LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo
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20 Mai<br />
LE MOUCHARD<br />
L'ECOLE AMERICAINE : LE FILM SOCIAL<br />
Depuis des mois, John Ford ambitionnait de porter à l'écran "The Informer" de Liam O'Flaherty. C'était pour<br />
lui le sujet rêvé. Ce drame violent, brutal, spécifiquement irlandais, offrait la concentration nécessaire et<br />
toutes les vertus de la tragédie. Mais il était tenu pour "non-commercial" par les tout-puissants seigneurs qui<br />
"font" le cinéma. John Ford s'adresse donc à des capitaux privés. Tourné en trois semaines pour 218.000<br />
dollars, le film fut présenté au Radio City Music-Hall le 9 mai 1935. Sa carrière fut triomphale. En même<br />
temps qu'un chef-d'œuvre, ce fut l'un des plus grands succès financiers de l'année…<br />
L'action se passe à Dublin, en 1922, au cours de la révolte du Sinn-Fein.<br />
Ce drame sombre, qui sent l'alcool, la crasse et le sang, se déroule en douze heures. L'action<br />
commence à six heures du soir, lorsque la nuit brumeuse descend sur Dublin, et se termine au petit jour<br />
blafard, lorsqu'on allume les premiers cierges des églises.<br />
L'unité de temps est ainsi réduite au maximum. Mais si tout se passe dans les bas quartiers de<br />
Dublin, c'est avec l'extrême diversité qu'un tel cadre suppose. L'action dramatique dont Gypo est le héros est<br />
augmentée d'une quantité d'actions secondaires, de réactions aussi, qui composent l'ensemble tragique au<br />
milieu duquel il se débat.<br />
Comme dans "Arrowsmith", l'individu se détache de la collectivité. C'est la société - Le Sinn-Fein- qui<br />
se défend contre le traître. Or, ce groupe demeure de "l'autre côté du drame". On le considère "depuis" la<br />
situation tragique du mouchard, même lorsque celui-ci est appréhendé en son nom (par exemple lorsqu'il est<br />
dominé par le tribunal). D'un bout à l'autre du film on est "avec" Gypo. Tout en condamnant son geste et<br />
sans lui chercher d'excuses, l'auteur l'examine objectivement. Il cherche à le découvrir, à le comprendre.<br />
Au sein d'un conflit tout extérieur : la situation tragique du clan qui cherche à démasquer puis à<br />
abattre celui qui a trahi la cause, il y a le drame moral du traître qui prend conscience de son acte et des<br />
conséquences qu'il implique. Or, ce drame est – psychologiquement – plus important que celui-là. Il tient<br />
donc la première place.<br />
Toutefois, chez John Ford, l'individu n'est jamais étudié pour lui-même, à seule fin de découvrir les<br />
fondements de sa personnalité. On étudie son comportement devant les conditions momentanées qui le<br />
guident et le conduisent, devant les conséquences sociales de son acte. C'est la psychologie du comment et<br />
non la psychologie du pourquoi.<br />
On ne cherche pas à analyser, à remonter des faits aux causes mais, en suivant la manière d'être<br />
de l'individu agissant, on suggère, on laisse entendre. On démonte par le dehors le mécanisme d'une<br />
psychologie rudimentaire.<br />
© Cinémathèque euro-régionale <strong>Institut</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Vigo</strong> <strong>LES</strong> <strong>CAHIERS</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CINEMATHEQUE</strong> N° 1 janvier 1971<br />
Arsenal espace des cultures populaires – 1 rue <strong>Jean</strong> Vielledent, 66000 PERPIGNAN Tél. 04.68.34.09.39 Fax. 04.68.35.41.20<br />
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