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LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo

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1 - <strong>LES</strong> DISTRACTIONS PROVINCIA<strong>LES</strong><br />

1900 - 1905<br />

Au seuil de ce XXième siècle, deux salles se partageaient les amateurs de spectacles de cette ville<br />

archaïque et désuète de 35 757 habitants : au centre de la cité, le Théâtre Municipal, entouré de ruelles mal<br />

pavées et, à l’extérieur des fortifications, passage des variétés, « l’Alcazar roussillonnais », au bord de la<br />

basse, qui n’était alors qu’un ruisseau bordé de frondaisons, éclairées par le linge blanc des lavandières. (1)<br />

Le Théâtre Municipal était un des hauts lieux de rendez-vous de la bourgeoisie perpignanaise, un<br />

endroit de prédilection où l’on se retrouvait, à des dates bien déterminées, entre gens d’un même monde, et<br />

où souvent, le spectacle de la salle importait davantage que celui de la scène. Ce théâtre, la plupart du<br />

temps mal géré par les municipalités en place, présentait surtout une saison d’opéras, au moment des fêtes<br />

pascales. Il recevait des compagnies itinérantes de comédies et de drames, mais parfois aussi donnait asile<br />

à des « troupes théâtrales dont les acteurs paraissent plutôt racolés sous les ponts et dans les asiles de<br />

nuit, qu’empruntés au conservatoire ».<br />

Malgré le prix relativement abordable du « Poulailler » (0,50 francs en 1901), les familles populaires<br />

ne se mêlaient jamais à ces sortes de soirées aristocratiques où la toilette était de rigueur. Les barrières<br />

sociales demeuraient encore solidement implantées, et les frontières des quartiers bien délimitées. A cette<br />

époque, un ouvrier s’adressait à son patron à la troisième personne et, le dimanche, au beau temps, un petit<br />

artisan ne se serait jamais permis d’aller flâner sur l’allée centrale de la Promenade des Platanes,<br />

strictement réservée à la « bonne société » de la ville.<br />

Il existait à Perpignan « fort peu de riches, un nombre restreint de gens aisés et une masse<br />

considérable de travailleurs de toute sorte » (2). Les salaires étaient très bas, la vie difficile, et les familles<br />

des quartiers populeux de Saint-Jacques ou de Saint-Mathieu, cherchaient à profiter de toute les occasions<br />

qui s’offraient à elles « de s’amuser et de se divertir, à la condition que ces divertissements n’excèdent pas<br />

les ressources de leur maigre bourse » (2).<br />

Seul, « l’Alcazar » (3) aurait pu leur apporter les distractions qu’elles réclamaient. C’était « une<br />

grande bâtisse de forme régulière, dont les murs peints et décorés à la mauresque, étaient bordés d’une<br />

galerie circulaire soutenue par des arcades en formes de trèfle » (4). On y chantait la romance sentimentale,<br />

des couplets patriotiques et des refrains égrillards avec des gestes équivoques, entre une représentation de<br />

chiens savants, une danse du ventre et des tours de prestidigitation. « Tous ceux qui ont eu l’occasion de<br />

tuer quelques quart d’heures dans les Alcazars borgnes de province, connaissent les misères de ces sortes<br />

de lupanars. Sous la lumière jaune de la rampe ils ont vu des dames blafardes s’efforcer de chanter… des<br />

morceaux où le saugrenu le dispute au pornographe… Puis lorsque la chanteuse a lancé sa dernière note,<br />

vous l’avez tous vue descendre dans la salle et tendre pour un sou sa sébile. Les sous tombent rarement,<br />

mais les propos grossiers, eux, ne chôment guère…(5). C’est le spectacle ordinaire offert dans les Alcazars<br />

et, s’il ne relève ni d’un concert ni d’un café, il est hors de conteste qu’il donne l’impression nette d’un<br />

intérieur de maison close » (6).<br />

Nous n’irons pas jusqu’à peindre, d’une manière aussi agressive, les soirées du café-concert<br />

perpignanais, mais il est certain que les artistes qui s’y produisaient et les spectacles que l’on y présentait,<br />

glissaient plus facilement vers la vulgarité que vers la grivoiserie.<br />

(1) Il existait aussi, place de la Loge, "le Concert Parisien" des frères Vidal, petit théâtre à style<br />

mauresque" qui présentait du music-hall. Il disparut, peu après, en 1899.<br />

(2) Article de <strong>Jean</strong>-Paul (L'Indépendant, 28 Janvier 1902)<br />

(3) Créé en 1874 par un nommé Jobe sur l'emplacement de l'ancien "Tivoli Catalan"<br />

(4) François SAUVY : Folle province, Paris, 1888<br />

(5) "Le Concert parisien" où l'on applaudit la cascadeuse fardée qui fera la quête et promènera son<br />

sourire dans la salle" (Horace Chauvet : Histoire du Roussillon, 1962)<br />

(6) César BOYER : Menus propos (L'indépendant, 31 Mai 1902)<br />

© Cinémathèque euro-régionale <strong>Institut</strong> <strong>Jean</strong> <strong>Vigo</strong> <strong>LES</strong> <strong>CAHIERS</strong> <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> <strong>CINEMATHEQUE</strong> N° 1 janvier 1971<br />

Arsenal espace des cultures populaires – 1 rue <strong>Jean</strong> Vielledent, 66000 PERPIGNAN Tél. 04.68.34.09.39 Fax. 04.68.35.41.20<br />

courriel : contact@inst-jeanvigo.com site internet : www.inst-jeanvigo.asso.fr<br />

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