discours indirect libre - e-Sorbonne

Chapitre II Le discours indirect libre dans le système du discours rapporté
choix de lřexemple pour illustrer le DIL typique. Lřerreur de départ dans la présentation
du DIL par la grammaire est la non-prise en compte de son aspect polyphonique signalé
dans lřétude pionnière dans ce domaine, celle de Vološinov, Le Marxisme et la
philosophie du langage : on signale dès le début que le DIL appartient au discours du
narrateur, alors que la valeur du DIL est précisément dans le jeu énonciatif avec la voix
dřautrui. Lřanalyse détaillée de lřexemple tiré de la nouvelle de Lermontov La Princesse
Ligovski (Knjaginja Ligovskaja) montre que cette évacuation de lřinstance dřautrui dans
le DIL amène à présenter le psycho-récit en tant que DIL, alors quřil sřagit de
phénomènes distincts.
Donc, dans le psycho-récit, nous avons affaire à la mise en paroles de ce qui sřouvre
au regard du personnage, à sa perception. Comme nous avons dit, nous ne décrivons pas
intérieurement ce que lřon observe, en tout cas pas sous une forme élaborée, comme si
lřon adressait nos paroles à quelquřun (fût-ce à soi-même). Mais parfois, nous avons dans
le récit la description des éléments de la scène « en éclats », comme dans lřexemple vu
plus haut chez Tolstoj : « Тютькин Coiffeur… je me fais coiffer par Тютькин… », cřest
ce quřon appelle le flux de conscience. Nous précisons tout de suite quřen ce qui concerne
le terme de « flux de consience », il règne une certaine confusion : ce que nous entendons
par flux de consience peut figurer chez certains auteurs sous le terme « monologue
intérieur » 85 . Sans entrer dans le détail de ce débat, nous expliquerons ici quel est le sens
et la distinction que nous faisons ici dans ces termes.
Notre but est de comprendre à quel titre le DIL peut faire (ou ne pas faire) partie du
« flux de conscience » ou du monologue intérieur. Nous avons vu que le DIL, au même
titre que le DD, est une ressource linguistique dont dispose lřécrivain pour employer un
procédé narratologique tel que le monologue intérieur.
En ce qui concerne le flux de conscience, il peut être entendu de deux manières :
dřune part, comme une technique narrative qui sřapplique au « style » de lřœuvre dans
son ensemble ; dřautre part, il peut être utilisé à lřintérieur de lřœuvre comme un procédé
auquel lřécrivain a recours de temps en temps pour représenter un processus mental du
personnage.
Comme le précise The Pinguin Dictionary of Critical Theory, le flux de conscience
comme technique narrative remonte, dans la littérature européenne, à Vsevolod Garšin qui
85 Voir lřanalyse très détaillée de ces termes dans M. De Mattia-Viviès (2006a), chapitre III.
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