contenu du poème ou du texte. Ceci implique que les enfants soient tout imprégnés, corps et âme, del’atmosphère du texte, d’où peu à peu émane des unités de sens de plus en plus précises.Un exemple :TexteDeux oiseauxDorment dans leur nid,Tout petitsL’un s’éveilleOuvre ses ailesVole et ritEt revient dans son nidTout petitEtc...Gestesles mains sont les oiseauxelles se pelotonnent l’une contre l’autreelles restent immobilesune main se redresseelle s’ouvresuivre la main qui s’élève du regardévidemment, la main rejoint l’autreet se blotit contre ellePuis deux enfants sont les oiseaux et se déplacent à travers la salle quand ils volent.Pendant toute cette phase de travail sur le poème, les enfants restent concentrés sur labeauté et l’exactitude de leurs mouvements : ne pas s’envoler trop tôt, etc... Bien sûr, quand je dis «vole », il y a un élan dans ma voix que les enfants perçoivent immédiatement, sans du tout avoirbesoin d’y réfléchir intellectuellement. Ils réagissent aux nuances que j’exprime par la parole, parl’expression animée de leur corps et peu à peu, sans qu’ils s’en rendent compte, les mots passentleurs lèvres et ils extériorisent, par la parole, ce qu’ils ont vécu intérieurement et exprimécorporellement d’abord en écoutant et percevant ce qui vit dans le poème. Après cette phase mixte,quand je sens que c’est mûr, les mouvements sont réduits, et ensemble, de façon bien rythmée, onrécite le poème – notre poème.Maintenant qu’on a gouté à la beauté de la langue française par la poésie, on devient pluspragmatique : on compte, on se pose des questions, on se donne des ordres, on joue des petitespièces de la vie quotidienne.- Compter : par exemple de 1 à 20 : à chaque nombre on avance d’un pas, puis on compte àrebours en reculant d’un pas par nombre. Ou bien je frappe sur une petite cymbale un certain nombrede fois, de façon rythmée, par exemple : 1-2-3, 4-5-6 , 7-8-9, et ils doivent me dire combien de fois j’aifrappé. Ce son est inhabituel, interessant, ils sont tout attentifs et tout inpatients de répondre. Je laisseplusieurs enfants donner leur réponse, un autre dire si c’est juste ; puis c’est à l’un d’eux de nous fairedeviner un nombre.- Quand aux ordres, ils sont donnés sur un ton un peu autoritaire, qui incite l’élève à lesréaliser promptement. Par exemple : « Tabea, vas à la porte; ouvre la porte; vas à la fenêtre; touche lerideau; assieds-toi par terre; montre la lampe; lève-toi; ferme la porte; assieds-toi à ta place » et, surun ton plus doux et appréciatif : « Très bien, Tabea. »- Les questions sont toujours basées sur un intérêt réel, par exemple : « As-tu un frère ? As-tuun grand/petit frère ? Quel âge a-t-il ? ».Bien sûr, parfois, on s’embrouille, dit que son propre frère s’appelle comme celui du voisin, et avec unpeu de tact, de telles erreurs font ressentir, avec un sourire ou même un rire, que tout ce qui est ditdans cette langue « étrangère » est très réel et perçu comme tel pas les autres.Ces petits dialogues, que les enfants aiment avoir entre eux, leur permettent de se rencontrer d’unefaçon nouvelle ; pour un moment, ils s’intéressent les uns aux autres en français, se demandent s’ilsont un chien, un chat, s’ils jouent de la flûte, font du sport. Cela tisse un lien social particulier, hors duquotidien, mais tourné vers lui.Encore un exemple illustrant une scène de la vie quotidienne sous forme d’un petit dialogueappris par coeur :Civil Society Platform on Multilingualism 60APPENDIX to Policy Recommendations06/06/2011 – FINAL <strong>VERSION</strong>
- Bonjour, monsieur l’facteur, avez-vous du courrier pour moi ?- Oui, une lettre pour ta maman,une lettre pour ton papa,une carte pour ton frèreet un petit paquet pour toi.- Merci mr l’facteur et au revoir.Un élève muni d’une petite sacoche dans laquelle se trouvent les enveloppes adressées à Maman,etc..., écrit en majuscules rouges, frappe à la porte. Tabea ouvre et mes deux petits français jouent lascène et communiquent uniquement en français.L’essentiel pour moi est de créer une atmosphère artistique et gaie qui accueille les enfants,agés de 6-7 ans et leur ouvre une porte : celle de la langue française. Nous y entrons ensemble,grâce à leur don d’imitation et de compréhension spontanées. J’essaie dans mes cours d’êtreprésente où ils sont, dans ce beau monde de l’enfance, tout en gardant ma conscience d’adulte. Leurmonde est notre vaisseau, ma présence notre mât et nous voguons ensemble, presque toujourssurpris et un peu déçus qu’une heure puisse passer si vite.2. Maintenant suit un aperçu de mon travail avec un groupe d’enfants, âgés de 9 à 10 ans.« Il neige, il pleut, il grêle. »Je répète, parle clairement, modèle les sons, la douceur du {z }, le tambourinement du {p}, suivi duson liquide du {l}, le martellement du {r}, et demande, exceptionnellement en allemand, quel verbepourrait signifier « es regnet » ou « es hagelt » ou « es schneit » ? Je répète les verbes français, lesenfants sont très attentifs. Ils tentent une réponse. J’écoute, sans juger, je les laisse jouer avec lessonorités, jusqu’à ce qu’ils soient tous d’accord. Tout est juste. Je les félicité et avec un sentiment desatisfaction, nous reprenons le canon commencé la semaine précédente. L’essentiel dans cetexemple est de guider les enfants dans la découverte non seulement de la beauté des sons, maisaussi de leur justesse, d’une certaine harmonie souvent présente entre le son et le sens d’un mot : leson obscure du {y} évoque la lune, alors que le son {eil} de soleil évoque une certaine fluiditévaporeuse. Nous répétons ensemble « le soleil », avec une voix, un regard et une maintenanceéveillés, puis, un peu assombris, « la lune », et savourons le {l} liquide, le {y} sombre, le {n} qui créeune petite distance 38 , et le {e muet}, muet comme la lune.Cet exemple démontre aussi ma démarche de préparation, je n’en dis rien aux enfants. Je lesaide de par ma conscience de la valeur des sons et de leur différentiation à simplement baigner dansces sonorités tout en les imprégnant de sens. Ces moments sont courts, très calmes, un peuméditatifs même et très bienfaisants. Je sens que les enfants sont rentrés dans une qualité delangage qu’ils ont réellement ressentie.A cet âge (9-10 ans), les enfants ne veulent plus en première ligne d’une atmosphèrechaleureuse qui les enveloppe comme les 6-7 ans. Ils aiment une structure claire, dans laquelle ilss’orientent, indépendemment de moi.Avec mon groupe de débutants de cet âge, nous avons aussi travaillé le chant « Sur le pontd’Avignon », mais de la façon suivante : 6 enfants ont formé deux triangles, imbriqués l’un dansl’autre, puis, à chaque section rythmique (Sur le pont/d’Avignon..) que je récitais, ils avançaient d’uneplace sur leur triangle.Il leur fallait être très attentifs au mouvement d’ensemble, bien écouter pour être arrivés à la nouvelleplace avec ma pause entre les sections de phrase et parallèlement ils ont assimilé le texte et ce son« on » si français. Ensuite, nous l’avons ajouté à notre collection de sonorités françaises en écrivant lechant dans notre cahier et en mettant le « on » en relief par une couleur différente.Pour terminer, voici un autre exemple, qui démontre une structuration très claire, servant desoutient dans l’apprentissage en groupe.Nous formons un cercle, frappons ensemble sur les cuisses, dans les mains et, en écartant les mains,frappons dans la main gauche, respectivement droite, des deux voisins. Chaque coup a son son38Distance présente dans la forme de négation de beaucoup de langues (non-no-nicht...)Civil Society Platform on Multilingualism 61APPENDIX to Policy Recommendations06/06/2011 – FINAL <strong>VERSION</strong>