Point de mire Le logo, l’image qui fait la différence Lorsque l’on évoque la création de logos, on pense à des designers qui passent des nuits penchés sur leur pupitre à peaufiner la forme parfaite. C’est faux. Ils sont avant tout à l’écoute. Denise Delémont, spécialiste des marques à l’agence de branding et de design Scholtysik Reconnaissable au premier coup d’œil dans le monde entier, même si le lettrage est dans une autre langue: Coca-Cola a une image de marque qui répond à toutes les exigences. Photo: Adobe Stock 28 5/22 vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong>
Point de mire Autrefois, il fallait se faire un nom – aujourd’hui, il faut un logo. Rares sont les entreprises qui peuvent s’en passer. Un nouveau projet? Il faut un logo. Qu’il s’agisse d’une société, d’un produit ou d’une initiative – le logo s’impose. Il est aujourd’hui possible d’obtenir un logo à moindres frais sur des plates-formes en ligne. Accessibles à tous et parfois réalisés avec un savoir-faire artisanal, les logos sont proposés dans toutes les formes et couleurs. Une évolution logique si l’on considère les atouts d’un logo: il permet de s’orienter et, avec le temps, de gagner la confiance ainsi que, dans le meilleur des cas, la fidélité. Certains parlent même de «love brands» (marques aimées). La fonction définit la forme Dans un monde où les stimuli ne manquent pas et avec une offre de produits et de services qui se nivelle de plus en plus, le logo fournit un repère. On le reconnaît, il marque notre esprit et nous réconforte. Le simple fait d’exister contribue donc déjà à l’efficacité du logo. Et ce, sur une longue période. Pour cela, nul besoin de designers – c’est dans la nature des choses. Pour être efficace cependant, un logo doit avant tout être bon. Mais qu’est-ce qui est «bon»? Et quel rapport avec le design? Une petite clarification s’impose. Le célèbre designer Dieter Rams a formulé dans les années 1970 ses thèses novatrices sur la définition du bon design, toujours valables aujourd’hui. En résumé: un bon design n’est pas le fruit du hasard ou de l’arbitraire. La forme est définie par la fonction. En conséquence, le design d’un logo ne se mesure pas à la manière dont il plaît, mais à son adéquation avec la marque et à l’effet qu’il produit sur les personnes qui le regardent. Avant de s’attaquer à la forme, les designers doivent donc d’abord déterminer à quel contenu ils ont affaire. C’est là qu’intervient notre travail de concepteur de logos. <strong>No</strong>us écoutons et posons beaucoup de questions, même celles qui fâchent. Parallèlement, nous analysons les choses sans préjugés, dans la perspective neutre d’une personne extérieure. A partir de là, nous développons avec nos clients une stratégie pour leur marque: le positionnement souhaité sur le marché et un concept de base gagnant qui distingue la marque des autres et lui confère de la pertinence. <strong>No</strong>us formulons cette idée sous la forme de promesses de marque et d’une personnalité de marque. Dans le jargon marketing, on parle aussi d’«ADN de la marque». Une fois que cette description du contenu est établie, que nous avons soulevé tous les points et que nous sommes certains d’avoir bien compris notre interlocuteur, son offre, son marché et son public, nous nous attelons à la conception de la forme. Inimitable, accrocheur et adaptable S’ensuit la création d’un logo en cohérence avec la stratégie de la marque. Evoque-t-il des associations qui sont en accord avec l’ADN de la marque? Parvient-on à le situer dans la bonne branche? Est-il suffisamment original ou pourrais-je le confondre avec d’autres? Pour cela, il faut bien sûr aussi regarder les logos des concurrents. De plus, il est parfois nécessaire d’effectuer des recherches juridiques approfondies. En effet, non seulement le risque de confusion avec d’autres marques protégées complique la protection de sa propre marque, mais il présente aussi un potentiel de conflit élevé, ce qui peut être très fâcheux. <strong>No</strong>us devons donc oublier la vision romantique selon laquelle la conception d’un logo est un art pur de considérations profanes. Il faut tout de même tenir compte d’un grand nombre de critères artisanaux: puis-je saisir rapidement la forme et bien lire le nom? Même de très loin ou en tout petit sur un crayon? Peut-il être affiché comme photo de profil sur les réseaux sociaux? Les couleurs choisies sont-elles accessibles sur le web? Puis-je également le reproduire en noir et blanc? Et surtout: la forme est-elle suffisamment simple? Pour le savoir, une simple expérience mentale suffit: pourrait-on dessiner le logo dans le sable avec son doigt? C’est effectivement possible pour de nombreuses marques populaires. Il suffit de penser aux anneaux olympiques, au M incurvé de McDonald’s, à l’étoile de Mercedes, à l’hexagone de Roche, au swoosh de Nike ou aux C croisés de Chanel. Le processus créatif dans la conception de logos suit les mêmes étapes que dans l’architecture, le design de meubles ou la mode: concevoir, rejeter, affiner. A la main ou sur ordinateur. Naturellement animé dans une réalité qui devient toujours plus virtuelle, et de plus en plus souvent accompagné d’une identité sonore caractéristique de la marque. Pour les clients, ce processus de rapprochement progressif est généralement intense et parfois empreint d’une lourde charge émotionnelle, car nous collons au plus près de l’ADN de la marque. Il est par conséquent important que les personnes concernées soient impliquées dans le processus créatif et qu’elles aient la possibilité de juger non seulement sur la base de leurs goûts personnels, mais aussi sur des critères rationnels et objectifs. Dans l’idéal, les projets de logos sont examinés en environnement réel: sur un site web. Comme photo de profil sur Twitter. Comme photomontage sur un emballage ou sur la façade d’un bâtiment. Tel que l’exige la tâche en question. Enfin la forme parfaite? Une fois que le logo a trouvé sa forme définitive, son introduction demande à nouveau du doigté. Les collaborateurs, qui sont fiers de porter le logo et de représenter la marque, veulent connaître l’idée qui en est à l’origine. Les clients, les partenaires commerciaux et le public veulent se familiariser avec la marque et savoir ce qu’elle représente. Cela nécessite non seulement de bonnes prestations, mais aussi une communication habile et de la persévérance. Une étude de marché permet d’évaluer la popularité du nouveau logo. Des mesures régulières tous les un ou deux ans montrent comment la notoriété, la familiarité et l’attribution des qualités souhaitées évoluent au fil du temps. La valeur financière d’une marque peut également être mesurée. Dernièrement, Coca-Cola a été évaluée à plus de 50 milliards de dollars, Apple même à plus de 400 milliards. Ces sommes astronomiques ne se réfèrent évidemment pas uniquement au logo, mais que serait Apple sans son logo en forme de pomme? Investir dans une forme parfaite aura, dans tous les cas, été bénéfique. vsao /<strong>asmac</strong> <strong>Journal</strong> 5/22 29