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LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo

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Les films qui comportaient parfois 3000 mètres de vues, avaient été fournis au "Palmarium" par la<br />

maison Pathé, tandis que les cafetiers de la Gare et de la Loge avaient signé un contrat avec "le Palace-<br />

Cinéma-Théâtre", "le roi incontesté de la projection", dès que celui-ci eut quitté la salle de "l'Eldorado", où il<br />

venait de donner, comme nous l'avons vu, une série de spectacles.<br />

Ces représentations furent, bien sûr, émaillées de quelques incidents, dus au mauvais temps et à la<br />

condition précaire des installations. Le 19 Juillet, un commencement d'incendie se produisit au<br />

cinématographe du "Palmarium" : "L'opérateur était entrain de faire passer sur l'écran une scène des plus<br />

intéressantes, lorsque tout à coup, soit pas suite d'une fausse manœuvre, soit par suite d'un court-circuit, le<br />

film (rouleau) prit feu". L'incendie menaça de se communiquer dans la cabane en bois où était installé<br />

l'appareil, mais "quelques carafes d'eau suffirent à enrayer tout danger".<br />

Il en aurait fallu davantage pour briser l'élan et l'engouement de ces centaines de spectateurs<br />

avides d'assister, chaque soir, à ce divertissement gratuit, et dont certains n'auraient pu se permettre, à cette<br />

époque, de payer une place dans une salle de variétés, pour assister au même programme. Dès la nuit<br />

tombée, la ville semblait s'écouler vers le rendez-vous des cinématographes, laissant derrière elle des<br />

terrasses de café, désertes et des trottoirs silencieux. Pendant deux mois, "il fut littéralement impossible de<br />

circuler sur la Loge et le long des quais, tellement était compacte la foule qui avait tenu à voir défiler devant<br />

ses yeux les prestigieuses pellicules des cinémas".<br />

Mais la fête ne devait pas être longue. Tous les cafetiers de la ville qui ne profitaient pas des<br />

séances de projections, la plupart parce que leurs ressources ne pouvaient leur permettre de se lancer dans<br />

cette entreprise, voyaient chaque jour, avec inquiétude, se dégarnir les tables de leurs établissements. Le 25<br />

Juillet, ils envoyèrent une pétition à l'autorité préfectorale, dans laquelle ils protestaient énergiquement<br />

contre ce qu'ils appelaient "une injustice flagrante", et réclamant la suppression des séances gratuites de<br />

cinéma.<br />

A la demande du Préfet et du Maire, tous les débitants de boissons des divers quartiers de la ville se<br />

réunirent le 2 Août, en séance extraordinaire. Séance orageuse où la majorité exigea l'interdiction immédiate<br />

des représentations, et où le petit nombre des privilégiés chercha à conserver le maintien des autorisations,<br />

soit jusqu'au 27 Août. Après un vote qui mit fin aux palabres, la date du 17 prévalut, et les parties en<br />

présence signèrent un protocole d'accord, pour demander à la Municipalité "de retirer les autorisations<br />

concernant le cinéma à partir de ce jour là". Mais, dès qu'ils furent mis au courant de cette décision,<br />

l'opérateur de la maison Pathé et la direction du "Palace-Cinéma-Théâtre", dont les engagements n'étaient<br />

pas terminés, réclamèrent une indemnité si élevée, que les limonadiers se trouvèrent dans l'obligation de<br />

repousser les projections jusqu'à la date du 25 Août.<br />

La disparition des cinématographes en plein-air, qui allait priver "le bon peuple d'un spectacle gratuit<br />

qui instruit tout en amusant", eut un tel retentissement dans la ville, que le rédacteur (1) du journal "le<br />

Socialiste des Pyrénées-Orientales", par ailleurs indifférent aux nouvelles du spectacle, affirma dans un de<br />

ses éditoriaux : "Si on se livrait à un référendum, je gage que 25.000 perpignanais demanderaient le<br />

maintien des cinémas". Et bien il a suffi de quelques intérêts menacés pour que l'interdiction de ce<br />

spectacle se produisit. Tout le régime capitaliste est là".<br />

Les cinématographes offrirent leur dernière soirée le 25 Août, et la fin des projections donna lieu à<br />

certaines manifestations de mécontentement. Du jour au lendemain les écrans disparurent et la ville reprit sa<br />

vie habituelle (2). Pour un certain nombre de ceux qui, le soir venu, allaient chercher un peu de distraction à<br />

la Loge ou au "Palmarium", devant les images animées, c'était à nouveau le retour "aux mornes soirées<br />

dépourvues de spectacles".<br />

En descendant dans la rue, le cinématographe venait de gagner une étape décisive, sur la longue<br />

route qu'il suivait depuis douze ans. Jamais en effet, dans le souvenir des vieux Perpignanais, un spectacle<br />

– à part la foire et les cavalcades carnavalesques – n'avait attiré pendant aussi longtemps un tel grand<br />

nombre de curieux dans les rues de la ville. Quarante sept soirs, et sans relâche, pendant lesquels un public<br />

considérable resta fidèle, jusqu'au dernier jour, aux projections en plein –air.<br />

(1) Ce rédacteur était <strong>Jean</strong> PAYRA, futur député des Pyrénées Orientales.<br />

(2) "En somme, le peuple aimait les cinémas. Versons donc un pleur sympathique sur leur tombe et<br />

gardons leur un souvenir reconnaissant des bons moments qu'ils nous ont fait passer". (in<br />

"L'Indépendant, du 26 Août 1908).<br />

© Cinémathèque euro-régionale <strong>Institut</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Vigo</strong> <strong>LES</strong> <strong>CAHIERS</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CINEMATHEQUE</strong> N° 1 janvier 1971<br />

Arsenal espace des cultures populaires – 1 rue <strong>Jean</strong> Vielledent, 66000 PERPIGNAN Tél. 04.68.34.09.39 Fax. 04.68.35.41.20<br />

courriel : contact@inst-jeanvigo.com site internet : www.inst-jeanvigo.asso.fr<br />

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