RéceptionEntre 1859 et 1869, l’opéra gagne la Province et les pays limitrophes, etmême la Russie. En 1863, Londres et New-York (à l’Académie <strong>de</strong>Musique), l’accueillent. Cette rapi<strong>de</strong> diffusion va imposer la version avecrécitatifs, avant même l’entrée à l’Opéra <strong>de</strong> Paris. Gounod aurait souhaitéque les <strong>de</strong>ux versions cohabitent.À Londres, George Bernard Shaw se plaignait car chaque critique « doitpasser, au cours <strong>de</strong> sa vie, quelques dix années sur douze à écouter Faust.Je ne jurerais pas que la contemplation prolongée du manteau écarlate <strong>de</strong>Méphistophélès et <strong>de</strong> ses projecteurs rouges ne m’ont pas détérioré lavue. »Ce fut sans aucun doute le conformisme <strong>de</strong> l’œuvre qui emporta l’adhésionrapi<strong>de</strong> du public, ses formes musicales étant celles qui étaient familières àtout amateur d’opéra <strong>de</strong> l’époque, en particulier celles <strong>de</strong>s solos <strong>de</strong>Méphistophélès, <strong>de</strong>s couplets, c’est-à-dire avec un refrain répété, et celle<strong>de</strong> la cavatine en trois parties <strong>de</strong> Faust, « Salut, <strong>de</strong>meure chaste et pure »avec une section centrale modulante. Les rythmes <strong>de</strong> marche qui envahissentcertaines parties <strong>de</strong> la partition ne paraîtraient pas déplacés dans lesœuvres <strong>de</strong> Meyerbeer. Gounod a parfois cédé aux attentes du public : lareprise en si majeur d’« Anges purs, anges radieux », était interrompue aubout <strong>de</strong> quatre mesures par le tambour du bourreau. Cette fin était plusfrappante, mais Gounod rétablit la strophe entière dès 1862.Le style <strong>de</strong> Gounod était à l’époque aussi admiré que celui <strong>de</strong> Verdi et <strong>de</strong>Wagner. En Angleterre, on le considérait comme le successeur <strong>de</strong>Men<strong>de</strong>lssohn. Les critiques ne manquèrent pourtant pas. Les principalesfurent d’avoir trahi la dimension philosophique <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Goethe queBerlioz et Boito, plus tard, ont davantage approchée. Suivant son tempéramentet sa formation, Gounod s’intéresse plus à l’aspect moral <strong>de</strong>l’histoire : la chute <strong>de</strong> Marguerite, sa ré<strong>de</strong>mption finale par le repentir,ainsi que la tentative <strong>de</strong> Faust, vouée à l’échec, <strong>de</strong> retrouver la jeunesse ensignant un pacte avec le diable. On lui reprocha <strong>de</strong> faire moins bien queMeyerbeer.Il n’en reste pas moins que l’auteur eut droit à un timbre à son effigie. Lapublicité s’empara <strong>de</strong>s personnages, dont une pour les produits Liebig.Dernière preuve <strong>de</strong> l’immense popularité, l’invention, par Hergé, du per-39
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