discours indirect libre - e-Sorbonne

Chapitre I Le discours indirect libre : tentatives de définition 37
procédé propre à lřécriture romanesque et à une conscience narrative complexe. En ce
qui concerne les exemples de la littérature du Moyen Âge, dont lřexistence est reconnue
par le linguiste, il les met sur le compte dřun mélange involontaire du narrateur
« primitif ». Il ajoute que le procédé employé, bien que proche du DIL, nřest pas pour
autant représentatif de la littérature de lřépoque. Les auteurs des dernières décennies
tendent à démontrer le contraire : on peut citer à ce propos les études de
B. Cerquiglini (1981), S. Marnette (2002), C. Pernot (2008).
Vološinov nřest pas le premier à avancer la vocation du DIL à la littérature et à la
« lecture silencieuse ». Bally, présent dès le début du débat, note lui aussi dans son
article de 1912 la littérarité du SIL :
« Une sorte d'indice stylistique de la langue littéraire […] comme le style indirect
libre donne l'impression très nette d'un procédé littéraire, c'est une preuve de plus de la
différence qui existera toujours entre l'écrit et le parler, même (et surtout) dans les cas où
le premier cherche à imiter le second. » 35
Il faut remarquer que les premiers travaux sont dûs aux chercheurs qui ne sont pas
uniquement des linguistes, historiens de la langue, mais également des historiens
littéraires : Valentin Vološinov, Mixail Baxtin, Viktor Vinogradov analysent le DIL en
employant les termes des stylisticiens. À titre de comparaison, notons que lřangliciste
Bruno Poncharal (2003) explique dans son étude que les anglicistes travaillant sur le
DIL sont souvent des critiques littéraires (comme Roy Pascal, Dorrit Cohn) et non des
linguistes ; par conséquent, ils analysent le DIL à travers le prisme de l'effet de style,
aussi bien comme procédé général que celui dřun écrivain en particulier. Le DIL est un
sujet où l'on doit passer constamment de la linguistique et de la grammaire au domaine
de la littérature et de la stylistique. Nous voyons que lřapproche du DIL en russe alliait
dès le début ces disciplines, ce qui est nécessairement dû à la formation des chercheurs
travaillant sur le problème, et plus particulièrement au formalisme russe, dont
lřempreinte est évidente chez Viktor Vinogradov.
Nous proposons à présent de voir de plus près ce que représente le DIL dans la
littérature, à quelle tendance il correspond, afin de comprendre les raisons de la
présumée modernité de ce procédé dans le récit de fiction. Notre but est de comprendre
35 Ch. Bally (1912a), cité dans B. McHale (1978).