discours indirect libre - e-Sorbonne

Chapitre I Le discours indirect libre : tentatives de définition 17
dans lřabsence dřune approche contrastive : les collègues allemands de Bally partaient
de leurs recherches sur le DIL en allemand, sans considérer que cette forme de DR peut
se réaliser de différentes manières en dehors de lřallemand.
Les vossleriens opposent leur concept de subjectivisme individualiste à celui
d'objectivisme abstrait de Bally. Ils utilisent pour la description du DIL un appareil
terminologique de littéraires en parlant de l'imaginaire dans la langue, dřaffect, de sens
de la langue. Avec cette école, il nřy a pas de véritable avancée vers la formalisation du
phénomène du DIL. Ces travaux ont cependant le mérite d'étudier la partie littéraire du
DIL. En effet, Etienne Lorck, un des élèves de Vossler, met au centre de son concept le
rôle de l'imaginaire. Le linguiste allemand propose le terme « discours vécu » (erlebte
Rede) pour définir le phénomène ; c'est le titre qu'il donne à son livre, Die“erlebte
Rede” (1921), consacré à l'histoire du DIL 11 . Nous notons au passage que ce terme est
utilisé de nos jours dřune manière courante en linguistique, notamment dans la thèse de
Sybille Kurt consacrée aux problèmes de la traduction du SIL du français en russe et
inversement 12 . Ce terme est mentionné dans le contexte de la fonction littéraire du DIL.
Il suggère l'idée dřune réalité psychique qui ne passe pas par lřextériorisation du
discours. Enfin, il est également source de malentendus, car il restreint le DIL au texte
littéraire seul. Ce genre de malentendus persiste dans la littérature linguistique
spécialisée sur la question ; les avis sur les limites du DIL, la variété de ses formes sont
partagés.
Ce qui est intéressant dans les travaux de Lorck et de ses collègues, c'est la prise
de conscience de la nouveauté de ce troisième type de DR. Lorck (1921) présente le
DIL comme la seule forme adéquate pour parler du ressenti très vif, l'impression du
discours d'autrui. C'est le concept même de langue des vosslériens qui les différencie
des théories de Bally : les premiers la considèrent comme un procès dynamique, un
organisme vivant autosuffisant ; c'est l'imaginaire qui est la réalisation de cette
autosuffisance. En revanche, pour Bally, la langue est un fait, un objet vu dřun point de
vue rationnel ; c'est pour cette raison que le DIL se trouve exclu du système de la langue
dans sa théorie. Bally ne prend pas en compte les interrelations entre le plan du discours
11
Die “erlebte Rede” : ein sprachliche Untersuchung (1921), traduit en anglais par Experienced speech :
a linguistic investigation.
12
Cette thèse nřa pas été traduite en français ; pour avoir un aperçu de son étude, on peut se référer à
lřarticle de S. Kurt (2003), «Les traducteurs face au SIL (français-russe, russe-français)» qui en présente
un aperçu.