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L'Essentiel Prépas n°68 - Février 2023

L'Essentiel du Sup Prépas est le magazine numérique dédié aux professeurs des classes préparatoires, aux étudiants et à leurs parents. Chaque mois, retrouvez toute l'actualité des classes préparatoires économiques et commerciales et des Grandes Ecoles. Ce magazine vous est proposé par HEADway Advisory, cabinet de conseil en stratégie dédié à l'enseignement supérieur.

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L’ESSENTIEL DU SUP PRÉPAS DÉBAT<br />

FÉVRIER <strong>2023</strong> N° 68<br />

nelles. De même, pour Frédérique Vidal,<br />

le classement de Shanghai est « peu<br />

adapté aux systèmes ESR européens<br />

qui possèdent traditionnellement des<br />

tailles et des périmètres d’établissements<br />

plus restreints que ceux du modèle<br />

anglo-saxon ».<br />

Des outils, pas<br />

une fin en soi<br />

Les caractéristiques normatives et performatives<br />

des classements ne sont pas sans<br />

conséquences pour les établissements,<br />

qui peuvent tomber dans un phénomène<br />

de « déviation académique » (Morphew<br />

et Huisman 2002, cités dans Vinokur,<br />

2006), c’est-à-dire un penchant pour ces<br />

derniers à imiter les institutions les plus<br />

prestigieuses. Les classements peuvent<br />

ainsi « entretenir un climat de concurrence<br />

internationale exacerbée entre<br />

les universités, qui tend à se concentrer<br />

sur l’excellence de la recherche académique<br />

» (Barbe, 2015) et ainsi accentuer<br />

une lecture de l’ESR comme un marché<br />

international concurrentiel homogène<br />

(Eloire, 2010).<br />

Le mimétisme engendré par les dispositifs<br />

de classement, régis par les mêmes<br />

règles d’efficience, et la volonté des établissements<br />

d’optimiser leurs performances<br />

sur les différents critères mobilisés<br />

peut conduire à éluder la question<br />

du rôle de l’ESR dans une société donnée.<br />

Or, une institution ne pourra jamais<br />

se résumer à son classement. Cela reviendrait<br />

à faire abstraction de la qualité de<br />

sa formation, de l’accompagnement étudiant<br />

proposé ou encore de ses débouchés<br />

professionnels.<br />

Quels sont les impacts<br />

des classements ?<br />

Comme le souligne la chercheuse Julie<br />

Bouchard (2013a), les classements ont<br />

« contribué à la transformation des représentations,<br />

des identités, des relations<br />

et des institutions ». Estelle Iacona, présidente<br />

de Paris-Saclay, nous explique<br />

ainsi qu’ils ont deux conséquences majeures<br />

: « en interne, sur les institutions,<br />

et en externe, auprès du grand public et<br />

des autres acteurs de l’ESR ». En occupant<br />

une place de choix sur la scène médiatique,<br />

les classements impactent la<br />

façon de communiquer des établissement<br />

et la perception du grand public,<br />

du monde académique, des étudiants et<br />

des recruteurs.<br />

Outil de communication largement plébiscité<br />

par les institutions, les classements<br />

peuvent jouer un rôle d’orientation des<br />

étudiants nationaux et internationaux et<br />

Le débat hommage à Patrick Fauconnier réunissait Frédérique Vidal (ex-ministre de l’ESRI), Thierry Coulhon<br />

(HCERES), Estelle Iacona (Paris-Saclay), Julien Jacqmin (Neoma), et Jean Winand (ancien vice-recteur<br />

de l’université de Liège) et était animé par Sarah Piovezan (AEF) et Olivier Rollot (HEADway Advisory)<br />

d’aide à la décision quand il s’agit pour le<br />

grand public, de faire un choix de formation<br />

(Musselin, 2008 ; Bouchard, 2012).<br />

C’est pour Julien Jacqmin « un outil qui<br />

simplifie la lecture », c’est une aide à l’information<br />

des familles. En effet, la qualité<br />

des établissements d’ESR pouvant être<br />

très variable, cela permet aux parents et<br />

étudiants de bénéficier d’un référentiel.<br />

Même si le rôle premier des classements<br />

est de « fournir des informations comparatives<br />

à des publics ciblés » (Hazlkorn,<br />

2007), force est de constater que<br />

son périmètre d’influence s’est grandement<br />

élargi. Ces dispositifs impactent<br />

désormais les politiques publiques, le<br />

monde de l’entreprise ou encore les établissements<br />

eux-mêmes, répondant alors<br />

à « une exigence de transparence et d’information<br />

que les établissements et les<br />

pouvoirs publics n’ont pas su satisfaire<br />

eux-mêmes» (Usher et Savino, 2006 cités<br />

dans Hazelkorn, 2007). Frédérique Vidal<br />

explique par exemple que les classements<br />

« permettent de se comparer et de mieux<br />

mettre l’ESR français en valeur, car les<br />

acteurs sont bons en savoir-faire, mais<br />

pas en faire-savoir ». Jean Winand, ancien<br />

vice-recteur de l’université de Liège,<br />

ajoute qu’ils représentent un « signal »<br />

de qualité pour les étudiants et partenaires<br />

internationaux potentiels, conditionnant<br />

ainsi bien souvent l’aboutissement<br />

ou non de la collaboration. Harfi et<br />

Mathieu (2006) résument la dynamique<br />

à l’œuvre : « dans une économie fondée<br />

sur la connaissance et sur l’ouverture à<br />

la concurrence internationale, les systèmes<br />

nationaux d’enseignement supérieur<br />

et de recherche sont de plus en<br />

plus soumis à des comparaisons et à des<br />

évaluations ».<br />

En interne, les classements peuvent participer<br />

à l’acceptation d’une identité<br />

collective ou à accélérer sa structuration,<br />

à l’instar de Paris-Saclay. Dans ce<br />

cadre, « sans s’imposer de manière autoritaire,<br />

le classement est un instrument<br />

normatif et prescriptif qui affecte et<br />

oriente la conduite de différents acteurs<br />

de l’enseignement supérieur et de la recherche<br />

» (Bouchard, 2013a). Christine<br />

Musselin, sociologue, considérait même<br />

dès 2008, que les classements représentaient<br />

« des leviers utilisés par les directions<br />

d’établissement pour justifier et<br />

mener en interne des réformes qu’elles<br />

n’auraient pu conduire autrement ». Les<br />

classements participent alors à la diffusion<br />

d’une culture managériale au sein des<br />

institutions. Dès lors, « le classement ne<br />

représente pas simplement la réalité sociale<br />

; il produit la réalité sociale dont il<br />

fait partie et oriente la conduite des acteurs<br />

» (Bouchard, 2013b)<br />

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