La Detention Preventive Prolongee En Haiti - Vera Institute of Justice
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chefs et d’un plan de décentralisation progressif, une ébauche de service scientifique et<br />
technique a été esquissée, un investissement important a été consacré à la formation.<br />
Mais de toute évidence, les agents formés pour la Police Judiciaire étant souvent affectés<br />
à des postes administratifs au mépris de leurs compétences, ces capacités et ce personnel<br />
formé ne sont pas employés efficacement.<br />
Les Tribunaux<br />
Des règles et des procédures obsolètes. Au nombre des facteurs concourrant à la<br />
détention préventive prolongée en Haïti, il faut citer les écarts observés par rapport aux<br />
règles juridiques admises. Or, ces écarts obéissent fortement au Code d’Instruction<br />
Criminelle de Haïti, inspiré de la méthode inquisitive qui inspira le Code Napoléon.<br />
Datant de 1835, le Code d’Instruction Criminelle charge un Juge d’instruction doté de<br />
pouvoirs souverains d’intenter les poursuites nécessaires pour établir la vérité et décider<br />
si l’accusé doit être détenu avant le procès. Les prévenus disposent de peu de droits face à<br />
ce fonctionnaire doté d’une grande puissance, de sorte qu’il n’est pas insensé de supposer<br />
que tous les abus sont possibles.<br />
Dans la mesure où le mandat de dépôt est automatique pour les affaires criminelles et<br />
facultatif pour les délits, la détention préventive constitue la règle générale et la mise en<br />
liberté, l’exception. Il revient au Juge d’instruction de trancher toutes les questions de<br />
détention avant procès. Leurs décisions sont bien évidemment soumises aux règles<br />
judiciaires. Mais les gardes fous juridiques, de type cautionnement, mise en liberté<br />
conditionnelle et main levée d’écrou, ne les empêchent pas de recourir de manière<br />
abusive à la détention préventive, d’autant que ces mêmes Juges sont chargés d’évaluer si<br />
cette détention a été correctement appliquée.<br />
Le statut des acteurs de la justice eux-mêmes affecte l’administration des Tribunaux<br />
et contribue encore à la lenteur du circuit. L’appareil judiciaire haïtien leur confie des<br />
attributions doubles : le Juge de paix est un <strong>of</strong>ficier de la Police Judiciaire, un Juge<br />
d’instruction et un Juge des détentions. C’est toutefois au niveau du doyen de la Cour de<br />
première instance, simultanément chargé de fonctions administratives et judiciaires, que<br />
le ralentissement est le plus flagrant. Le doyen est administrateur du Tribunal,<br />
responsable de son fonctionnement, Juge des référés, conciliateur (en matière de divorce),<br />
doit donner sa signature (en matière d’état civil), s’adresse au Parquet en cas de mauvais<br />
fonctionnement et contrôle ce qui se passe dans les centres pénitentiaires. Quant aux<br />
Commissaires du Gouvernement, depuis le décret du 22 août 1995, ils sont également<br />
chargés de superviser les Tribunaux de paix.<br />
D’inutiles formalités pèsent également sur la procédure. Le nombre et l’inefficacité<br />
des acteurs du circuit pénal entraînent une série de retards. Ainsi, un Juge de paix doit<br />
rédiger des rapports <strong>of</strong>ficiels qu’un <strong>of</strong>ficier de la Police Judiciaire serait tout à fait<br />
capable de rédiger. Le Juge transmet souvent des enquêtes préliminaires incomplètes,<br />
obligeant les Commissaires du Gouvernement à demander un complément d’information.<br />
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