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comportements strictement individuels, avec des choix personnels et des capacités intrinsèques
et innées liées à chaque individu. Les différences de parcours seraient alors l’effet de
prédispositions biologiques qui font « que les garçons ont davantage d’aptitudes naturelles à
faire des mathématiques et les filles à être « littéraires ».
Les fondements de ce type de croyance ont largement été remis en question, via la sociologie
des rapports sociaux de sexes. On peut citer, par exemple, les travaux de Gaid Le Maner- Idrissi,
cités dans un article paru dans l’ouvrage Féminin, masculin, Mythes et idéologies 210 , qui réfute
l’idéologie essentialiste en évoquant le fait que lorsque des enfants naissent avec des « organes
sexuels de naissance ambigus, c’est le sexe d’assignation qui prime sur le sexe chromosomique,
si le sexe attribué n’est pas conforme aux chromosomes ». Ainsi, il n’y pas de lien entre les
chromosomes X ou Y et les comportements sociaux de l’un ou l’autre sexe, ce qui souligne la
distinction entre sexe social et le sexe biologique.
Il est intéressant de constater que si nombre d’efforts ont été et sont effectués pour déconstruire
et proscrire ce type de pensée essentialiste concernant les prédispositions liées aux
« races », avec une véritable volonté politique de lutter contre les stéréotypes racistes, la
croyance en une essence féminine ou masculine reste un postulat majeur de nos sociétés. Selon
Marie Duru-Bellat, chez les scientifiques même, cette pensée est très répandue :« cette pensée
archaïque, les scientifiques ou les penseurs n’osent plus guère l’utiliser que quand ils abordent
« la question des femmes » 211 .
Une socialisation sexuée et hiérarchisée dès la naissance
Nicole Mosconi, professeure en sciences de l’éducation, avance que « la psychologie sociale a
montré que ces stéréotypes, qui nous ont été inculqués dès la petite enfance, agissent sur nous
et déterminent nos attentes, nos jugements et nos conduites » 212 . Ce phénomène qui caractérise
la construction sociale des identités sexuées est aussi appelé « sexisme ordinaire », cette
expression mettant l’accent sur le caractère inconscient de l’apprentissage de ces normes, qualifiées
comme « normales » ; les psychologues parlent aussi de « cognition sociale implicite » 213 .
Ainsi, « dès la naissance, la perception, les attentes et l’interprétation des conduites de l’enfant
par les adultes dépendent du sexe annoncé et non du comportement de l’enfant » 214 , « le sexe
de l’enfant étant un organisateur puissant des conduites de ses partenaires sociaux » 215 . Les individus
de l’un ou l’autre sexe vont donc être confrontés à une socialisation différenciée, doublée
d’une hiérarchisation des sexes qui s’instaure : « pour le petit garçon normal qui grandit, tout ce
qui est lié au rôle féminin est codé, dans son esprit comme négatif et sans intérêt » 216 .
Gaid Le Maner-Idrissi cite plusieurs exemples :
- « les indices supposés annoncer la naissance d’un garçon sont tous connotés positivement :
joli teint de la mère, grossesse facile, enfant vigoureux ».
- « les pleurs d’un nourrisson sont interprétés en termes de colère si le bébé est présenté
comme un garçon et en terme de peur si le bébé est présenté comme une fille ».
- « on stimule davantage le comportement social des filles que celui de garçons mais ces derniers
sont plus stimulés sur le plan moteur ».
210 Sous la direction de Catherine VIDAL, Féminin, masculin, Mythes et idéologies, Éditions Belin, 2006, p. 60.
211 Marie DURU-BELLAT, op.cit., p. 207.
212 Nicole MOSCONI, Genre et pratiques scolaires : comment éduquer à l’égalité ?, Eduscol, Portail national des professionnels
de l’éducation, 2009, http ://eduscol.education.fr/cid47785/genre-et-pratiques-scolaires%A0-comment-eduquer-a-l-egalite%A0.html
213 Idem
214 Féminin, masculin, Mythes et idéologies, op.cit., p. 62.
215 Idem
216 Marie DURU-BELLAT, op.cit., p. 104.
étude
Le féminisme et l’enseignement, pour une égalité é filles/garçons
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