LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE n°1.pdf - Institut Jean Vigo

19 Novembre
CHARLES SPENCER CHAPLIN
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Depuis Monsieur Verdoux, au moins, une mode s’est installée : celle qui consiste à diminuer
Chaplin. Une certaine jeunesse indépendante, irrespectueuse et incrédule, ne connaît pratiquement Charlot
qu’à travers les analyses dithyrambiques des histoires de cinéma. Sa méfiance, encore que sans excuse,
est assez compréhensible. En revanche, une critique qui refuse aux artistes, et à fortiori aux clowns, le droit
de faire de la politique, mais qui, elle, dissimule ses arrière-pensées politiques sous des exigences de pure
esthétique, tente d’acclimater en France le dédain, la suspicion, voire la haine, qu’une bonne part des Etats-
Unis nourrit à l’égard de Chaplin.
L’une des plus habiles manières d’accabler Chaplin tout en continuant d’encenser Charlot – le pur
Charlot – c’est d’avancer la thèse « révolutionnaire » suivante : contrairement à ce qu’on admettait jusqu’ici,
Charlot n’est pas une victime de l’ordre social, c’est un ambitieux travaillé d’un désir de toute-puissance, le
rêve d’un surhomme.
Charlot s’inscrit, dit Maurice Bessy (« Monsieur Chaplin ou Le rêve dans la ,nuit », Damaso, Paris
1952) dans la lignée des Robin des Bois, Don Quichotte, Rodolphe, d’Artagnan, Zorro, Judex, Superman et
Tarzan. C’est un paladin valeureux qui réussit dans la plupart de ses entreprises. S’il échoue, c’est qu’il
s’est attaqué à l’impossible.
Charlot avec des ailes
Une ville d’Europe. Clignent
Les yeux des maisons.
Dans les yeux brillent
Des larmes multicolores.
Sur les pylônes, dans l’espace, de mille manières
Le nom de Charlot claque, seul.
De Los Angeles jusqu’ici
A travers les océans
Un petit homme bafoué joue.
Dans cette Europe la foule, si elle a des lèvres
Rit et se tord jusqu’à l’épuisement,
Jusqu’à la colique. Mais qu’ils aillent au diable
Le gandin qui ressemble à un concombre
Et sa stupide dame ! A dîner
Ils mangent du poulet et ont des têtes de poulet.
Tonnerre de motocyclettes dans la foule
Sifflets des agents.
Il faut prendre la file et attendre.
Le cinéma braille et ses millions de voix.
Tais-toi, bourgeoise Europe stupide et vaine !
(Premier Plan N° 28 – Barthélémy Amengual)
© Cinémathèque euro-régionale Institut Jean Vigo LES CAHIERS DE LA CINEMATHEQUE N° 1 janvier 1971
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