discours indirect libre - e-Sorbonne

Chapitre I Le discours indirect libre : tentatives de définition 47
Brix, cet extrait est du DIL : cřest le personnage et non le narrateur qui est ici le sujet de
conscience. Il sřagit ici dřune définition du DIL très extensive, ce qui est très
caractéristique de lřapproche des critiques littéraires. Mais ici, le point de vue du
personnage est donné dřune manière trop élaborée, sous une forme de récit ; cřest pour
cette raison que lřon ne peut tout de suite reconnaître quřil sřagit du point de vue
dřAuguste. Seul lřénoncé exclamatif peut être assigné au personnage : il comporte
toutes les caractéristiques du DD et nous indique quřil sřagit des paroles dřAuguste, non
de celles du narrateur.
Ainsi, bien que donnant la place dřhonneur au DIL dans la littérature française,
Flaubert nřen est pas pour autant le pionnier. Stendhal, Balzac font appel au (S)DIL
avec le même souci de montrer une facette du monde vue dřun point de vue choisi par le
narrateur. Certes, ces passages où le narrateur fait place au personnage sont, pour ainsi
dire, « dilués » dans le discours auctorial, ce qui complique la tâche de l'identification
du DIL dans le texte balzacien.
On lie le DIL au nom de Flaubert non parce quřil est le premier à lřutiliser, mais
parce quřil fait de ce fait linguistique une forme privilégiée de traduction des pensées
des personnages. Madame Bovary annonce une tendance nouvelle dans lřécriture
romanesque ; cřest en quelque sorte lřacte de naissance du roman personnel. Cette
nouvelle stratégie textuelle (« personnelle ») ouvre une plus grande possibilité pour la
représentation de la perception particulière, pour la mise en scène des sentiments, des
émotions des personnages. Ce type de narration nouveau est en un sens paradoxal car il
promet dans cette narration à la troisième personne une certaine clarté, une certaine
objectivité, et, contrairement à cette promesse, il laisse place à lřirrationnel, au subjectif.
Déjà, dans Vološinov (1929) on trouve des remarques très intéressantes sur le
discours d'autrui en français avec les explications de cette stratégie narrative chez
Flaubert et Mérimée :
(10) En vain il (le colonel) parla de la sauvagerie du pays et de la difficulté pour une femme
dřy voyager à cheval : elle (miss Lydia) ne craignait rien ; elle aimait par-dessus tout à
voyager à cheval : elle se faisait une fête de coucher au bivouac ; elle menaçait d‟aller en
Asie-Mineure. Bref, elle avait réponse à tout, car jamais une Anglaise n‟avait été en Corse ;
donc elle devait y aller.